Sur le chemin du retour, nous n’avons rien entendu, aucune vision miraculeuse ne vint troubler le silence
au-dessus du lac des cendres à Birkenau
Le monde était très calme et notre mémoire n’était plus à vif
Les noms des lieux de l’horreur avaient pu être épelés,
Auschwitz
Birkenau
Treblinka
Maïdanek
Chelmno
Sobibor
Belzec
Terreur de nos enfances quand nos lèvres étaient sales
Mais le soir, nos esprits studieux se penchent sur ce passé que nous avons à transmettre,
à analyser, à produire, à écrire
Nous avons mangé le pain du récit. Dans les temps enfiévrés de notre apprentissage, nous avons écouté, nous avons lu. Ô combien de lectures dans l’infini. Chaque récit était différent. Unique. Nous avons engrangé l’immensité des témoignages
Mais le silence était plus grand au bord du lac des cendres à Birkenau
C’est vers le soir que nous avons voulu devenir savants
Comme un vœu qui nous engage au-delà de la solitude,
afin que l’immensité du ciel laisse se déployer une terre de connaissance
Ô mon Dieu, par ta justice et par ta miséricorde,
Les âmes sont patientes et accueillent le silence
Comme Moïse le transmit aux oreilles de Josué,
Nous effacerons les noms
Nous écrirons, nous épèlerons les noms des victimes,
Paradoxe de votre incarnation
Vous êtes un ciel
et ma main surprend le battement de votre sang dans la boue et les écorces
Votre regard est dans le nom
Qui serons-nous pour vivre
alors,
quand le ciel très haut surplombe le lac des cendres à Birkenau ?
Nous nous appartenons mutuellement
Car le monde se tient dans le souffle des petits enfants qui vont à l’école
Adam, il s’appelle
le souffle qui parle
ruah memalela
ruah memalela
ruah memalela
Dans le retrait de Celui qui exhala en nous l’âme de vie,
nous le maintiendrons cet espace
Chivitti Adonaï lenegedi tamid
J’ai placé Adonaï
Monique Lise Cohen
(octobre-décembre 2001)
Avec l’amicale autorisation de Monique que je tiens à remercier.
A propos de Monique:
Monique Lise Cohen a fait des études de philosophie à Toulouse. Docteur en lettres, elle est poète et auteur de plusieurs ouvrages et études sur des thèmes littéraires, philosophiques, religieux et historiques.
Elle a fait son doctorat sous la direction d’Henri Meschonnic, en 1989 : « Le thème de l’émancipation des Juifs : archéologie de l’antisémitisme ». Ce texte a été publié en 1992 aux éditions Vent Terral, sous le titre : « Les Juifs ont-ils du cœur ? », avec une préface d’Henri Meschonnic.
Elle a été bibliothécaire à la Bibliothèque de Toulouse où elle a créé un secteur « Hebraica-Judaica » et animé un Centre d’Etude et de Recherche sur la Résistance toulousaine.
Elle a participé au travaux de l’ISTR (Institut de Science et de Théologie des religions) de Toulouse, et animé une Unité de recherche : « Herméneutiques bibliques ».
Présidente de l’Association : « Mémoires : les Juifs dans la Résistance ». Association gérant, autour d’un site internet, les archives de l’Organisation juive de Combat pendant la Seconde Guerre mondiale (collection Joseph-Georges Cohen) : http://www.resistancejuive.org