L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Haftarat Bé’Houkotaï, Jérémie ou le Chemin de l’Espérance

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Eyn Ovdat

Soyez polis envers tous, mais intimes avec peu ; et choisissez-les bien avant de leur faire confiance” (George Washington)

La haftarat Bé’Houkotaï[1], rédigée quasiment comme un psaume, a pour thème essentiel la notion de confiance que doit porter l’Homme à l’Eternel.  La racine hébraïque de cette confiance absolue est ב.ט.ח/B. T. ‘H.

Le cœur de la haftarah réside dans la vision d’un monde divisé entre la malédiction et la bénédiction :

ה כֹּה אָמַר יְהוָה אָרוּר הַגֶּבֶר אֲשֶׁר יִבְטַח בָּאָדָם וְשָׂם בָּשָׂר זְרֹעוֹ וּמִן-יְהוָה יָסוּר לִבּוֹ… ז בָּרוּךְ הַגֶּבֶר אֲשֶׁר יִבְטַח בַּיהוָה וְהָיָה יְהוָה מִבְטַחוֹ. (ירמיהו יז: ה; ז)5 Ainsi parle I’Eternel : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en un mortel, prend pour appui un être de chair, et dont le cœur s’éloigne de l’Eternel ! … 7 Béni soit l’homme qui Se confie en l’Eternel, et dont l’Eternel est l’espoir (Jérémie 17 : 5 ; 7).

Ces deux versets de la haftarah répondent à la parashat Bé’Houkotaï où l’Eternel avertit Israël de ne point suivre la voie des faux dieux au risque de se voir retirer la bénédiction divine :

יז וְנָתַתִּי פָנַי בָּכֶם וְנִגַּפְתֶּם לִפְנֵי אֹיְבֵיכֶם וְרָדוּ בָכֶם שֹׂנְאֵיכֶם וְנַסְתֶּם וְאֵין-רֹדֵף אֶתְכֶם. (ויקרא כו: יז)17 Et Je dirigerai ma face contre vous, et vous serez abattus devant vos ennemis ; ceux qui vous haïssent vous domineront, et vous fuirez sans qu’on vous poursuive. (Lévitique 26 : 17).

L’Eternel annonce la chute des villes d’Israël (Lévitique 26 : 31), de la terre d’Israël (Lévitique 26 : 32) et l’exil (Lévitique 26 : 33), si et seulement si les fils d’Israël refusent d’entendre la voix de l’Eternel et de lui obéir (Lévitique 26 : 27).

De plus, ces deux versets de Jérémie ne sont point sans rappeler le passage du livre du Deutéronome décrivant le renouvellement dans les plaines de Moav de l’Alliance conclue avec les Patriarches et les Hébreux au mont Sinaï par Moïse. Ce renouvellement s’effectue en une cérémonie comportant symboliquement des malédictions sur le Mont Eyval (Deutéronome 27 : 15-26) auxquelles le peuple doit répondre : « amen », tandis que sur le Mont Guerizim, nul autel n’est construit et nulle bénédiction à laquelle le peuple doit répondre « amen » n’est prononcée, signifiant par là que la bénédiction coule de source directement de l’Eternel au peuple hébreu, pourvu qu’il écoute Sa voix et suive Ses voies (Deutéronome 28 : 1-14). 

La haftarat Bé’Houkotaï compare l’homme maudit à un genévrier s’épanouissant dans le désert :

ו וְהָיָה כְּעַרְעָר בָּעֲרָבָה וְלֹא יִרְאֶה כִּי-יָבוֹא טוֹב וְשָׁכַן חֲרֵרִים בַּמִּדְבָּר אֶרֶץ מְלֵחָה וְלֹא תֵשֵׁב. (ירמיהו יז: ו)6 Pareil à un genévrier dans le désert de la Aravah, il ne verra point venir de jour propice ; il aura pour demeure les régions calcinées du désert, une terre couverte de sel et inhabitable (Jérémie 17 : 6).

Il nous faut noter l’allitération des deux termes hébraïques « עַרְעָר Ar’ar » signifiant « genévrier » et le mot « אָרוּר Arour » signifiant « maudit ».

L’homme béni est, quant à lui, comparé à un arbre fécond ne craignant pas les mauvais jours, car il vit près d’une source d’eau, comparée à la Torah, à la Parole de l’Eternel, toujours vivifiante :

ח וְהָיָה כְּעֵץ שָׁתוּל עַל-מַיִם, וְעַל-יוּבַל יְשַׁלַּח שָׁרָשָׁיו וְלֹא ירא (יִרְאֶה) כִּי-יָבֹא חֹם וְהָיָה עָלֵהוּ רַעֲנָן וּבִשְׁנַת בַּצֹּרֶת לֹא יִדְאָג וְלֹא יָמִישׁ מֵעֲשׂוֹת פֶּרִי. (ירמיהו יז: ח)8 Et il sera tel un arbre planté au bord de l’eau et qui étend ses racines près d’une rivière : vienne la saison chaude, il ne s’en aperçoit pas, et son feuillage reste vert : une année de sécheresse, il ne s’en inquiète point, il ne cessera pas de porter des fruits. (Jérémie 17 : 8).

Toute confiance mise en l’Homme n’est qu’illusion. Les hommes sont faibles, trompeurs (Psaume 116 : 11 ; 146 : 3), incapables d’accomplir leur promesse. Ainsi, Yosseph (Joseph), priant le maître-échanson d’intercéder en sa faveur auprès de Pharaon (Genèse 40 : 14) a été oublié par ce dernier (Genèse 40 : 23).

ה  אַשְׁרֵי הַגֶּבֶר אֲשֶׁר-שָׂם יְהוָה מִבְטַחוֹ
וְלֹא-פָנָה אֶל-רְהָבִים וְשָׂטֵי כָזָב. (תהלים מ: ה)
5 Heureux l’homme qui cherche sa sécurité en l’Eternel, et ne se tourne pas vers les orgueilleux et les amis du mensonge ! (Psaume 40 : 5).

Un jour adviendra où même les Nations du monde reconnaîtront leurs erreurs et leurs mensonges et en viendront à rendre un culte à l’Eternel, Divinité d’Israël :

יט יְהוָה עֻזִּי וּמָעֻזִּי וּמְנוּסִי בְּיוֹם צָרָה אֵלֶיךָ גּוֹיִם יָבֹאוּ מֵאַפְסֵי-אָרֶץ וְיֹאמְרוּ אַךְ-שֶׁקֶר נָחֲלוּ אֲבוֹתֵינוּ הֶבֶל וְאֵין-בָּם מוֹעִיל. (ירמיהו טז: יט)19 Eternel, ô ma force, mon appui et mon refuge au jour du malheur ! Des peuples viendront à toi des confins de la terre et diront : “Nos ancêtres n’ont reçu pour héritage que le mensonge, que de vaines [idoles], toutes également impuissantes. (Jérémie 16 : 19).

La Teshouvah des Nations sera pleine et entière :

כח  יִזְכְּרוּ וְיָשֻׁבוּ אֶל-יְהוָה  כָּל-אַפְסֵי-אָרֶץ
וְיִשְׁתַּחֲווּ לְפָנֶיךָ כָּל-מִשְׁפְּחוֹת גּוֹיִם. (תהלים כב: כח)
28 Les confins de la terre se souviendront et reviendront au Seigneur, toutes les familles des peuples se prosterneront devant lui. (Psaume 22 : 28).

L’Humanité assistera à la chute des idéologies totalitaires et destructrices ainsi que des tours de Babel emprisonnant la pensée dans la matrice de la doxa vénérée. Qui aurait pu imaginer être témoin de la chute du mur de Berlin et voir l’effondrement de l’Union soviétique ?

כ הֲיַעֲשֶׂה-לּוֹ אָדָם אֱלֹהִים וְהֵמָּה לֹא אֱלֹהִים. (ירמיהו טז: כ)20 Les hommes pourraient-ils fabriquer des dieux ? Non, certes, ce ne sont pas des dieux ! (Jérémie 16 : 20).

Les dieux de l’Antiquité, à savoir Ba’al, dieu de la foudre et de la pluie, et Astarté, déesse de la terre que l’on aurait pu imaginer à tout jamais disparus, trouvent un écho particulier avec l’essor du romantisme au cours du XIXe siècle avec le dieu du panthéon germanique Wotan, l’époux de la déesse de la fécondité Freia. Wagner compose alors, sous l’influence du romantisme allemand, « Le Crépuscule des dieux » dans lequel il décrit le combat des dieux et des géants pour s’emparer du pouvoir symbolisé par l’anneau des Nibelung. Le dieu Wotan, l’un des personnages prépondérants de l’opéra de Wagner, participe à l’influence du pangermanisme aryen raciste et antisémite que Hitler va prôner et développer, en quête d’une grandeur patriotique chimérique.

Après la malédiction comparée au genévrier dont les fruits paraissent comestibles mais ne le sont point et la bénédiction mise en parallèle avec l’arbre fécond, la perdrix devient symbole de malédiction car, tentant de couver des œufs pondus par une autre femelle, elle ne réussit pas à les faire éclore :

יא קֹרֵא דָגַר וְלֹא יָלָד עֹשֶׂה עֹשֶׁר וְלֹא בְמִשְׁפָּט בַּחֲצִי יָמָו יַעַזְבֶנּוּ וּבְאַחֲרִיתוֹ יִהְיֶה נָבָל 11 La perdrix s’entoure d’une famille qu’elle n’a point mise au monde ; tel est celui qui acquiert l’opulence d’une manière inique au beau milieu de ses jours, il devra l’abandonner et sa fin sera misérable. (Jérémie 17 : 11).

Effectivement, comme le genévrier dans la Aravah, la perdrix qui couve les œufs d’une autre femelle semble donner de bons fruits, mais son œuvre est de fait stérile et sans aucune utilité.

« Qui trop embrasse, mal étreint » !

En quoi ce verset est-il compatible avec le thème essentiel de la confiance envers l’Eternel développé par Jérémie dans la haftarah de Be’houkotay ?

La spoliation et l’iniquité trouvant leur origine dans le manque de confiance en l’Eternel sont comparées, selon le prophète Jérémie, au culte païen. Voler son prochain équivaut à rendre un faux culte, dans le sens strict du terme : un culte qui demande à porter des fruits, mais qui reste stérile et complètement inutile !

יג מִקְוֵה יִשְׂרָאֵל יְהוָה כָּל-עֹזְבֶיךָ יֵבֹשׁוּ יסורי (וְסוּרַי) בָּאָרֶץ יִכָּתֵבוּ כִּי עָזְבוּ מְקוֹר מַיִם-חַיִּים אֶת-יְהוָה. (ירמיהו יז: יג)13 O espérance d’Israël, Eternel, tous ceux qui te délaissent seront confondus ! Oui, ceux qui se tiennent éloignés de moi seront inscrits sur la poussière, car ils ont abandonné la source d’eau vive : l’Eternel. (Jérémie 17 : 13).

Le terme hébraïque « מִקְוֵה/Mikvé » détient une double signification, « espérance » ou « réceptacle agglomérant les eaux pures » (Genèse 1 : 10). Autrement dit, selon les Sages d’Israël, c’est l’espoir et la confiance mis en l’Eternel qui purifient le cœur des hommes.

 Le dernier verset de la haftarah semble ne pas appartenir à l’ensemble du texte. En fait, Jérémie, souffrant du mépris et des moqueries des siens, se tourne vers l’Eternel par la prière et requiert la guérison :

יד רְפָאֵנִי יְהוָה וְאֵרָפֵא הוֹשִׁיעֵנִי וְאִוָּשֵׁעָה כִּי תְהִלָּתִי אָתָּה. (ירמיהו יז: יד)14 Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri ; sauve-moi et je serai sauvé, car tu es l’objet de mes louanges. (Jérémie 17 : 14).

La guérison du prophète Jérémie recouvre également celle d’Israël :

יג אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם אֲשֶׁר הוֹצֵאתִי אֶתְכֶם מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִהְיֹת לָהֶם עֲבָדִים וָאֶשְׁבֹּר מֹטֹת עֻלְּכֶם וָאוֹלֵךְ אֶתְכֶם קוֹמְמִיּוּת. (ויקרא כו: יג)13 Je suis l’Éternel votre Seigneur, qui vous ai tirés du pays d’Egypte pour que vous n’y fussiez plus esclaves ; et j’ai brisé les barres de votre joug, et je vous ai fait marcher la tête haute[2]. (Lévitique 26 : 13).

[1] Parashat Bé’Houkotaï: Lévitique 26 : 3-27 : 34 ; Haftarat Be’houkotay: Jérémie 16 : 19-17 : 14.

[2]  Le terme « Qomémyiout / קוֹמְמִיּוּת, marcher la tête haute » est un hapax biblique. Il vient de la racine « ק.ו.ם » qui signifie : « se lever ».

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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