L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Haftarat VaYishla’h, La chute d’Edom, la renaissance d’Israël

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

« Le droit d’Israël à exister comme Etat est incontestable » (Pasteur Martin Luther King)

Ce shabbat, nous lirons le livre du prophète Ovadia qui est le plus court de tous les livres prophétiques. En effet, un seul et unique chapitre compose ce livre. Ovadia est le contemporain du prophète Jérémie (600 avant notre ère ; cf. Jérémie 49).

Pourquoi ce prophète a-t-il été choisi par les Sages d’Israël comme haftarah de la parashat VaYishlakh[1] ?

Comparons le message de la haftarah à celui de la parashah.

La parashah évoque la rencontre historique entre les deux frères ennemis Essav (Esaü) et Ya’akov.

Ya’akov fuit de devant Essav de crainte d’être tué par ce dernier. Pourtant, dans notre parashah, les deux frères finissent par se réconcilier :

ד וַיָּרָץ עֵשָׂו לִקְרָאתוֹ וַיְחַבְּקֵהוּ וַיִּפֹּל עַל-צַוָּארָו וַיִּשָּׁקֵהוּ וַיִּבְכּוּ. (בראשית לג: ד).4 Et Ésaü courut à sa rencontre, l’embrassa, se jeta à son cou et l’embrassa ; et ils pleurèrent. (Genèse 33 : 4).

La sincérité de cette réconciliation historique transparaît à travers l’invitation d’Esaü proposant à son frère Ya’akov de le suivre :

יב וַיֹּאמֶר נִסְעָה וְנֵלֵכָה וְאֵלְכָה לְנֶגְדֶּךָ. (בראשית לג: יב).ש12 Et il dit : « Partons et marchons ensemble ; je me conformerai à ton pas. » (Genèse 33 : 12).

Ya’akov répond alors à son frère Essav :

יג וַיֹּאמֶר אֵלָיו אֲדֹנִי יֹדֵעַ כִּי-הַיְלָדִים רַכִּים וְהַצֹּאן וְהַבָּקָר עָלוֹת עָלָי וּדְפָקוּם יוֹם אֶחָד וָמֵתוּ כָּל-הַצֹּאן.  יד יַעֲבָר-נָא אֲדֹנִי לִפְנֵי עַבְדּוֹ וַאֲנִי אֶתְנָהֲלָה לְאִטִּי לְרֶגֶל הַמְּלָאכָה אֲשֶׁר-לְפָנַי וּלְרֶגֶל הַיְלָדִים עַד אֲשֶׁר-אָבֹא אֶל-אֲדֹנִי שֵׂעִירָה. (בראשית לג: יג-יד).ש13 Et il lui répondit : « Mon seigneur sait que les enfants sont délicats, que ce menu et ce gros bétail qui allaitent exigent mes soins ; si on les surmène un seul jour, tout le jeune bétail périra. 14 Que mon seigneur veuille passer devant son serviteur ; moi, je cheminerai à ma commodité, selon le pas de la suite qui m’accompagne et selon le pas des enfants, jusqu’à ce que je rejoigne mon seigneur à Séir. » (Genèse 33 : 13 -14).

Jacob suggère à son frère Esaü de prendre les devants, en direction de Seīr, et lui le rejoindra plus tard, à Seīr, territoire d’Esaü. C’est alors que le dialogue entre les deux frères s’achève. Pourtant, Jacob ne prend point la direction de Seīr, mais de Canaan, où habite encore son père Its’haq.

Comment Jacob a-t-il pu promettre fallacieusement à son frère qu’il le rejoindrait à Seīr ?

Cette nouvelle rencontre interrompue dans la parashah VaYishla’h figure dans la haftarah qui, d’une certaine manière, poursuit le message de Jacob :

כא וְעָלוּ מוֹשִׁעִים בְּהַר צִיּוֹן לִשְׁפֹּט אֶת-הַר עֵשָׂו וְהָיְתָה לַיהוָה הַמְּלוּכָה. (עובדיה כא).ש21 Et des libérateurs monteront sur la montagne de Sion, pour se faire les justiciers du mont d’Esaü ; et la royauté appartiendra à l’Eternel. (Ovadia 21).

Alors même que de nombreux dénominateurs communs unissent généralement la haftarah à la parashah, cette fois-ci, il n’en est rien. Le message de la haftarah semble être à l’opposé de celui exprimé dans la parashah. Ou plutôt, dirais-je, il révèle les intentions cachées qui furent celles des deux frères, lors de leur rencontre dans la Parashah. A l’amour fraternel mentionné dans la parashah, la haftarah oppose la haine éprouvée par Esaü à l’encontre de son frère Jacob, haine que Jacob craignait et à laquelle il s’était préparé par la potentialité de la guerre (Genèse 32 : 8-9), par la prière (Genèse 32 : 10-13) et par des cadeaux (Genèse 32 : 14-22).

י מֵחֲמַס אָחִיךָ יַעֲקֹב תְּכַסְּךָ בוּשָׁה; וְנִכְרַתָּ לְעוֹלָם. (עובדיה י).ש10 A cause de ta cruauté à l’égard de ton frère Jacob, tu seras couvert de honte, et ta ruine sera éternelle. (Ovadia 10).

Ce dernier passage confirme l’issue épique de la lutte intra-utérine des deux frères :

כג וַיֹּאמֶר יְהוָה לָהּ שְׁנֵי גֹיִים בְּבִטְנֵךְ וּשְׁנֵי לְאֻמִּים מִמֵּעַיִךְ יִפָּרֵדוּ וּלְאֹם מִלְאֹם יֶאֱמָץ וְרַב יַעֲבֹד צָעִיר. (בראשית כה: כג).ש23 Et le Seigneur lui dit : « Deux nations sont dans ton sein et deux peuples se sépareront en sortant de tes entrailles ; un peuple sera plus puissant que l’autre et l’aîné obéira au plus jeune. » (Genèse 25 : 23).

En effet, si la traduction traditionnelle de «וְרַב יַעֲבֹד צָעִיר » est : « et l’aîné obéira au plus jeune », on aurait tout aussi bien pu traduire : « et le plus jeune obéira à l’aîné », tant la construction de la phrase hébraïque reste vague. Mais le prophète Ovadia nous rappelle le sens de ces paroles sibyllines.

Pourquoi donc cet appel à la destruction d’Edom ?

י מֵחֲמַס אָחִיךָ יַעֲקֹב תְּכַסְּךָ בוּשָׁה וְנִכְרַתָּ לְעוֹלָם. יא בְּיוֹם עֲמָדְךָ מִנֶּגֶד בְּיוֹם שְׁבוֹת זָרִים חֵילוֹ וְנָכְרִים בָּאוּ שְׁעָרָו וְעַל-יְרוּשָׁלִַם יַדּוּ גוֹרָלַּם-אַתָּה כְּאַחַד מֵהֶם. (עובדיה י-יא). ש10 A cause de ta cruauté à l’égard de ton frère Jacob, tu seras couvert de honte, et ta ruine sera éternelle. 11 Le jour où tu te postas comme spectateur, alors que les barbares emmenaient son armée captive, que l’étranger envahissait ses portes et partageait Jérusalem au sort, toi aussi tu fus comme l’un d’eux. (Ovadia 10-11).

Edom a toujours collaboré avec l’ennemi dans le dessein de mettre un terme définitif à l’existence du peuple d’Israël. Edom s’était enrichi par la vente d’esclaves et plus particulièrement d’esclaves de Yehouda (Juda). Nombreux sont les prophètes d’Israël à évoquer l’ancienne et farouche hostilité d’Edom à l’encontre de son frère Jacob-Israël. Yoël (Joël, 4 : 19), Amos (1 : 11-12 ; 9 : 11-12), Ezéchiel (25 : 12-14 et chap. 35). Malgré la haine d’Edom envers Israël reflétée par la haftarah de VaYishla’h, Israël se doit de respecter son frère Esaü :

ח לֹא-תְתַעֵב אֲדֹמִי כִּי אָחִיךָ הוּא… (דברים כג: ח).ש8 N’aie pas en horreur l’lduméen, car il est ton frère… (Deutéronome 23 : 8).

Dans le texte de la Tora, la réconciliation entre Esaü et son frère Jacob, si elle a l’air sincère, n’en est pas moins artificielle et reflète les tensions sous-jacentes, d’un côté la haine d’Esaü s’exprimant par les quatre cent hommes d’armes qui l’accompagnent, et de l’autre, la crainte justifiée de Jacob qui se prépare à cette rencontre par la défense en cas d’attaque, par la prière et les cadeaux.  Comme Laban en son temps, Esaü est séduit et se laisse fléchir par les présents reflétant la richesse de Jacob. Que manque-t-il à cette relation fraternelle ? Contrairement à Jacob citant le Nom du Seigneur (Genèse 33 : 10-11) comme le fit par ailleurs son père Its’haq (Isaac), Esaü ne mentionne jamais le Créateur du ciel et de la terre, de la Source de toutes bénédictions. Ce n’est qu’à la fin des temps, lorsque Esaü sera vaincu, que l’ensemble des Nations en viendront à reconnaître le Maître du monde :

כא וְעָלוּ מוֹשִׁעִים בְּהַר צִיּוֹן לִשְׁפֹּט אֶת-הַר עֵשָׂו וְהָיְתָה לַיהוָה הַמְּלוּכָה. (עובדיה כא).ש21 Et des libérateurs monteront sur la montagne de Sion, pour se faire les justiciers du mont d’Esaü ; et la royauté appartiendra à l’Eternel. (Ovadia 21).

Pour qu’une relation vraiment fraternelle soit envisageable entre Jacob et Esaü, il faudrait que ce dernier « divorce » de ses femmes cananéennes, notamment de celle qui deviendra la grand-mère d’Amaleq, le pire ennemi d’Israël…

Tant qu’Esaü ne condamnera point son petit-fils Amaleq, le royaume d’Edom reste voué au déclin inéluctable annoncé par le prophète Amos :

יא בַּיּוֹם הַהוּא אָקִים אֶת-סֻכַּת דָּוִיד הַנֹּפֶלֶת וְגָדַרְתִּי אֶת-פִּרְצֵיהֶן וַהֲרִסֹתָיו אָקִים וּבְנִיתִיהָ כִּימֵי עוֹלָם. יב לְמַעַן יִירְשׁוּ אֶת-שְׁאֵרִית אֱדוֹם וְכָל-הַגּוֹיִם אֲשֶׁר-נִקְרָא שְׁמִי עֲלֵיהֶם נְאֻם-יְהוָה עֹשֶׂה זֹּאת. (עמוס ט: יא-יב).ש11 En ce jour, je relèverai la tente caduque de David, j’en réparerai les brèches, j’en restaurerai les ruines, je la rebâtirai [solide] comme au temps jadis, 12 en sorte qu’ils recueilleront l’héritage des derniers Iduméens et des autres nations, eux qui ont été désignés d’après mon nom, dit l’Eternel, qui accomplira tout cela. (Amos 9 : 11-12).

… aussi bien que par le prophète Ovadia :

א חֲזוֹן עֹבַדְיָה כֹּה-אָמַר אֲדֹנָי יְהוִה לֶאֱדוֹם שְׁמוּעָה שָׁמַעְנוּ מֵאֵת יְהוָה וְצִיר בַּגּוֹיִם שֻׁלָּח קוּמוּ וְנָקוּמָה עָלֶיהָ לַמִּלְחָמָה. (עובדיה א).ש1 Vision d’Ovadia. Ainsi parle le Seigneur Dieu au sujet d’Edom : Nous avons entendu une annonce de la part de l’Eternel, un messager a été envoyé parmi les nations : « Debout ! Levons-nous contre lui pour combattre ! » (Ovadia 1).

Qui est donc ce messager ?

Nabonide (Nabounaīdנַבּוּנָאִיד , 556- 539 avant notre ère) incarne ce messager, cet instrument de l’Eternel. Nabonide, dernier des rois de Babylone, contrairement à ses prédécesseurs, osera s’aventurer dans le pays d’Edom difficile d’accès en raison de ses montagnes s’élevant majestueusement à plus de 1000 mètres d’altitude (Ovadia 3).  Avec le concours des fils de Moab, pourtant allié des Edomites, il conduira à la chute finale d’Edom :

ז עַד-הַגְּבוּל שִׁלְּחוּךָ כֹּל אַנְשֵׁי בְרִיתֶךָ הִשִּׁיאוּךָ יָכְלוּ לְךָ, אַנְשֵׁי שְׁלֹמֶךָ לַחְמְךָ יָשִׂימוּ מָזוֹר תַּחְתֶּיךָ אֵין תְּבוּנָה, בּוֹ. (עובדיה ז).ש7 Ils te poursuivent jusqu’aux frontières, tous ceux qui étaient tes alliés ; ils te trompent, ils te maîtrisent, tes prétendus amis ! Le pain qu’ils t’apportent, c’est un piège sous tes pas, et tu ne l’as pas compris ! (Ovadia 7).

Alors que les grands empires européens du XIXe siècle se sont, au cours du XXe siècle, totalement effondrés, laissant derrière eux des pays fracturés et des continents ensanglantés, Israël, quant à lui, ne cesse de grandir et est aujourd’hui reconnu comme une puissance spirituelle admirée dans le monde entier pour sa contribution notoire à l’aide humanitaire, au refleurissement du désert, à ses découvertes médicales et à ses brevets révolutionnaires.

David ben Gourion disait :

« A l’Etat d’Israël d’être un Etat exemplaire… l’Etat d’Israël sera jugé non point sur sa richesse, son armée et sa technique mais sur l’éthique de son régime et ses valeurs humanistes ».

[1] Parashat VaYishla’h : Genèse 32 : 4-36 : 43.

Shabbat shalom !

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Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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