La Nouvelle Alliance: l’Alliance du cœur [2]

Dimanche 25 mai, le Pape François posera pour la première fois le pied en Israël. Cette visite officielle visant à renforcer les liens entre le Vatican et Israël constitue, sans aucun doute, un temps fort sur le plan théologique entre les deux états. L’Eglise catholique s’est, par le passé, considérée comme le «Verus Israël» («Véritable Israël»). Toutefois, depuis Vatican II et la publication de Nostra Aetate, cette dernière a cherché à mieux comprendre le mystère de l’Election d’Israël et de l’Alliance abrahamique.

Lors de la parution, en 1973, du document «Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme» (16 avril 1973) publié par la Conférence épiscopale française, sur l’attitude des chrétiens à l’égard du Judaïsme, nous ne  pouvons pas ne pas déceler une progression d’ordre théologique sur la question de l’Alliance. «Nostra Aetate» mentionne encore la notion d’Antique Alliance»: «L’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans son ineffable miséricorde, a daigné conclure l’Antique Alliance…»  (Nostra Aetate (1965) «La religion juive»), alors que le document épiscopal s’efforce de redéfinir celle-ci d’«Alliance éternelle»: «Selon la révélation biblique, c’est Dieu même qui a constitué ce peuple, qui l’a éduqué et instruit de ses desseins, scellant avec lui une Alliance éternelle (Gn 17,7) et faisant reposer sur lui un appel que saint Paul qualifie d’irrévocable(Rm 11,29). Nous lui devons les cinq livres de la Loi, les Prophètes et les autres livres sacrés qui complètent son message. Après avoir été rassemblés par la tradition, écrite et orale, ces enseignements furent reçus par les Chrétiens sans que pour autant les Juifs en soient dépossédés»[1].

Que signifie la notion de «nouvelle Alliance» dans le TaNaKh?

Cette Alliance fondée sur l’amour ne s’étant jamais démentie tout au long de l’Histoire, engage Israël à répondre immédiatement présent (Hinneni[2]) à l’appel divin et à se conformer à la mission qui lui incombe: témoigner de la Présence du divin (Providence, justice et immanence divine) en ce monde (Isaïe 43, 10) et faire preuve de responsabilité personnelle et collective à l’égard de tous les êtres de cette planète. Cette élection, loin d’être un privilège, engage, en effet, Israël sur la voie d’une exigence éthique extrême, ne laissant place à aucune déviation morale:

«C’est vous seuls que j’ai distingués entre toutes les familles de la terre, c’est pourquoi je vous demande compte de toutes vos fautes» (Amos 3, 2).

«Je te frapperai avec mesure, mais n’aurai garde de consommer ta ruine» (Jer. 30, 9)

L’Eternel requiert donc de son peuple d’atteindre à la pureté du cœur dénommée «circoncision du cœur» (cf. Deut. 30, 5):

גש«הַשְׁלִיכוּ מֵעֲלֵיכֶם אֶת-כָּל-פִּשְׁעֵיכֶם אֲשֶׁר פְּשַׁעְתֶּם בָּם וַעֲשׂוּ לָכֶם לֵב חָדָשׁ וְרוּחַ חֲדָשָׁה וְלָמָּה תָמֻתוּ בֵּית יִשְׂרָאֵל» .(יחזקאל י”ח, ל”א ).נ

«Rejetez loin de vous tous les péchés que vous avez commis, faites-vous un cœur nouveau et une âme nouvelle» (Ezéchiel 18, 31).

Cette exigence éthique doit répondre à la vocation première d’Israël:

ה«וּבָאוּ-שָׁמָּה וְהֵסִירוּ אֶת-כָּל-שִׁקּוּצֶיה וְאֶת-כָּל-תּוֹעֲבוֹתֶיהָ–מִמֶּנָּה.יט וְנָתַתִּי לָהֶם לֵב אֶחָד וְרוּחַ חֲדָשָׁה אֶתֵּן בְּקִרְבְּכֶם; וַהֲסִרֹתִי לֵב הָאֶבֶן מִבְּשָׂרָם וְנָתַתִּי לָהֶם לֵב בָּשָׂר.כ לְמַעַן בְּחֻקֹּתַי יֵלֵכוּ וְאֶת-מִשְׁפָּטַי יִשְׁמְרוּ וְעָשׂוּ אֹתָם; וְהָיוּ-לִי לְעָם וַאֲנִי אֶהְיֶה לָהֶם לֵאלֹהִים» (יחזקאל י”א, י”ח-כ’).   ה

«Ils y [en Israël] viendront et ils en enlèveront toutes les abominations et toutes les horreurs. Et je leur donnerai un  seul cœur et je mettrai parmi vous un esprit nouveau; j’ôterai le cœur de pierre de leur corps et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils suivent mes lois, qu’ils observent mes prescriptions et les accomplissent, et ils seront pour moi un peuple et je serai pour eux un Dieu.» (Ezéchiel 11, 18-20)

 ה«וְלָקַחְתִּי אֶתְכֶם מִן-הַגּוֹיִם וְקִבַּצְתִּי אֶתְכֶם מִכָּל-הָאֲרָצוֹת וְהֵבֵאתִי אֶתְכֶם אֶל-אַדְמַתְכֶם. וְזָרַקְתִּי עֲלֵיכֶם מַיִם טְהוֹרִים וּטְהַרְתֶּם: מִכֹּל טֻמְאוֹתֵיכֶם וּמִכָּל-גִּלּוּלֵיכֶם אֲטַהֵר אֶתְכֶם. וְנָתַתִּי לָכֶם לֵב חָדָשׁ וְרוּחַ חֲדָשָׁה אֶתֵּן בְּקִרְבְּכֶם וַהֲסִרֹתִי אֶת-לֵב הָאֶבֶן מִבְּשַׂרְכֶם, וְנָתַתִּי לָכֶם לֵב בָּשָׂר. וְאֶת-רוּחִי אֶתֵּן בְּקִרְבְּכֶם וְעָשִׂיתִ אֵת אֲשֶׁר-בְּחֻקַּי תֵּלֵכוּ וּמִשְׁפָּטַי תִּשְׁמְרוּ   וַעֲשִׂיתֶם וִישַׁבְתֶּם בָּאָרֶץ אֲשֶׁר נָתַתִּי לַאֲבֹתֵיכֶם וִהְיִיתֶם לִי לְעָם, וְאָנֹכִי אֶהְיֶה לָכֶם לֵאלֹהִים» (יחזקאל ל”ו, כ”ד-כ”ח; ל”ז, י”ב).  נ

«Et je vous retirerai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les pays et vous ramènerai sur votre sol. ²⁵ Et j’épancherai sur vous des eaux pures afin que vous deveniez purs; de toutes vos souillures et de toutes vos abominations, je vous purifierai. ²⁶ Je vous donnerai un cœur nouveau et je vous inspirerai un esprit nouveau; j’enlèverai le cœur de pierre de votre sein et je vous donnerai un cœur de chair. ²⁷ Je mettrai en vous mon esprit et je ferai en sorte que vous suiviez mes statuts et que vous observiez et pratiquiez mes lois. ²⁸ Vous demeurerez dans le pays que j’ai donné à vos pères, vous serez pour moi un peuple, et moi, je serai pour vous un Dieu»(Ez. 36, 24-28; 37, 12).

A cet amour sans limite de Dieu à l’égard de son peuple répond celle d’Israël pour son Dieu. Le peuple d’Israël doit opérer une «conversion» spirituelle intérieure. L’accomplissement de ce retour annonce l’épanchement de la prophétie sur les Fils d’Israël qui tous, sans exception, accepteront non seulement d’être le réceptacle de la Lumière divine mais aussi seront doués du souffle prophétique:

«Et ils n’auront plus besoin ni les uns ni les autres de s’instruire mutuellement en disant: «Reconnaissez l’Eternel!» Car tous, ils me connaîtront, du plus petit au plus grand, dit l’Eternel, quand j’aurai pardonné leurs fautes et effacé jusqu’au souvenir de leurs péchés» (Jer. 31, 33).

«Voici, des jours vont venir, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle» (Jer. 31, 30).

Le prophète Ezéchiel mentionne l’apparition de la présence divine non plus dans l’enceinte du Temple au milieu des deux chérubins fixés sur l’Arche de l’Alliance, preuve de l’amour de Dieu (Ex. 25, 18-22) mais dans le cœur de l’homme. C’est le parachèvement d’un amour parfait:

«Je mettrai mon sanctuaire au milieu d’eux pour toujours.Ma résidence sera près d’eux; je serai leur Dieu, et eux seront mon peuple.Et les nations sauront que moi, l’Eternel, je sanctifie Israël, puisque mon Sanctuaire sera au milieu d’eux pour toujours» (Ez. 37, 27-28).

Selon le grand commentateur biblique Malbim, les Fils d’Israël «n’auront plus besoin de la sainteté ni de l’Arche ni du Temple car ils seront eux-mêmes le vecteur de la Shekhinah » (Présence divine) (Ez. 37, 27-28).

La notion d’Alliance nouvelle ne signifie en rien l’abolition ou la substitution d’une ancienne Alliance mais son plein accomplissement non plus en diaspora mais en Erets Israël par l’ensemble du peuple d’Israël:

כ«וּמָל יְהוָה אֱלֹהֶיךָ אֶת-לְבָבְךָ וְאֶת-לְבַב זַרְעֶךָ לְאַהֲבָה אֶת-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכָל-לְבָבְךָ וּבְכָל-נַפְשְׁךָ לְמַעַן חַיֶּיךָ» (דברים ל’, ה’). נ

«Et l’Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et celui de ta postérité, pour que tu aimes l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, et assures ton existence.» (Deut. 30, 5).

Le TaNaKh (Bible) ne doit donc pas être dénommé «Ancien Testament» mais «Livre de l’Alliance».

Si l’étude du TaNaKh vous fait rêver, n’hésitez pas à me joindre:

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Au plaisir de vous retrouver,

Cordial shalom d’Israël,

Haïm Ouizemann

[1]Texte publié dans Documents Episcopat, bulletin de la Conférence épiscopale française, n° 10, avril 1973, et reproduit dans La Croix du 18 avril 1973. Nous le publions ici avec les notes de M. Th. Hoch et B. Dupuy, Les Eglises devant le Judaïsme. Documents officiels 1948-1978 (Cerf, 1980), pp. 171-180.

[2]«Hinneni»/  הִנֵּנִיen hébreu indique l’ouverture à la Parole divine, l’entière et pleine disposition d’accomplir la volonté de Dieu sans condition. Les Patriarches et les Prophètes d’Israël, annihilant leur propre volonté, répondent tous à l’appel divin par le terme «Hinneni» (Moïse: Ex.3, 4; I  Samuel 3, 4).