L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat BéHar- Béhouqotaï, Le Jubilé, cri de Liberté !

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

« Dans les saintes Écritures, le Jubilé est un temps sacré pour se souvenir, revenir, se reposer, réparer et se réjouir » (Pape François, 1er septembre 2020, Journée Mondiale de Prière pour la Sauvegarde de la Création en référence au « Laudato Si »[1] ).

י וְקִדַּשְׁתֶּם אֵת שְׁנַת הַחֲמִשִּׁים שָׁנָה וּקְרָאתֶם דְּרוֹר בָּאָרֶץ לְכָל-יֹשְׁבֶיהָ יוֹבֵל הִוא תִּהְיֶה לָכֶם וְשַׁבְתֶּם אִישׁ אֶל-אֲחֻזָּתוֹ וְאִישׁ אֶל-מִשְׁפַּחְתּוֹ תָּשֻׁבוּ. (ויקרא כה: י).ש10 Et vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays, la Liberté pour tous ceux qui l’habitent : cette année sera pour vous le Jubilé, où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera à sa famille. (Lévitique 25 : 10).

Ce verset du Lévitique[2] renferme deux mots clés : דְּרוֹר/ DéRoR (« liberté ») et יוֹבֵל/ YoVeL (« Jubilé »).

Comment comprendre le YoVeL, le Jubilé ? Le terme דְּרוֹר/ DéRoR semble y être étroitement associé.

Seuls trois prophètes, Isaïe, Jérémie et Ezéchiel, font référence au terme דְּרוֹר/ DéRoR, compris dans sa première acception « Liberté intégrale et absolue ».

Isaïe :

א רוּחַ אֲדֹנָי יְהוִה עָלָי יַעַן מָשַׁח יְהוָה אֹתִי לְבַשֵּׂר עֲנָוִים שְׁלָחַנִי לַחֲבֹשׁ לְנִשְׁבְּרֵי לֵב לִקְרֹא לִשְׁבוּיִם דְּרוֹר וְלַאֲסוּרִים פְּקַח-קוֹחַ. (ישעיהו סא: א).ש1 L’esprit du Seigneur, de l’Eternel, repose sur moi, puisque l’Eternel m’a conféré la mission de porter un heureux message aux humbles ; il m’a délégué pour guérir les cœurs brisés, pour annoncer la Liberté aux captifs et la délivrance à ceux qui sont dans les chaînes (Isaïe 61 : 1).

Jérémie :

טו וַתָּשֻׁבוּ אַתֶּם הַיּוֹם וַתַּעֲשׂוּ אֶת-הַיָּשָׁר בְּעֵינַי לִקְרֹא דְרוֹר אִישׁ לְרֵעֵהוּ וַתִּכְרְתוּ בְרִית לְפָנַי בַּבַּיִת אֲשֶׁר-נִקְרָא שְׁמִי עָלָיו. (ירמיהו לד: טו).ש15 Et vous êtes revenus [ vers l’Eternel] aujourd’hui, en faisant ce qui est juste à mes yeux, en proclamant la Liberté de vos frères ; vous aviez conclu une Alliance devant moi, dans la maison qui porte mon nom . (Jérémie 34 : 15).

Ezéchiel :

יז וְכִי-יִתֵּן מַתָּנָה מִנַּחֲלָתוֹ לְאַחַד מֵעֲבָדָיו וְהָיְתָה לּוֹ עַד-שְׁנַת הַדְּרוֹר וְשָׁבַת לַנָּשִׂיא אַךְ נַחֲלָתוֹ בָּנָיו לָהֶם תִּהְיֶה. (יחזקאל מו: יז). ש17 Mais s’il fait un présent, sur son héritage, à l’un de ses esclaves ; il lui appartiendra jusqu’à l’année d’Emancipation, où il fera retour au prince : c’est à ses enfants seuls que son héritage doit appartenir. (Ezéchiel 46 : 17).

Les trois grands prophètes d’Israël en appellent à libérer tous les serviteurs et tous les esclaves car si, non seulement aucun homme n’a le droit d’entraver indéfiniment la Liberté d’autrui, tout homme a de surcroît le devoir d’octroyer à jamais la Liberté à tout homme qui aurait été son esclave ou son serviteur ! En effet, tout homme ne peut en aucune façon être l’esclave d’un autre homme, car il est intrinsèquement serviteur de l’Eternel en observant Ses Lois et Ses préceptes.

Le terme דְּרוֹרDéRoR, peu fréquent dans la source biblique, revêt quelquefois un sens différent qui, toutefois, permet d’éclaircir l’esprit du mot דְּרוֹרDéRoR, Liberté.

Dans les Psaumes et les Proverbes, ce terme דְּרוֹרDéRoR signifie « moineau » :

ד  גַּם-צִפּוֹר מָצְאָה בַיִת וּדְרוֹר קֵן לָהּ אֲשֶׁר-שָׁתָה אֶפְרֹחֶיהָ אֶת-מִזְבְּחוֹתֶיךָ יְהוָה צְבָאוֹת מַלְכִּי וֵאלֹהָי. (תהלים פד: ד).ש4 Même l’oiseau trouve un abri, le moineau a son nid où il dépose ses petits. [Moi, je rêvais] de tes autels, Eternel-Tsevaot, mon roi et mon Seigneur. (Psaume 84 : 4).

Le livre de l’Exode évoque également, dans un tout autre contexte, le terme דְּרוֹרDéRoR :

כג וְאַתָּה קַח-לְךָ בְּשָׂמִים רֹאשׁ מָר-דְּרוֹר חֲמֵשׁ מֵאוֹת וְקִנְּמָן-בֶּשֶׂם מַחֲצִיתוֹ חֲמִשִּׁים וּמָאתָיִם וּקְנֵה-בֹשֶׂם חֲמִשִּׁים וּמָאתָיִם. (שמות ל: כג).ש23 Et toi prends pour toi aussi des aromates de premier choix : myrrhe franche, cinq cents sicles ; cinnamone odorant, la moitié, soit deux cent cinquante ; jonc aromatique, deux cent cinquante (Exode 30 : 23).

La myrrhe franche  מָר-דְּרוֹר, constitue la toute première essence végétale entrant dans la composition des huiles aromatisées destinées à l’onction des instruments du Tabernacle et du Temple. L’onction vise à consacrer à l’Eternel, la Source exclusive de la Création.

Le terme composé מָר-דְּרוֹר / MoR- DéRoR (« myrrhe franche ») comprend également un sens allégorique rappelant la condition de l’esclavage à laquelle furent soumis les Hébreux en Egypte. A l’amertume de la servitude « מָר MoR » succède la Liberté « דְּרוֹר /DéRoR ».

Le dénominateur commun au moineau et à la myrrhe franche réside en ce que le premier retourne à son nid et que la seconde, utilisée aussi dans la composition de l’encens, remonte à sa racine céleste.

Le Rav Avraham Its’hak HaCohen Kook[3] enseigne que toutes les étincelles emplissant la Création aspirent ardemment à retourner à la source de leur existence primordiale:

ה«תְּחִיַּת הָאֻמָּה הִיא הַיְסוֹד שֶׁל בִּנְיַן הַתְּשׁוּבָה הַגְּדוֹלָה, תְּשׁוּבַת יִשְׂרָאֵל הָעֶלְיוֹנָה וּתְשׁוּבַת הָעוֹלָם כֻּלּוֹ שֶׁתָּבוֹא אַחֲרֶיהָ».ש

« La renaissance de la nation [d’Israël] constitue le fondement de la construction du grand Retour, le Retour supérieur d’Israël et le Retour du monde entier qui suivra ensuite ». (Rav Kook).

L’Animal, la Plante et l’Homme reviennent à leur source respective et retrouvent leur pureté originelle, celle qui fut la leur au Jardin d’Eden.

Ce Retour synonyme de Liberté est appelé « Yovel/ יוֹבֵל, Jubilé ».

Si la France a offert aux Etats-Unis d’Amérique la statue de la Liberté, de son vrai nom « la Liberté éclairant le monde » construite par Auguste Bartholdi sur le modèle des immenses constructions égyptiennes, Israël offre, quant à lui, le statut de la Liberté, le Jubilé pour devenir le flambeau du monde, d’un monde libéré des chaînes de la servitude, car on ne peut acquérir de véritable liberté sans être un véritable « serviteur de l’Eternel », sans obéir à Ses Lois.

טו רְאֵה נָתַתִּי לְפָנֶיךָ הַיּוֹם אֶת-הַחַיִּים וְאֶת-הַטּוֹב וְאֶת-הַמָּוֶת וְאֶת-הָרָע. טז אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לְאַהֲבָה אֶת-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לָלֶכֶת בִּדְרָכָיו וְלִשְׁמֹר מִצְוֺתָיו וְחֻקֹּתָיו וּמִשְׁפָּטָיו וְחָיִיתָ וְרָבִיתָ וּבֵרַכְךָ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בָּאָרֶץ אֲשֶׁר-אַתָּה בָא-שָׁמָּה לְרִשְׁתָּהּ. (דברים ל: טו-טז).ש15 Vois, je te propose en ce jour, d’un côté, la vie avec le bien, de l’autre, la mort avec le mal. 16 En faisant ce que je te recommande en ce jour : aimer l’Éternel, ton Seigneur, marcher dans ses voies, garder ses préceptes, ses lois et ses décrets, tu vivras, tu grandiras et tu seras béni de l’Éternel, ton Seigneur, dans le pays où tu vas entrer pour en hériter. (Deutéronome 30 : 15-16).

D’une certaine manière, le cycle conduisant au Jubilé n’est point sans rappeler celui de la fête de Shavouot célébrant le don de la Tora offerte à Moïse au mont Sinaï. Le Jubilé commémoré à l’issu de quarante-neuf ans sur le modèle de Shavouot célébré quarante-neuf jours après la fête de Pessah, la fête de la Libération d’Egypte est un cri de Liberté dirigé vers toutes les nations, pour qu’elles sachent que rendre la Liberté est un devoir qui s’impose à toutes et à tous.

Les Protestants des Etats-Unis d’Amérique ont adopté le principe du Jubilé, comme en témoigne le verset du Lévitique 25 : 10 gravé a même la « Liberty Bell » (Cloche de la Liberté) à Philadelphie incarnant le combat en faveur des Droits de l’Homme et plus particulièrement de la Liberté. L’Eglise catholique s’en inspire également très largement. Pour preuve la lettre apostolique Tertio millennio adveniente visant, en 1994, à préparer « le Jubilé de l’an 2000 ».

Imaginons ensemble que soit instauré un jour prochain le principe de Jubilé appliqué à l’ensemble de la Terre.  Cela n’a rien d’utopique.

La leçon qu’il nous faut retenir est que ni les océans, ni les cieux, ni la terre n’appartiennent à l’Homme. La Torah rappelle, par le biais du Jubilé, que l’Eternel est le seul et unique Propriétaire de la Planète Terre.  L’Homme doit se souvenir qu’il ne détient l’usufruit de cette Terre que d’une façon limitée, usufruit qu’il lui incombe de partager avec les plus démunis.

Rabbi Lord Jonathan Sacks enseigne:

« La Torah fait un point radical. Il n’existe pas de propriété absolue. Il ne doit pas y avoir de pleine propriété sur la terre d’Israël parce que la terre appartient en définitive à Dieu. Un Israélite ne peut pas non plus posséder un autre Israélite parce que nous appartenons tous à Dieu, et nous avons fait cela depuis qu’Il a sorti nos ancêtres de l’esclavage en Égypte. » (We Are What We Do Not Own, Behar-Bechukotai, 5778)

כג וְהָאָרֶץ לֹא תִמָּכֵר לִצְמִתֻת כִּי-לִי הָאָרֶץ כִּי-גֵרִים וְתוֹשָׁבִים אַתֶּם עִמָּדִי. (ויקרא כה: כג).ש23 Nulle terre ne sera aliénée irrévocablement, car la terre est à moi, car vous n’êtes que des étrangers et des résidents chez moi. (Lévitique 25 : 23).

[1] « Laudato si », (« Loué sois-tu ») est la seconde encyclique du pape François.

[2] Parashat Béhar-Béhouqotaï : Lévitique 25 : 1- 27 : 34.

[3]  Rav Avraham Its’hak HaCohen Kook, « Orot HaTeshouva, les Lumières du Retour ».

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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