L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat BeMidbar, A chaque être, un nom!

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Mémorial de la Shoa à Jérusalem ( "יד ושם" | צילום: אורן נחשון )
Mémorial de la Shoa à Jérusalem ( צילום: אורן נחשון )

«שְׂאוּ אֶת-רֹאשׁ כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לְמִשְׁפְּחֹתָם לְבֵית אֲבֹתָם בְּמִסְפַּר שֵׁמוֹת כָּל-זָכָר לְגֻלְגְּלֹתָם» (במדבר א, ב).

«Faites le relevé des têtes de toute la communauté des enfants d’Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, au moyen d’un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête.» (Nb. 1, 2).[1]

Le roi David, sur l’ordre divin (II Samuel 24: 1), ordonne à son chef d’armée Yoav de dénombrer les enfants d’Israël. A la suite de ce dénombrement s’abat sur Israël le fléau de la lèpre. Quel manquement est à l’origine de cette lèpre ravageuse où des dizaines de milliers d’hommes et de femmes trouvent la mort (II Sam. 24: 15)?  David assistera impuissant à la défaite d’Israël après que le dénombrement ait été effectué sans l’apport du demi-sicle (II Samuel 24: 10) comme l’ordonne la Tora.

Or, la source biblique enjoint de dénombrer les fils d’Israël non point au moyen de chiffres mais par le biais du demi-sicle (Exode 30: 11-16) destiné à l’édification des socles du Mishkan (Tabernacle; Exode 38: 25-27). L’injonction divine relative à  ce décompte s’exprime par les termes נָשָׂא רֹאשׁ  signifiant: «relever la tête». La présence divine ne réside que dans un lieu où les hommes ne sont pas considérés comme des numéros mais comme des visages créés à l’image de l’Eternel. «Relever la tête» de chaque Homme conduit à relever le monde entier dont le Mishkan est l’archétype!

Au contraire, le régime nazi imposera le port de l’étoile jaune, pratique inspirée de la rouelle moyenâgeuse, et le tatouage aux Juifs indistinctement, condamnés à être poursuivis comme du gibier et exterminés dans les camps de la mort. Ces pratiques honteuses et dégradantes visent à aliéner l’être par la négation totale de son identité la plus profonde, à savoir son nom. Dé-compter pour ne plus nommer!

Le nom fait partie de toute créature depuis les origines de la Création. En effet, l’Eternel accorde à Adam, l’incommensurable pouvoir de nommer et de définir son propre environnement:

ש«וַיִּקְרָא הָאָדָם שֵׁמוֹת לְכָל-הַבְּהֵמָה וּלְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּלְכֹל חַיַּת הַשָּׂדֶה וַיִּצֶר יְהוָה אֱלֹהִים מִן-הָאֲדָמָה, כָּל-חַיַּת הַשָּׂדֶה וְאֵת כָּל-עוֹף הַשָּׁמַיִם, וַיָּבֵא אֶל-הָאָדָם, לִרְאוֹת מַה-יִּקְרָא-לוֹ; וְכֹל אֲשֶׁר יִקְרָא-לוֹ הָאָדָם נֶפֶשׁ חַיָּה, הוּא שְׁמוֹ » (בראשית ב, יט-כ)ש

« L’Éternel-Dieu avait formé de matière terrestre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel. Il les amena devant l’homme pour qu’il avisât à les nommer; et telle chaque espèce animée serait nommée par l’homme, tel serait son nom. L’homme dénomma tous les animaux qui paissent, les oiseaux du ciel, et toutes les bêtes sauvages» (Gen. 2: 19-20)

Cet octroi du nom constitue le parachèvement de la Création et il incombe à l’Homme, désormais, d’en porter la responsabilité. L’histoire des frères de Joseph, est à ce propos, éloquente: ceux-ci, dévorés par un double sentiment de jalousie et de haine à l’égard de Joseph, se refusent sciemment à le nommer explicitement:

ש«וַיְשַׁלְּחוּ אֶת-כְּתֹנֶת הַפַּסִּים וַיָּבִיאוּ אֶל-אֲבִיהֶם וַיֹּאמְרוּ זֹאת מָצָאנוּ הַכֶּר-נָא הַכְּתֹנֶת בִּנְךָ הִוא אִם-לֹא» (בראשית לז, לב).ש

«…puis ils envoyèrent cette tunique à rayures, qu’on apporta à leur père en disant: “Voici ce que nous avons trouvé; examine si c’est la tunique de ton fils ou non.» (Gen. 37, 32).

Face à leur père Jacob, ils dénomment leur frère Joseph, «ton fils», expression pour le moins ambigüe: d’une part, les frères de Joseph soulignent le lien particulier et plein d’amour et de tendresse liant leur père à ce frère mal-aimé et incompris, de l’autre, ils laissent sous-entendre que ce dernier est peu considéré à leurs yeux dévorés par la jalousie et le dépit de constater cet amour paternel dont ils se sentent semble-t-il frustrés. De plus, l’échanson faisant montre d’une totale ingratitude à l’encontre de Joseph, s’évertue, malgré le soutien que celui-ci lui manifesta, à ne pas le nommer expressément:

ש«וְשָׁם אִתָּנוּ נַעַר עִבְרִי עֶבֶד לְשַׂר הַטַּבָּחִים וַנְּסַפֶּר-לוֹ וַיִּפְתָּר-לָנוּ אֶת-חֲלֹמֹתֵינוּ אִישׁ כַּחֲלֹמוֹ פָּתָר» (בראשית מא, יב).ש

«Là était avec nous un jeune hébreu, esclave du chef des gardes. Nous lui racontâmes nos songes et il nous les interpréta, à chacun selon le sens du sien». (Gen. 41: 12).

Pharaon, allant plus loin dans la négation du nom, donne à Joseph un autre nom: Tsofnat Paneah: «celui qui déchiffre les énigmes» (Gen. 41, 45). En quelque sorte, il le définit par la principale faculté qu’il voit en lui, par sa fonction.

Dénombrer numériquement les enfants d’Israël conduit à se fermer à la bénédiction divine. N’est-il point dit:

ש«וְהָיָה מִסְפַּר בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, כְּחוֹל הַיָּם אֲשֶׁר לֹא-יִמַּד וְלֹא יִסָּפֵר וְהָיָה בִּמְקוֹם אֲשֶׁר-יֵאָמֵר לָהֶם לֹא-עַמִּי אַתֶּם יֵאָמֵר לָהֶם בְּנֵי אֵל-חָי» (הושע ב,א; ראה בראשית לב, יג).ש

«Il arrivera que la multitude des enfants d’Israël égalera le sable de la mer, qu’on ne peut ni mesurer, ni compter; et au lieu de s’entendre dire: “Vous n’êtes point mon peuple”, ils seront dénommés “les Fils du Dieu vivant». (Osée 2: 1; cf. aussi Gen. 32: 13).

Comme l’interprète la chanteuse israélienne ‘Hava Albershtein (LeKhol ISh YeSh SheM):

לְכָל אִישׁ יֶשׁ שֵׁם »
שֶׁנָתַן לוֹ אֱלוֹהִים
« וְנָתְנוּ לוֹ אָבִיו וְאִמּוֹ

« A chaque être, un nom

Que le Seigneur lui a donné

Que son père et sa mère lui ont donné!»

[1] Parashat BeMidbar: Nombres 1: 1 – 4: 20

 

Si l’étude du TaNaKh vous fait rêver, n’hésitez pas à me joindre:

[email protected]

Au plaisir de vous retrouver,

Shabbat shalom!

Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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3 réponses

  1. Nommer, c’est définir. Donner un nom à quelqu’un ou quelque chose, c’est le faire exister. Il ou elle EST, devant les hommes mais aussi devant l’E.ternel puisque Lui a demandé à Adam, synonyme de l’Homme, de nommer la création, autant sur la terre qu’au ciel.
    L’horreur de l’effacement du Nom par les nazis, le remplaçant par des chiffres, est inqualifiable. Cela démontre la volonté d’effacer un peuple, élu de surcroît.
    Ouf Israël est bien là, sauf, et dans son “Adama” en plein essor. Israël peut servir d’exemple à tous les autres peuples. Pour étudier la Tora, nous nous tournons vers vous qui êtes bien là. Quel bonheur.
    Merci Haïm et béni sois-tu pour tout ce que tu nous apporte. Félicitations pour la parution de ton livre. J’aimerais l’acquérir. Tu nous en parleras au prochain webinaire.
    Shalom et Toda Rabba.
    Bernadette. Belgique.

  2. Donner un nom , Bibliquement , ne s’arrête pas à faire exister , mais aussi prophétiser .
    Pas juste donner un sens , mais aller loin en souhaitant un avenir , une espérance …
    Qu’elle est belle la Thora .
    Merci pour ton développement Haim , il est toujours comme une source qui fait du bien à l’âme assoifée .

  3. Shalom Haim,Mazal tov pour la sortie de ton livre.
    Nommer c’est definir et finir ;Il n’y a qu’HaShem qui ne peut etre nommer,ni défini car Il est sans Commencement ni Fin. ברוך אתה הי המברך את עמו ישראל בשלום אמן.

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Quelques mots sur moi

J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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