Dans le cadre de la Parashat BéMidbar[1], nous méditerons sur la racine verbale פ.ק.ד. /P. K. D. signifiant « dénombrer ». Cette racine revient plusieurs fois dans notre parashah.
ב שְׂאוּ אֶת-רֹאשׁ כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לְמִשְׁפְּחֹתָם לְבֵית אֲבֹתָם בְּמִסְפַּר שֵׁמוֹת כָּל-זָכָר לְגֻלְגְּלֹתָם. (במדבר א: ב).ש |
2 “Faites le relevé de toute la communauté des enfants d’Israël, selon leurs familles et leurs maisons paternelles, au moyen d’un recensement nominal de tous les mâles, comptés par tête. (Nombres 1 : 2). |
Cette racine est présente de manière cyclique dans quasiment chaque verset car le thème majeur de ce livre réside dans le recensement des fils d’Israël à leur sortie d’Egypte.
Alors, la question que nous sommes en droit de poser consiste à savoir pourquoi la source biblique mentionne si souvent cette racine afin de dénombrer les Hébreux. N’eût-il point été plus juste de rencontrer le verbe « S.Ph. R./ס.פ.ר. compter » ?
Une première réponse est que la Torah interdit formellement de compter les individus car ce serait considérer les êtres humains comme des objets ou des animaux. Ainsi, si l’on s’en tient à la traduction littérale du verset 2, nous devrions traduire :
ב שְׂאוּ אֶת-רֹאשׁ כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל (במדבר א: ב).ש |
2 “Relevez la tête de toute la communauté-témoin des enfants d’Israël, (Nombres 1 : 2). |
De plus, la richesse sémantique de la racine verbale פ.ק.ד. /P. K. D. signifiant « dénombrer » éclaire de manière allusive le sens de la vocation qui échoit aux fils d’Israël d’accomplir, eux qui sont appelés à devenir un peuple et une nation en Erets Israël.
La racine verbale פ.ק.ד. /P. K. D. signifie également « se souvenir, visiter ». Rappelons que le Prophète Moïse réussit, par la voix de l’Eternel, à se faire reconnaître en Egypte par les Anciens et les Lévites pour avoir repris la formule prononcée par Joseph, en Egypte (Genèse 50 : 24-25) :
טז לֵךְ וְאָסַפְתָּ אֶת-זִקְנֵי יִשְׂרָאֵל וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם יְהוָה אֱלֹהֵי אֲבֹתֵיכֶם נִרְאָה אֵלַי אֱלֹהֵי אַבְרָהָם יִצְחָק וְיַעֲקֹב לֵאמֹר פָּקֹד פָּקַדְתִּי אֶתְכֶם וְאֶת-הֶעָשׂוּי לָכֶם בְּמִצְרָיִם. (שמות ג: טז).ש |
16 Va rassembler les anciens d’Israël et dis-leur : ‘L’Éternel, le Seigneur de vos pères, le Seigneur d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, m’est apparu en disant : Je me suis assurément souvenu de vous et sur ce qu’on vous fait en Égypte (Exode 3 : 16). |
Il est donc possible d’en déduire que le recensement des fils d’Israël a pour dessein de conserver la Mémoire et l’Histoire de chaque tribu d’Israël.
Au sens de Mémoire, s’ajoute celui de « confier en dépôt, mettre en sûreté » :
כד וַיָּבֹא אֶל-הָעֹפֶל וַיִּקַּח מִיָּדָם וַיִּפְקֹד בַּבָּיִת וַיְשַׁלַּח אֶת-הָאֲנָשִׁים וַיֵּלֵכוּ. (מלכים ב, ה: כד).ש |
24 Arrivé à la colline, Ghéhazi prit le tout de leurs mains, le mit en sûreté dans la maison, et renvoya les hommes, qui s’en allèrent. (II Rois 5 : 24). |
Le dénombrement ne constitue point un simple relevé statistique mais vise aussi à responsabiliser les fils d’Israël devant, en vertu de l’Alliance conclue avec les Patriarches, répondre à l’Eternel qui leur a confié d’accomplir Sa Parole. Se voir attribuer les Dix Paroles au mont Sinaï engage la responsabilité de chaque Hébreu. C’est la raison pour laquelle la communauté d’Israël s’appelle EDaH/ עֵדָה , autrement dit communauté-témoin, celle qui demeure fidèle, malgré certains égarements, à sa vocation de « peuple saint [séparé] et de royaume de serviteurs » (Exode 19 : 6). La Demeure de l’Eternel, le MiShKaN est de même appelé la Demeure du témoignage :
נג וְהַלְוִיִּם יַחֲנוּ סָבִיב לְמִשְׁכַּן הָעֵדֻת וְלֹא-יִהְיֶה קֶצֶף עַל-עֲדַת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְשָׁמְרוּ הַלְוִיִּם אֶת-מִשְׁמֶרֶת מִשְׁכַּן הָעֵדוּת. (במדבר א: נג).ש |
53 et les Lévites camperont autour du tabernacle du témoignage, afin que la colère divine ne sévisse point sur la communauté-témoin des enfants d’Israël ; et les Lévites auront sous leur garde le tabernacle du témoignage.” (Nombres 1 : 53). |
A la forme verbale du factitif, la racine verbale פ.ק.ד. /P. K. D signifie « établir » :
ד וַיִּמְצָא יוֹסֵף חֵן בְּעֵינָיו וַיְשָׁרֶת אֹתוֹ וַיַּפְקִדֵהוּ עַל-בֵּיתוֹ וְכָל-יֶשׁ-לוֹ נָתַן בְּיָדוֹ. ה וַיְהִי מֵאָז הִפְקִיד אֹתוֹ בְּבֵיתוֹ וְעַל כָּל-אֲשֶׁר יֶשׁ-לוֹ וַיְבָרֶךְ יְהוָה אֶת-בֵּית הַמִּצְרִי בִּגְלַל יוֹסֵף וַיְהִי בִּרְכַּת יְהוָה בְּכָל-אֲשֶׁר יֶשׁ-לוֹ בַּבַּיִת וּבַשָּׂדֶה. (בראשית לט: ד-ה).ש |
4 et Joseph trouva faveur à ses yeux et il devint son serviteur ; Putiphar le mit à la tête de sa maison et lui confia tout son avoir. 5 Du moment où il l’eut mis à la tête de sa maison et de toutes ses affaires, le Seigneur bénit la maison de l’Égyptien à cause de Joseph ; et la bénédiction divine s’étendit sur tous ses biens, à la ville et aux champs. (Genèse 39 : 4-5). |
En somme, l’Eternel, par le biais du dénombrement, enjoint à Israël, son peuple qu’il visite par amour, de répondre à sa vocation éternelle de fils aîné. Alors l’Eternel établit son peuple comme celui qui devient une bénédiction, une lumière pour l’ensemble de l’Humanité.
ט פִּקּוּדֵי יְהוָה יְשָׁרִים מְשַׂמְּחֵי-לֵב מִצְוַת יְהוָה בָּרָה מְאִירַת עֵינָיִם. (תהלים יט: ט).ש |
9 Les préceptes de l’Eternel sont droits : ils réjouissent le cœur. L’injonction de l’Eternel est lumineuse ; elle éclaire les yeux. (Psaume 19 : 9). |
[1] Nombres 1 : 1-4 : 20.
Une réponse
ב שְׂאוּ אֶת-רֹאשׁ כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל לְמִשְׁפְּחֹתָם לְבֵית אֲבֹתָם בְּמִסְפַּר שֵׁמוֹת כָּל-זָכָר לְגֻלְגְּלֹתָם.
Je ne vois pas la racine פ.ק.ד ?
פָּקֹד פָּקַדְתִּי
note de Chouraki: visiter pour remettre en ordre et rétablir la justice.
les LXX avaient rendu par episkeptein ; inspecter.
כד וַיָּבֹא אֶל-הָעֹפֶל וַיִּקַּח מִיָּדָם וַיִּפְקֹד בַּבָּיִת
Chouraki: et les dépose dans la maison.
LSG: et les déposa dans la maison.
ד וַיִּמְצָא יוֹסֵף חֵן בְּעֵינָיו וַיְשָׁרֶת אֹתוֹ וַיַּפְקִדֵהוּ עַל-בֵּיתוֹ
Chouraki: le prépose sur sa maison.
LSG: l’établit sur sa maison.
ט פִּקּוּדֵי יְהוָה יְשָׁרִים מְשַׂמְּחֵי-לֵב
Chouraki: les sanctions……LSG : les ordonnances….Memri: les préceptes…
Cette racine פ.ק.ד reste bien mystérieuse !