L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat BéShala’h, le Maître de la Vie

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Les deux parashot VaEra et Bo[1] commencent et s’achèvent respectivement par la mort. Au premier fléau du sang causant la mort de toute vie dans le Nil, succède la dixième plaie, la mort tragique des premiers-nés en Egypte. Toutes les fois où la mort apparaît, elle n’est que le fait du Divin.

Seul Celui qui octroie la Vie est en droit de la retirer.

La parashat Béshala’h, quant à elle, relate également la mort des Egyptiens après que la mer se soit refermée sur eux :

כו וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה נְטֵה אֶת-יָדְךָ עַל-הַיָּם וְיָשֻׁבוּ הַמַּיִם עַל-מִצְרַיִם עַל-רִכְבּוֹ וְעַל-פָּרָשָׁיו. כז וַיֵּט מֹשֶׁה אֶת-יָדוֹ עַל-הַיָּם וַיָּשָׁב הַיָּם לִפְנוֹת בֹּקֶר לְאֵיתָנוֹ וּמִצְרַיִם נָסִים לִקְרָאתוֹ וַיְנַעֵר יְהוָה אֶת-מִצְרַיִם בְּתוֹךְ הַיָּם. כח וַיָּשֻׁבוּ הַמַּיִם וַיְכַסּוּ אֶת-הָרֶכֶב וְאֶת-הַפָּרָשִׁים לְכֹל חֵיל פַּרְעֹה הַבָּאִים אַחֲרֵיהֶם בַּיָּם לֹא-נִשְׁאַר בָּהֶם עַד-אֶחָד. (שמות יד: כו)26 Et l’Eternel dit à Moïse : “Étends ta main sur la mer et les eaux rebrousseront sur l’Égypte, sur ses chars et sur ses cavaliers.” 27 Et Moïse étendit sa main sur la mer et la mer, aux approches du matin, reprit son niveau comme les Égyptiens fuyaient en avant ; et l’Eternel précipita les Égyptiens au sein de la mer. 28 Et les eaux, en refluant, submergèrent chariots, cavalerie, toute l’armée de Pharaon qui était entrée à leur suite dans la mer ; pas un d’entre eux n’échappa. (Exode 14 : 26-28).

Moïse s’avère n’être que l’instrument du Seigneur. Il n’est en rien responsable de la mort des Egyptiens, contrairement à la mort de l’Egyptien qu’il frappa avant de s’enfuir en Midian :

יא …וַיַּרְא אִישׁ מִצְרִי מַכֶּה אִישׁ-עִבְרִי מֵאֶחָיו יב וַיִּפֶן כֹּה וָכֹה וַיַּרְא כִּי אֵין אִישׁ וַיַּךְ, אֶת-הַמִּצְרִי וַיִּטְמְנֵהוּ, בַּחוֹל. (שמות ב: יא-יב)12 Et il (Moïse) aperçut un Égyptien frappant un Hébreu, un de ses frères. Et il se tourna de côté et d’autre et voyant qu’il n’y avait aucun homme, alors il frappa l’Égyptien et l’ensevelit dans le sable. (Exode 2 : 11-12).

Si la majorité des commentateurs (Maïmonide[2], Sforno[3], Na’hmanide[4] et Malbim[5]) légitiment et soutiennent l’acte de Moïse, suivant en cela la thèse de rabbi ‘Hannina (Traité Sanhédrin 58 : b), tous ne s’accordent point sur le bien-fondé de la mise à mort de l’Egyptien par celui qui est appelé à devenir le Prophète des prophètes.

Le Midrash[6] Petirat Mosheh va à l’encontre de l’avis de la plupart des commentateurs :

«אָמַר לוֹ הַקָּדוֹש בָּרוּךְ הוּא: כְּלוּם אָמַרְתִּי לְךָ שֶׁתַּהֲרוֹג אֶת הַמִּצְרִי? אָמַר לוֹ מֹשֶה: וַאֲתָּה הָרַגְתָּ כָּל בְּכוֹרֵי מִצְרַיִם, וַאֲנִי אָמוּת בִּשְׁבִיל מִצְרִי אֶחָד?! אָמַר לוֹ הַקָּדוֹש בָּרוּךְ הוּא: וַאֲתָּה דּוֹמֶה אֵלַי, מֵמִית וּמְחַיֶּה? כְּלוּם אֲתָּה יָכוֹל לְהַחֲיוֹת כָּמוֹנִי?»

« Le Saint béni soit-Il s’adressa à Moïse : “T’ai-Je jamais ordonné de tuer l’Egyptien ?” Moïse Lui répondit : “Mais Toi, tu as tué tous les premiers-nés d’Egypte et moi je devrais mourir à cause d’un seul égyptien ?! Le Saint béni soit-Il s’adressa à Moïse : “Mais toi, ressembles-tu à Moi, Celui qui met à mort et qui rend à la Vie ? Serait-il en ton pouvoir de faire revivre comme moi ? ».

Qui peut égaler la puissance divine ?

ו יְהוָה מֵמִית וּמְחַיֶּה מוֹרִיד שְׁאוֹל וַיָּעַל. (שמואל א, ב: ו) 6 L’Eternel fait mourir et fait vivre ; il précipite au Shéol, et en fait monter. (I Samuel 2 : 6).
כ יְהוָה אֵין כָּמוֹךָ וְאֵין אֱלֹהִים זוּלָתֶךָ בְּכֹל אֲשֶׁר-שָׁמַעְנוּ בְּאָזְנֵינוּ. (דברי-הימים א’, יז: יז)20 Eternel, nul n’est comme toi, point de Seigneur hormis toi, ainsi que nous l’avons entendu de nos oreilles. (I Chroniques 17 : 20).

En quoi l’acte de Moïse peut-il être considéré, pour ces commentateurs, comme repréhensible alors même que ses propres frères hébreux, aliénés par la puissance pharaonique, souffrent et meurent comme esclaves privés de toute liberté ? Pourrions-nous, aujourd’hui, dans le contexte de la Shoah, réprouver un Juif assassinant son bourreau nazi ?

Certains commentateurs émettent la thèse que non seulement Moïse ne sera pas autorisé à entrer en terre promise, Erets Israël, en raison du fait qu’il a versé le sang de l’Egyptien, mais aussi, son acte rendra sa descendance inapte à servir comme Cohanim (prêtres/servants) dans le Tabernacle et le Temple à venir (Traité Bérakhot 32 : b). Rappelons que David, lui aussi, se verra interdire l’édification du Temple de Jérusalem pour la même raison :

ח וַיְהִי עָלַי דְּבַר-יְהוָה לֵאמֹר דָּם לָרֹב שָׁפַכְתָּ וּמִלְחָמוֹת גְּדֹלוֹת עָשִׂיתָ לֹא-תִבְנֶה בַיִת לִשְׁמִי כִּי דָּמִים רַבִּים שָׁפַכְתָּ אַרְצָה לְפָנָי. ט הִנֵּה-בֵן נוֹלָד לָךְ הוּא יִהְיֶה אִישׁ מְנוּחָה וַהֲנִיחוֹתִי לוֹ מִכָּל-אוֹיְבָיו מִסָּבִיב כִּי שְׁלֹמֹה יִהְיֶה שְׁמוֹ וְשָׁלוֹם וָשֶׁקֶט אֶתֵּן עַל-יִשְׂרָאֵל בְּיָמָיו. (דברי-הימים א’, כב: ח-ט)8 Mais la parole divine s’adressa à moi en ces termes : Tu as versé beaucoup de sang et fait de grandes guerres ; ce n’est donc pas à toi à élever une maison en mon honneur, car tu as fait couler beaucoup de sang devant moi sur la terre. 9 Mais un fils te naîtra, qui sera un homme pacifique et qui, grâce à moi, sera en paix avec tous ses ennemis à l’entour. Il s’appellera Salomon, et, sa vie durant, j’assurerai la paix et la tranquillité à Israël. (I Chroniques 22 : 8-9).

La Torah d’Israël vise à une haute exigence morale et, à ce titre, aspire à enseigner que même si les guerres de défense nous contraignent souvent à tuer l’ennemi par nécessité sécuritaire, cela ne doit en aucune manière être une source de réjouissance. Ainsi, les Hébreux, après la mort des égyptiens, louent la Gloire de l’Eternel en entonnant le Cantique de la mer et ne témoignent d’aucune façon un sentiment de joie devant la déconfiture de leurs propres bourreaux, mais plutôt un sentiment d’extrême soulagement après la rude tension des dernières heures pendant lesquelles ils ont un instant cru que leur fin était inéluctable. Les Sages d’Israël ont voulu marquer ce moment tragique de l’armée égyptienne engloutie dans les eaux tumultueuses de la mer par l’Eternel en instituant à Pessa’h – à l’exception du premier jour- la lecture du ‘HaTsi Hallel[7] (Demi-Hallel) et non point l’intégralité du Hallel[8] comme cela est de coutume lors des deux autres fêtes de pèlerinage (Shavouot et Soukkot). La joie est vie !

La paix durable et les compromis sincères entre les parties belligérantes sont toujours meilleurs et préférables à toutes les guerres destructrices.  

יז  בִּנְפֹל אויביך (אוֹיִבְךָ) אַל-תִּשְׂמָח  וּבִכָּשְׁלוֹ אַל-יָגֵל לִבֶּךָ. (משלי כד: יז)17 Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis point ; s’il succombe, que ton cœur ne jubile pas ! (Proverbes 24 : 17).

[1] Parashat BéShala’h: Exode 13 : 17-17 : 16.

[2]  Maïmonide, Hil’hot ‘Hovel OuMezik 5: 3

[3]  Sforno, Exode 2: 11

[4]  Na’hmanide, Exode 2 : 11

[5] Malbim, Exode 2 : 12

[6] Exégèse rabbinique visant à nous interroger, à donner un sens et un enseignement à partir de la source biblique.

[7]  Lecture abrégée des Psaumes 113 à 118.

[8] Lecture intégrale des Psaumes 113 à 118.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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