Dans le cadre de la Parashah Houkat[1], notre méditation portera sur deux racines verbales, la première ט.ה.ר. / T. H. R. signifiant « purifier, épurer » ; la seconde ט.מ.א. signifiant « souiller, profaner, déshonorer ».
יא הַנֹּגֵעַ בְּמֵת לְכָל-נֶפֶשׁ אָדָם וְטָמֵא שִׁבְעַת יָמִים. יב הוּא יִתְחַטָּא-בוֹ בַּיּוֹם הַשְּׁלִישִׁי וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי יִטְהָר וְאִם-לֹא יִתְחַטָּא בַּיּוֹם הַשְּׁלִישִׁי וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי לֹא יִטְהָר. (במדבר יט: יא-יב).ש |
11 celui qui touchera au cadavre d’un être humain quelconque sera impur durant sept jours. 12 Qu’il se purifie au moyen de ces cendres, le troisième et le septième jour, et il sera pur ; mais s’il ne s’est pas purifié, le troisième et le septième jour, il ne sera point pur. (Nombres 19: 11-12). |
Ces deux versets font référence à deux notions importantes dans la source biblique, à savoir l’impur et le pur.
Que revêtent ces deux notions ?
Ces deux notions que l’on ne peut en aucune manière dissocier l’une de l’autre font mention d’un état d’ordre spirituel. Chaque fois que la Torah fait mention de l’état de mort, s’y trouve nécessairement associée la notion de « TouMaH / טֻמְאהָd’impureté » ; à l’opposé, dès lors que le principe de Vie apparaît, s’y trouve accolée la notion de TaHaRaH/ טָהֲרָה de pureté.
Quel peut être le sens de cette double association ‘mort et impureté’, ‘vie et pureté’ ?
La racine verbale ט.ה.ר. / T. H. R. renvoie à la source même de la pureté :
יא וְצִפִּיתָ אֹתוֹ זָהָב טָהוֹר מִבַּיִת וּמִחוּץ תְּצַפֶּנּוּ וְעָשִׂיתָ עָלָיו זֵר זָהָב סָבִיב (שמות כה: יא).ש |
11 Et tu [l’arche d’Alliance] la revêtiras d’or pur, intérieurement et extérieurement ; et tu l’entoureras d’une corniche d’or.” (Exode 25 : 11). |
« L’or pur » mentionné dans le verset est un métal sans alliage, sans mélange, dépourvu de toutes scories. Cette notion de pureté originelle se retrouve chez David après son retour vers l’Eternel, alors qu’il se repent de sa faute commise avec Bat-Sheva :
ט תְּחַטְּאֵנִי בְאֵזוֹב וְאֶטְהָר תְּכַבְּסֵנִי וּמִשֶּׁלֶג אַלְבִּין. (תהלים נא: ט).ש |
9 Puisses-tu me purifier avec l’hysope, pour que je sois pur ! Puisses-tu me laver, pour que je sois plus blanc que neige ! (Psaume 51 : 9). |
La racine verbale ט.ה.ר. / T. H. R. signifiant « purifier » a également le sens de « briller de pureté » (Exode 24 : 10) car d’un point de vue grammatical, la première radicale ט de la racine ט.ה.ר. / T. H. R. s’apparente aux premières consonnes ז du verbe ז.ה.ר. / Z.H.R. et צ du verbe צ.ה.ר., tous deux signifiant « illuminer » de l’intérieur vers l’extérieur. L’homme illumine son environnement dès lors qu’il fait montre d’une totale intégrité morale :
ט וְיֹאחֵז צַדִּיק דַּרְכּוֹ וּטְהָר-יָדַיִם יֹסִיף אֹמֶץ. (איוב יז: ט).ש |
9 Cependant le juste persiste dans sa conduite, et celui qui a les mains pures redouble d’énergie. (Job : 17 : 9). |
Combien de dirigeants spirituels et politiques tentés par le lucre et les honneurs ne sont-ils point tombés ?
La pureté des mains renvoie à la notion de transparence et de vie. A l’opposé, l’impureté s’apparente à l’opacité de la réalité et à la mort. La racine verbale ט.מ.א. signifiant « souiller » a également le sens de « clore, fermer, hermétiser », si l’on renverse les trois radicales ט.מ.א. : א.ט.ם. [2].
ה חֲמַת-לָמוֹ, כִּדְמוּת חֲמַת-נָחָשׁ כְּמוֹ-פֶתֶן חֵרֵשׁ יַאְטֵם אָזְנוֹ. (תהלים נח: ה).ש |
5 Ils ont du venin pareil au venin du serpent, de l’aspic sourd qui se bouche l’oreille (Psaume 58 : 5). |
Ces notions de clarté, de lumière et d’obscurité, d’opacité, sont celles mêmes qui caractérisent ADaM et ‘HaVaH avant leur manquement à la parole divine leur prohibant le fruit de l’arbre de la Connaissance du bien et du mal :
י וַיֹּאמֶר אֶת-קֹלְךָ שָׁמַעְתִּי בַּגָּן וָאִירָא כִּי-עֵירֹם אָנֹכִי וָאֵחָבֵא. (בראשית ג: י).ש |
10 Et il [ADaM] répondit : “J’ai entendu ta voix dans le jardin ; j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.” (Genèse 3 : 10). |
L’homme, avant la faute, n’a nullement conscience de sa nudité et n’en éprouve donc aucune honte. Cette honte qui n’apparaît qu’après la faute est probablement liée à la promesse de mort spirituelle énoncée par l’Eternel :
ג וּמִפְּרִי הָעֵץ אֲשֶׁר בְּתוֹךְ-הַגָּן אָמַר אֱלֹהִים לֹא תֹאכְלוּ מִמֶּנּוּ וְלֹא תִגְּעוּ בּוֹ פֶּן-תְּמֻתוּן. (בראשית ג: ג)ש |
3 mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, le Seigneur a dit: Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez point, sous peine de mourir.” (Genèse 3 : 3). |
C’est alors que l’Eternel prend l’initiative d’habiller les deux premiers personnages de la Création, ADaM et HaVa :
כא וַיַּעַשׂ יְהוָה אֱלֹהִים לְאָדָם וּלְאִשְׁתּוֹ כָּתְנוֹת עוֹר וַיַּלְבִּשֵׁם. (בראשית ג: כא).ש |
21 Et l’Éternel-le Seigneur fit pour l’homme et pour sa femme des tuniques de peau, et les en vêtit. (Genèse 3 : 21). |
Or, ces « כָּתְנוֹת עוֹר tuniques de ” ‘or ” peau » ont rendu ADaM et HaVaH, chacun d’eux, « עֵוֵּר ” IVeR ” aveugle ». La peau constitue comme un écran d’opacité entre le premier Homme, sa femme et l’Eternel. A partir de cet instant, ADaM et HaVaH perdent tout contact direct les liant à la source divine, tel un cordon ombilical qui, reliant le fœtus à sa mère, serait coupé. La nudité, loin d’être honteuse, constitue le signe externe de la pureté de leur intelligence primordiale (La racine de la « nudité ע.ר.ם – ‘.R.M. » – est identique à celle de la « réflexion » – Proverbes 8 : 12) qui est enfermée, captée dans une enveloppe matérielle constituant désormais une distanciation entre eux et la transcendance divine.
Comment réparer nos manquements et se purifier d’avoir trahi à notre vocation humaine ? Le retour à l’immersion[3] dans la source vivifiante de la Parole divine est à même d’écarter le cœur de pierre enveloppant le cœur de l’Homme :
ז אִמְרוֹת יְהוָה אֲמָרוֹת טְהֹרוֹת
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7 Les paroles de l’Eternel sont des paroles pures ; c’est de l’argent raffiné au creuset dans le sol, et qui est sept fois épuré. (Psaume 12 : 7). |
[1] Parashat Houqat : Nombres 19 : 1-22 : 1.
[2] La racine .א.ט.מ. comporte aussi un sens négatif, mais dans un contexte positif: Isaïe 33 : 15 :
« Celui qui marche dans la justice… bouche אֹטֵם ses oreilles aux propos sanguinaires».
[3] L’immersion de l’homme et de la femme dans le Mikveh, bain rituel à fin de purification spirituelle oblige ces derniers à être totalement nus, rappelant ainsi la formation fœtale et la naissance du bébé encore raccroché à sa mère par le cordon ombilical.