L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Ki Tavo, Israël, la promesse de l’Alliance

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

Le livre du Deutéronome[1] se distingue des autres livres de la Tora par la description des Alliances à chaque fois renouvelées avec l’Eternel: l’Alliance historique du Sinaï (Deutéronome 5:2-3); la promesse de fidélité durable et éternelle (Deutéronome 7:9); la réaffirmation solennelle dans les plaines de Moav (Deutéronome 29:1-12) et la promesse d’une transformation intérieure du peuple (Circoncision du cœur, Deutéronome 30:6).

Notre parashah s’inscrit dans ce processus de renouvellement de l’Alliance.

יז אֶת-יְהוָה הֶאֱמַרְתָּ הַיּוֹם לִהְיוֹת לְךָ לֵאלֹהִים וְלָלֶכֶת בִּדְרָכָיו וְלִשְׁמֹר חֻקָּיו וּמִצְוֺתָיו וּמִשְׁפָּטָיו וְלִשְׁמֹעַ בְּקֹלוֹ. יח וַיהוָה הֶאֱמִירְךָ הַיּוֹם לִהְיוֹת לוֹ לְעַם סְגֻלָּה כַּאֲשֶׁר דִּבֶּר-לָךְ וְלִשְׁמֹר כָּל-מִצְוֺתָיו. (דברים כו:יז-יח)17 Tu as glorifié aujourd’hui l’Éternel, en promettant de l’adopter pour ton Dieu, de marcher dans ses voies, d’observer ses lois, ses préceptes, ses statuts, et d’écouter sa parole; 18 et l’Éternel t’a glorifié à son tour en te conviant à être son peuple privilégié, comme il te l’a annoncé, et à garder tous ses commandements. (Deutéronome 26:17-18)

Ces deux versets se caractérisent par la présence de deux verbes difficiles à traduire :

הֶאֱמַרְתָּ / hé’émarta   et  הֶאֱמִירְךָ  hé’émirekha.

Ces deux verbes qui ont pour racine A.M.R. /א.מ.ר. sont, ici, conjugués à la forme factitive du hif’il. Cette forme factitive apporte une nuance de compréhension unique à la racine A.M.R. /א.מ.ר. signifiant originellement “dire, raconter, parler, ordonner (cf. Esther 1:17)”.  

Les bibles ne s’accordent généralement pas sur la traduction de ces versets.

La Bible du Rabbinat traduit:

“tu [Israël] as glorifié [l’Eternel]” (verset 17),

“l’Éternel t’a glorifié” (verset 18).  

Louis Second et John Darby :

“tu as fait promettre à l’Eternel

…l’Eternel t’a fait promettre

Samuel Cahen :

Tu as fait dire aujourd’hui à l’Eternel

Et l’Eternel t’a fait dire

André Chouraqui :

Tu as fait aujourd’hui de lHVH, ton Elohîm, ton dire

lHVH aujourd’hui a fait de toi son dire

Rashi commente:

“הֶאֱמַרְתָּ וְהֶאֱמִירְךָ. אֵין לָהֶם עֵד מוֹכִיחַ בַּמִּקְרָא וְלִי נִרְאֶה שֶׁהוּא לָשׁוֹן הַפְרָשָׁה וְהַבְדָּלָה הִבְדַּלְתִּי לְךָ מֵאלֹהֵי עוֹבְדֵי כּוֹכָבִים לִהְיוֹת לְךָ לֵאלֹהִים וְהוּא הִפְרִישְׁךָ אֵלָיו מֵעַמֵּי הָאָרֶץ לִהְיוֹת לוֹ לְעַם סְגֻלָּה וּמָצָאתִי לָהֶם עֵד וְהוּא לָשׁוֹן תִּפְאֶרֶת כְּמוֹ יִתְאַמְּרוּ כָּל פּוֹעֲלֵי אָוֶן:”

“Tu as sélectionné (hé’émarta) […] et il t’a sélectionné (hé’émirekha) Il n’existe pas d’autre occurrence dans le texte où soient employés ces mots. Il me semble qu’ils comportent une connotation de ‘séparation’ et de ‘distinction’: Je t’ai séparé des divinités des idolâtres ‘pour être pour toi comme Elohim’, et Lui t’a distingué des peuples du monde ‘pour être pour Lui un peuple-trésor’. Et je leur ai trouvé une occurrence pouvant servir de caution et comportant une connotation de ‘gloire’: ‘Se vanteront (yit’amrou) tous les ouvriers d’iniquité’ (Psaumes 94 : 4).”

En somme, si l’on s’en tient à la première partie du commentaire de Rashi, nous traduirions :

Tu as distingué l’Eternel”

“L’Eternel t’a distingué”.

Quant à la seconde partie du commentaire de Rashi selon lequel les deux formes du verbe הֶאֱמַרְתָּ/hé’émarta et הֶאֱמִירְךָ hé’émirekha signifieraient “gloire” – le grand-rabbin Tsadok Kahn a préféré ce sens dans la Bible du Rabbinat – cette possible traduction biblique a influencé les sources post-bibliques, d’après l’Académie de la Langue Hébraïque:

 “Dans la poésie post-biblique, הֶאֱמִיר hé’émir est employé au sens de “glorifier, élever”, notamment dans les prières de Yom Kippour:

“אֱלֹהֵינוּ וֵאלֹהֵי אֲבוֹתֵינוּ, סְלַח לָנוּ, מְחַל לָנוּ, כַּפֵּר לָנוּ, כִּי אֲנַחְנוּ עַמֶּךָ וְאַתָּה אֱלֹהֵינוּ … אֲנַחְנוּ מַאֲמִירֶיךָ וְאַתָּה מַאֲמִירֵנוּ

“Notre Seigneur et le Seigneur de nos pères, pardonne-nous, gracie-nous, acquitte-nous, car nous sommes ton peuple et tu es notre Seigneur… nous sommes ceux que tu élèves, et toi tu es celui qui nous élève“.

Ce sens d’ “élévation” est probablement, selon l’Académie de la Langue Hébraïque, le plus approprié: “les grammairiens médiévaux (Ibn Jana’h, Radaq) ont rapproché “אָמִיר amir” du verbe biblique “הֶאֱמִיר” (hé’émir “élever, exalter”) et du réfléchi “הִתְאַמֵּר” (hit’ammer “s’élever, s’enorgueillir”.

En effet, les grands grammairiens du Moyen-âge qui se sont interrogés sur le sens du verbe  אָמַר/AMaR à la forme factitive se sont référés au mot אָמִיר “amir” qui dans le TaNaKh signifie “cime de l’arbre, bout (pointe) de branche” ou “partie supérieure d’un rameau”:

 וְנִשְׁאַר-בּוֹ עוֹלֵלֹת כְּנֹקֶף זַיִת שְׁנַיִם שְׁלֹשָׁה גַּרְגְּרִים בְּרֹאשׁ אָמִיר אַרְבָּעָה חֲמִשָּׁה בִּסְעִפֶיהָ פֹּרִיָּה נְאֻם-יְהוָה, אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל. (ישעיהו יז:ו)6 Et il n’en restera que de la glanure comme, après la récolte des olives, on trouve deux, trois baies à la pointe de la cime [de l’arbre], quatre, cinq aux branches les plus chargées: ainsi parle le Seigneur, le Seigneur d’Israël. (Isaïe 17: 6)

La traduction serait alors :

Tu as exalté/élevé l’Eternel”

“L’Eternel t’a exalté/ élevé”

Ce sens possible en hébreu biblique a rejailli sur l’hébreu moderne, comme l’explique l’Académie de la Langue Hébraïque:

De nos jours, toutefois, הֶאֱמִיר hé’émir signifie surtout “renchérir” (“les prix des fruits et légumes ont augmenté”), sur la base d’un passage talmudique: “חֻצְפָּא יִסְגֵּי וְיוֹקֶר יַאֲמִיר /L’insolence se multipliera et le coût des prix s’élèvera” (Talmud de Babylone, Sota 49b).

L’une des raisons susceptibles d’expliquer la haine envers Israël réside dans la promesse faite au peuple d’Israël d’être toujours en tête dans tous les domaines, promesse divine reposant sur le principe de responsabilité individuelle et collective :  

יג וּנְתָנְךָ יְהוָה לְרֹאשׁ וְלֹא לְזָנָב וְהָיִיתָ רַק לְמַעְלָה וְלֹא תִהְיֶה לְמָטָּה כִּי-תִשְׁמַע אֶל-מִצְוֺת יְהוָה אֱלֹהֶיךָ אֲשֶׁר אָנֹכִי מְצַוְּךָ הַיּוֹם לִשְׁמֹר וְלַעֲשׂוֹת. 13 Et l’Éternel te mettra en tête, et non point à la queue; tu seras constamment au faîte, sans jamais déchoir, pourvu que tu obéisses aux ordonnances de l’Éternel, ton Seigneur, que je t’ordonne en ce jour, en les conservant et en les pratiquant (Deutéronome 28 : 13)

[1] Parashat Ki Tavo: Deutéronome 26:1-29:8.

Shabbat Shalom !

Haïm Ouizemann

Souscription au Blog par Email

Entrez votre adresse mail pour suivre ce blog et être notifié par email des nouvelles publications.
Rejoignez les 864 autres abonnés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Quelques mots sur moi

J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
A propos…

Souscription au Blog par Email

Entrez votre adresse mail pour suivre ce blog et être notifié par email des nouvelles publications.
Rejoignez les 864 autres abonnés

Archives

Désirez-vous mieux connaître la passionnante histoire de Jérusalem?

Inscrivez vos coordonnées afin de recevoir gratuitement le livret:

"Jérusalem, un amour éternel"