L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Korah, le berger fidèle

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

David ben Gourion au kibbouts Sedeh Boker
David ben Gourion au kibbouts Sedeh Boker

ש«וַיִּקָּהֲלוּ עַל-מֹשֶׁה וְעַל-אַהֲרֹן וַיֹּאמְרוּ אֲלֵהֶם רַב-לָכֶם כִּי כָל-הָעֵדָה כֻּלָּם קְדֹשִׁים וּבְתוֹכָם יְהוָה וּמַדּוּעַ תִּתְנַשְּׂאוּ עַל-קְהַל יְהוָה» (במדבר טז: ג).ש

«…et, s’étant attroupés autour de Moïse et d’Aaron, ils leur dirent: “C’en est trop de votre part! Toute la communauté, oui, tous sont des saints, et au milieu d’eux est le Seigneur; pourquoi donc vous érigez-vous en chefs de l’assemblée du Seigneur?” » (Nombres 16: 3)

Korah, de la tribu de Levy et Dathan, Aviram et On, tous trois de la tribu de Reouven, probablement frustrés d’avoir perdu leur droit d’aînesse, accusent gravement Moïse de vouloir semer la division parmi le peuple pour mieux imposer son règne. Avec une grande dignité et une noblesse peu communes, ce dernier s’adresse uniquement à Korah, signifiant clairement par ce choix que le conflit qui vient de surgir est avant tout une histoire de famille. En effet, Korah, de la famille lévitique de Kehat (Nombres 16: 1), est son propre cousin. Or, Moïse lui rappelle que le rôle assigné aux Lévites, servir le culte divin dans le Tabernacle, est un privilège suprême.

ש«הַמְעַט מִכֶּם כִּי-הִבְדִּיל אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל אֶתְכֶם מֵעֲדַת יִשְׂרָאֵל לְהַקְרִיב אֶתְכֶם אֵלָיו לַעֲבֹד אֶת-עֲבֹדַת מִשְׁכַּן יְהוָה וְלַעֲמֹד לִפְנֵי הָעֵדָה לְשָׁרְתָם…» (במדבר טז: ט).ש

 «C’est donc peu, pour vous, que le Dieu d’Israël vous ait distingués de la communauté d’Israël, en vous admettant auprès de lui pour faire le service du tabernacle divin, et en vous plaçant en présence de la communauté pour la servir…» (Nombres 16: 9).

Comment donc reprocher à Moïse une prétendue soif de pouvoir, lui qui, appelé au buisson ardent, ne cherche qu’à fuir la lourde responsabilité de prophète d’Israël, appelé à libérer Israël. En effet, après une très longue discussion, il repousse l’appel de l’Eternel au buisson ardent (Ex. 4: 13) et se voit même écarté de la fonction de la Grande prêtrise qui sera finalement dévolue à son frère Aaron.

Korah s’efforce de délégitimer la particularité de Moïse aux yeux d’Israël en suggérant que toute la communauté d’Israël est sainte: «Tous sont saints» כֻּלָּם קְדֹשִׁים)). En quoi, argue Korah, Moïse serait-il plus saint que l’ensemble du peuple d’Israël? Le professeur David Banon explique que «si l’on retire hélèq (partie) du substantif mahloquète (dialogue), il reste mète (mort). La mort du sens qui est, très exactement ici, intersignification. Son agonie. La mahloquète, ce n’est donc pas, comme on traduit généralement : la controverse, c’est le dialogue entre les maîtres : l’intersubjectivitéKorah choisit délibérément de nier toute forme de dialogue constructif et fécond visant à favoriser l’élévation spirituelle d’Israël. Rappelons que l’une des raisons principales du premier fratricide de l’Humanité réside dans l’absence totale de communication entre Caïn et son frère Abel.

Or, pour éviter toute matière à discussion après le dénouement tragique de la controverse soulevée par Korah (Nombres 16, 31-32), l’Eternel exprime son choix d’élire la Tribu des Levy par la floraison en une nuit de la branche d’amandier d’Aaron et de la tribu des Lévites:

ש«וְהָיָה הָאִישׁ אֲשֶׁר אֶבְחַר-בּוֹ מַטֵּהוּ יִפְרָח וַהֲשִׁכֹּתִי מֵעָלַי אֶת-תְּלֻנּוֹת בְּנֵי יִשְׂרָאֵל אֲשֶׁר הֵם מַלִּינִם עֲלֵיכֶם» (בראשית יז: כ).ש

«Or, l’homme que j’aurai élu, sa verge fleurira, et ainsi mettrai-je fin à ces murmures contre moi, que les enfants d’Israël profèrent à cause de vous.» (Nombres 17: 20)

«וַיְהִי מִמָּחֳרָת וַיָּבֹא מֹשֶׁה אֶל-אֹהֶל הָעֵדוּת וְהִנֵּה פָּרַח מַטֵּה-אַהֲרֹן לְבֵית לֵוִי וַיֹּצֵא פֶרַח וַיָּצֵץ צִיץ וַיִּגְמֹל שְׁקֵדִים» (במדבר יז: כג).

«Or, le lendemain, Moïse entra dans la tente du statut, et voici qu’avait fleuri la verge d’Aaron, déposée pour la famille de Lévi: il y avait germé des boutons, éclos des fleurs, mûri des amandes» (Nombres 17: 23).

La racine verbale ג.מ.ל. (G.M. L.) signifie «mûrir, sevrer, récompenser, rétribuer».

ש«יִגְמְלֵנִי יְהוָה כְּצִדְקָתִי כְּבֹר יָדַי יָשִׁיב לִי» (שמואל ב, כב: כא).ש

«Puisse le Seigneur me rétribuer selon ma droiture, me rendre justice selon la pureté de mes mains.» (II Sam. 22: 21)

L’émergence de fleurs et bourgeons et l’apparition de fruits prompts à mûrir sur le bâton des Levy témoigne que ceux-ci, fidèles à leur vocation d’enseignants de la Parole divine, privilégient la polyphonie de la Parole divine. La diversité des voix, loin d’être cacophonique, conduit à amplifier l’harmonie de la Parole divine.

La controverse de Korah quant à la vocation de Moïse, le berger fidèle, n’est point sans rappeler la Parole de l’Eternel adressée au prophète Ezéchiel. Dans un discours de remontrances, l’Eternel fustige les faux bergers qui, feignant de prendre soin de leurs troupeaux,  manipulent les leurs afin de s’accaparer le pouvoir.

ש «הַמְעַט מִכֶּם הַמִּרְעֶה הַטּוֹב תִּרְעוּ וְיֶתֶר מִרְעֵיכֶם תִּרְמְסוּ בְּרַגְלֵיכֶם וּמִשְׁקַע-מַיִם תִּשְׁתּוּ וְאֵת הַנּוֹתָרִים בְּרַגְלֵיכֶם תִּרְפֹּשׂוּן» (יחזקאל לד: יח).ש

«Est-ce trop peu pour vous de vous repaître d’un excellent pâturage pour que vous fouliez au pied ce qui reste de votre fourrage? De boire d’une eau bien clarifiée pour qu’avec vos pieds vous troubliez ce que vous en laissez?» (Ezéchiel 34: 18)

Seul l’Eternel, le Maître de l’Univers, est à même de juger ceux qui tentent de s’approprier le pouvoir par la force.

ש«לָכֵן כֹּה אָמַר אֲדֹנָי יְהוִה אֲלֵיהֶם הִנְנִי-אָנִי וְשָׁפַטְתִּי בֵּין-שֶׂה בִרְיָה וּבֵין שֶׂה רָזָה» (יחזקאל לד: כ).ש

«Eh bien! C’est de la sorte que le Seigneur parle à leur égard: “Me voici moi-même pour juger entre la brebis grasse et la brebis maigre» (Ezéchiel 34: 20).

Le charisme des grands dirigeants spirituels, les bons bergers, se fonde sur leur intégrité morale. Dictés par leur conscience et leur crainte de l’Eternel, ces derniers, à l’opposé de bergers opportunistes aux propos tout empreints d’esprit démagogique, se vouent corps et âme à leurs brebis. Ils ne comptent ni leurs efforts, ni leur temps dans l’écoute attentive qu’ils portent à la douleur de leurs brebis dans la différence qui caractérise chacune d’entre elles. Jacob, le père des douze tribus d’Israël, constitue face à Lavan l’exemple du berger fidèle en témoignant de son dévouement absolu pour le bétail de ce dernier. Yaakov, loin d’en tirer un profit direct, remboursera jusqu’aux bêtes dévorées (Gen. 31: 38-40).

Tous les grands bergers, les futurs dirigeants d’Israël, sont avant tout des hommes et des femmes d’écoute, de dialogue soucieux du bien-être d’autrui bien avant le leur!

En 1953, le premier Premier ministre du jeune état hébreu, David ben Gourion, alors âgé de soixante-sept ans, se retire de la vie politique  et décide de s’installer au kibbouts Sedeh Boker situé au cœur du Néguev. Il y choisit le métier de berger et écrit dans ses mémoires: “l’on m’a confié la responsabilité de prendre soin des brebis et des chevreaux qui ne pouvaient se rendre au champ pour y paître”.

Au plaisir de vous retrouver,

Shabbat shalom!

,Avec toutes mes amitiés

Haïm Ouizemann

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3 réponses

  1. Un bon Berger est celui qui se met au service de son troupeau. j’ai eu la grande chance de bien connaître l’un des derniers vrais bergers de mon village: berger qui aimait ses moutons, son chien, capable de rester des nuits entières dans la bergerie pour soigner une bête, pour aider une brebis à mettre bas, pour chasser le loup rodant et réconforter le troupeau. Capable de briser la tête de la bête d’un seul coup rude et rapide pour abréger les souffrances d’une bête.
    Berger et Chasseur, Il m’a apprit combien un bon chasseur respectait la nature, les animaux, le gibier qu’il chasse. Berger et Chasseur: un dialogue constant avec les animaux, avec la nature, avec l’environnement. sans ce dialogue constant avec l’environnement l’humain ne peut vivre.
    Aujourd’hui la cassure entre citadins et gens de la terre est grande, l’incompréhension grandit des 2 cotés.

    Un bon Chef est celui qui se met au service de son peuple, de son pays. En cela il doit être capable d’écouter, de dialoguer, d’apprendre, de raisonner. Un bon Chef vit au milieu de la nation, avec la nation, pas dans une cage dorée isolée. Il ne cherche pas son profit personnel. Position ingrate et difficile parce que chaque personne a des idées parfois très différentes et il faut arriver à unir l’ensemble du peuple, de la nation.
    Un bon Chef doit savoir déléguer et partager: il ne détient pas seul un pouvoir qui de toutes les façons n’appartiendra jamais à un humain seul. Un bon Chef avance avec son peuple, parfois devant, souvent au milieu.
    Un bon Chef peut-être amener à prendre des décisions dures, mais ce sera réellement pour le bien de tous, pas pour son profit et le profit de ses copains.

    Moïse a, peut-être, contribué à installer une certaine division auprès des Hébreux, en créant les 12 Tribus… divisions qui, au fond, n’existent pas! Moïse n’est pas mort milliardaire, il ne s’est pas enrichi sur le dos des Hébreux.
    le Général de Gaulle a été grandement décrié pour la fin des colonies françaises: la colonisation d’un pays n’est pas une bonne chose, chaque peuple doit vivre en paix et tirer profit de sa terre natale. Il ne s’est jamais enrichi sur le dos des Français, sa retraite de militaire lui a toujours suffit.

  2. Ben Gourion fut un grand Chef pour Israël!! Toutefois, comme tout chef, comme Moïse, il a ses limites. En refusant une constitution à Israël, en choisissant de ne pas établir de frontières définitives de son pays…..
    Certes les Juifs veulent revenir à la terre, donnée par Dieu il y a plus de 3 500 ans environ, mais… J’ignore si c’est une bonne chose, l’avenir le dira.
    Pour le moment ce refus a donné tous pouvoirs aux Nations Unies pour obliger Israël de se retirer de gaza, ce refus va poser de gros problèmes si le Golan s’avère une réserve rentable de pétrole, ce refus pose le problème du “colonialisme” sur des terres dîtes palestiniennes, même si les Palestiniens ne sont guère matures pour s’entendre entre eux et construire leur propre pays malgré les aides innombrables.

    Tout grand Chef, ne peut prévoir sur le long terme, les inconvénients et les bienfaits de ses décisions, prises en toute honnêteté.
    Ainsi Gandhi, est fort peu apprécié par les Hindous aujourd’hui. Ce grand Chef qui a su libérer son immense pays de l’envahisseur anglais, sans guerre, sans sang versé, a refusé la proposition anglaise de quitter l’Inde en obligeant les musulmans à retourner au Pakistan et en établissant une frontière entre ces 2 pays. Il a répondu que tout humain est accepté en inde! Bon esprit de tolérance, qui aujourd’hui pose de très gros problème à l’Inde et aux Hindous.

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Quelques mots sur moi

J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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