L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Reeh: L’autel de Josué, une découverte révolutionnaire  

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

L'autel de Josué (© Photo: Haim Ouizemann,mai 2013)
L’autel de Josué (© Photo: Haim Ouizemann,mai 2013)

Rien a priori ne prédestinait Adam Zartal à devenir Professeur d’Archéologie à l’université de Tel-Aviv. Pionnier affilié au mouvement du Hashomer Hatsaïr[1], de surcroît incroyant et laïc, il se tourne tardivement vers des études d’archéologie et présente un doctorat sur l’entrée des Israélites en terre de Canaan. A la suite de la guerre des Six Jours, il se rend en Samarie où il découvre un paysage encore vierge, probablement très semblable, comme il lui plaît de répéter, à celui que le Patriarche Abraham rencontra à son arrivée en Canaan:

«וַיַּעֲבֹר אַבְרָם בָּאָרֶץ עַד מְקוֹם שְׁכֶם עַד אֵלוֹן מוֹרֶה וְהַכְּנַעֲנִי אָז בָּאָרֶץ»

«Abram  traversa le pays jusqu’au territoire de Shechem, jusqu’à la plaine de Moré» (Gen. 12, 6).

Le théologien allemand Albrecht Alt (1883-1956) surnomme cette région déserte, mais héritière d’une riche et antique histoire: «la reine sans couronne du Pays d’Israël». Effectivement, sur les plans biblique et historique, la Samarie constitue le berceau par excellence du peuple d’Israël. C’est le lieu où Moïse donne rendez-vous au peuple d’Israël, dès qu’ils auront traversé le Jourdain:

ש«וְהָיָה כִּי יְבִיאֲךָ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ אֶל-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר-אַתָּה בָא-שָׁמָּה לְרִשְׁתָּהּ וְנָתַתָּה אֶת-הַבְּרָכָה עַל-הַר גְּרִזִים, וְאֶת-הַקְּלָלָה עַל-הַר עֵיבָל. הֲלֹא-הֵמָּה בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן אַחֲרֵי דֶּרֶךְ מְבוֹא הַשֶּׁמֶשׁ בְּאֶרֶץ הַכְּנַעֲנִי הַיֹּשֵׁב בָּעֲרָבָה מוּל הַגִּלְגָּל אֵצֶל אֵלוֹנֵי מֹרֶה.  כִּי אַתֶּם עֹבְרִים אֶת-הַיַּרְדֵּן לָבֹא לָרֶשֶׁת אֶת-הָאָרֶץ אֲשֶׁר-יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם נֹתֵן לָכֶם וִירִשְׁתֶּם אֹתָהּ וִישַׁבְתֶּם-בָּהּ»ש

 «Or, quand l’Éternel, ton Dieu, t’aura installé dans le pays où tu vas pour le conquérir, tu proclameras la bénédiction sur le mont Garizim, la malédiction sur le mont Eival. Ces montagnes sont au delà du Jourdain, en arrière, dans la direction du couchant, dans la province des Cananéens habitants de la plaine, vis-à-vis de Guilgal, près des chênes de Moré» (Deut. 11, 29-31). [2]

C’est là, sur un autel qu’ils auront bâti, que les enfants d’Israël offriront des sacrifices: «Donc, après avoir passé le Jourdain, vous érigerez ces pierres, comme je vous l’ordonne aujourd’hui, sur le mont Eyval, et tu les enduiras de chaux. Tu bâtiras au même endroit un autel destiné à l’Éternel, ton Dieu…» (Deut. 27, 4-5).  C’est en ce lieu historique que les fils d’Israël renouvelleront leur Alliance avec Dieu, se constituant ainsi en «peuple de Dieu»:

«וַיְדַבֵּר מֹשֶׁה וְהַכֹּהֲנִים הַלְוִיִּם אֶל כָּל-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר הַסְכֵּת וּשְׁמַע יִשְׂרָאֵל הַיּוֹם הַזֶּה נִהְיֵיתָ לְעָם לַיהוָה אֱלֹהֶיךָ»

«Moïse, assisté des pontifes descendants de Lévi, parla ainsi à tout Israël: “Fais silence et écoute, ô Israël! En ce jour, tu es devenu le peuple de l’Éternel, ton Dieu»  (Deut. 27, 2-9 et s.).

Cette Alliance sera effectivement renouvelée en Canaan, mais seulement après les premières conquêtes:

ש«אָז יִבְנֶה יְהוֹשֻׁעַ מִזְבֵּחַ, לַיהוָה אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל, בְּהַר, עֵיבָל.  כַּאֲשֶׁר צִוָּה מֹשֶׁה עֶבֶד-יְהוָה אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, כַּכָּתוּב בְּסֵפֶר תּוֹרַת מֹשֶׁה מִזְבַּח אֲבָנִים שְׁלֵמוֹת, אֲשֶׁר לֹא-הֵנִיף עֲלֵיהֶן בַּרְזֶל; וַיַּעֲלוּ עָלָיו עֹלוֹת לַיהוָה, וַיִּזְבְּחוּ שְׁלָמִים»ש

«Josué bâtit alors un autel au Seigneur, Dieu d’Israël, sur le mont Eyval, selon ce que Moïse, serviteur de Dieu, avait prescrit aux enfants d’Israël» (Josué 8, 30-31).

Adam Zartal reconnaît humblement que le succès de ses fouilles constitue le fruit du labeur acharné d’archéologues qui, durant plus de cent ans, ont vainement tenté de situer le lieu historique de l’autel de Josué par manque de données archéologiques.

Le professeur Adam Zartal (© Photo: Haim Ouizemann,mai 2013)
Le professeur Adam Zartal (© Photo: Haim Ouizemann,mai 2013)

L’opération délicate de mise à nu de l’ensemble du site, réalisée entre 1982 et 1989, met à jour le soin pris dans les temps antiques pour recouvrir l’autel de terre afin de le protéger des affres du temps et du vandalisme. Le professeur Adam Zartal dirige les fouilles, Bible en main, à l’aide des sources talmudiques. Les données des vestiges permettent maints recoupements archéologiques et bibliques, confirmant l’ampleur de la découverte: utilisation de pierres non taillées (Ex. 20, 21; Deut. 27, 5-6); scarabées sacrés trouvés sur le lieu, datant de l’époque de Ramsès II d’Egypte (1250-1100 avant notre ère); une seule et unique strate archéologique; mensurations et forme cubique de la construction identiques à celles de l’autel des sacrifices du Tabernacle; présence de cendres et os d’animaux purs et absence d’ossements de porc; rampe des sacrifices dépourvue d’escaliers (Ex. 20, 23) et surtout le plateau central.

Les monts de Shomron ( Samarie) © Photo: Haim Ouizemann,mai 2013
Les monts de Shomron ( Samarie) © Photo: Haim Ouizemann,mai 2013

 

L’archéologue biblique, Benyamin Mazar, l’avertit: «C’est une découverte immense mais prépare-toi à un long et difficile combat. Tous n’accepteront pas» (p. 88). Le professeur Larry Steiger de Harvard écrit à propos de cette découverte: «Si l’autel des holocaustes s’est effectivement tenu sur le Mont Eival, l’impact sur nos recherches est révolutionnaire. Nous aurons, nous tous, chercheurs et archéologues, à retourner à l’école maternelle».

Les professeurs Zeev Herzog, Neil Asher Silberman et Israël Finkelstein[3], directeur de l’Institut d’Archéologie de l’Université de Tel-Aviv et auteur du livre très conversé «La Bible dévoilée», tenants de l’Ecole de la “Critique Biblique” (dénommés aussi «négationnistes bibliques») réfutent la véracité des thèses avancées par le professeur Adam Zartal. Ce dernier fidèle à son maître Benyamin Mazar[4], confirme par ses recherches originales et indépendantes le sens historique de la source biblique.

L’on peut dire, en paraphrasant le théologien Albrecht Alt, que le professeur Adam Zartal restitue sa couronne perdue à la reine Samarie avec, entre autres, cette découverte fondamentale. L’autel de Josué apporte, en effet, un témoignage de première importance sur la formation d’Israël qui, au moment du sacrifice sur le mont Eival, fait montre d’unité. Il confirme que la naissance nationale d’Israël relève de la sphère spirituelle sur laquelle reposent les fondements de l’ordre social et éthique de l’état hébreu, davidique puis moderne. Le déni historique cache souvent un parti-pris idéologique destiné à amoindrir ou effacer la singularité identitaire de la présence d’Israël en Erets Israël. L’Israël moderne et les Nations du monde doivent, Bible en mains, retrouver ses hauts-lieux historiques, témoins d’une ère fondatrice de l’identité d’Israël et de sa pérennité. C’est la raison pour laquelle David ben Gourion, grand érudit bibliste, adopte l’introduction de la Déclaration d’Indépendance rappelant le lien étroit entre l’identité spirituelle, le TaNa’Kh (Bible hébraïque) et l’Indépendance nationale:

«Erets Israël (le Pays d’Israël) est le lieu où naquit le peuple juif. C’est là que se forma son caractère spirituel, religieux et national. C’est là qu’il réalisa son indépendance, créa une culture d’une portée à la fois nationale et universelle et fit don de la Bible au monde entier».

La terre du Patriarche Avraham (© Photo: Haim Ouizemann,mai 2013)
La terre du Patriarche Avraham (© Photo: Haim Ouizemann,mai 2013)

[1]  Le mouvement du Hashomer Hatsaïr est un mouvement de jeunes Juifs sionistes fondé en 1913 en Pologne.

[2] Parashat Reeh: Deut. 11: 26- 16: 17

[3]  Le professeur Israël Finkelstein argue que les sources bibliques du Deutéronome et de Josué auraient écrites à l’époque d’Ezéchias (-7/-8e avant notre ère) et non point au 12e siècle avant notre ère (ère de l’entrée des Hébreux en Erets Canaan).

[4] 1906-1996. Sa fille Eilat Mazar est considérée comme une des dernières archéologues bibliques.

Je vous invite à rejoindre le nouveau projet « Questions sur la Parashat HaShavoua et à me faire part de vos avis.

Ce projet a pour dessein de mieux faire connaitre la source biblique. Des questions bibliques sont proposées. Vos réponses sont les bienvenues. Je reste ouvert à toute idée supplémentaire qui pourrait améliorer cette nouvelle initiative.

Si l’étude du TaNaKh vous fait rêver, n’hésitez pas à me joindre:

[email protected]

Au plaisir de vous retrouver,

Haïm Ouizemann

© Haïm Ouizemann, Août 2015

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6 réponses

  1. Bonjour Haïm ! Je suis allée sur le mont Ebal lors je mon voyage en Israël il y a 2 ans et j’ai eu la chance d’entendre le professeur Adam Zartal au sujet de ses recherches et découvertes. L’humilité de cet homme, qui a fait cette découverte essentielle, m’a beaucoup touchée. L’autel de Josué est une “preuve” incontestable, s’il en faut, que le Tanakh est vrai et que Eretz Israël a été donnée au peuple juif. Le paysage est magnifique et semble, en effet, tel qu’il devait être à l’époque. Un de mes endroits préférés…

  2. Lire le livre de Michael Langlois: “Le texte de Josué 10” – OBO-252. Cet ouvrage passe au peigne fin chaque verset du chapitre 10 de Josué, avec une proposition de traduction depuis l’hébreu toujours précise avec M. Langlois – puis l’étude se fait depuis le grec. Au 3° ch. une étude épigraphique des fragments de Qumrân, avec des photos de chaque lettre hébraïque, suivie d’une étude paléographique des fragments de textes. Au ch. 4 une histoire textuelle et rédactionnelle de Josué 10. Bibliographie abondante, index, ce livre est une mine d’or (de lettres !) sur le sujet.

  3. Michael LANGLOIS est également le co-auteur du très beau catalogue, bien documenté, de l’exposition passionnante sur QUMRAN qui s’était tenue en 2010 à la Bibliothèque Nationale à Paris. Son titre : “Qumran, le secret de manuscrits de la Mer Morte” par Laurent Héricher, Michael Langlois et Estelle Villeneuve. ATTENTION : il existe d’autres livres sur Qumran qui n’ont pas la même valeur iconographique. Danièle (dite Nanny) Metthey

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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