L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Re’eh, Méditation sur la Joie

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La Parashat Re’eh[1] se caractérise par le thème de la joie mentionnée à maintes reprises, pas moins de sept fois, symbole de l’Alliance (Deutéronome 12: 7, 18; 14: 26; 16: 11; 14-15):

יד וְשָׂמַחְתָּ בְּחַגֶּךָ אַתָּה וּבִנְךָ וּבִתֶּךָ וְעַבְדְּךָ וַאֲמָתֶךָ וְהַלֵּוִי וְהַגֵּר וְהַיָּתוֹם וְהָאַלְמָנָה אֲשֶׁר בִּשְׁעָרֶיךָ. (דברים טז: יד)14 et tu te réjouiras pendant ta fête et, avec toi, ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante, et le Lévite, l’étranger, l’orphelin, la veuve qui seront dans tes murs. (Deutéronome 16: 14)

Ce verset fait partie des commandements concernant la célébration des fêtes de pèlerinage que l’on trouve régulièrement dans le livre du Deutéronome.

Que revêt l’injonction de la joie, vive expression des trois fêtes de pèlerinage (שָׁלֹשׁ רְגָלִים Shelosh Regalim) פֶּסַח Pessa’h (Pâque), שָׁבֻעוֹת Chavouot (Pentecôte) et סֻכּוֹת Souccot (Fête des Cabanes, incluant שְׁמִינִי עֲצֶרֶת Shemini Atseret)?

 Si l’on se réfère au verset 14 chapitre 16, l’on remarque que l’expression  ” וְשָׂמַחְתָּ et tu te réjouiras” est propre à la fête de Soukkot, alors même que cette injonction s’étend aux trois fêtes.

Le verset ordonne de se réjouir pendant la fête et précise qui doit participer à cette joie : toi – le maître de maison, ton fils et ta fille – les enfants, ton serviteur et ta servante – les domestiques, le Lévite, l’étranger, l’orphelin et la veuve – toutes les personnes vulnérables ayant tendance à être oubliées de la société.

Cette injonction souligne l’importance d’inclure toutes les couches de la société dans la célébration de la fête, y compris ceux qui pourraient être marginalisés ou défavorisés. Point de joie sans unité organique de toutes les âmes d’Israël.

À l’époque du Temple de Jérusalem, la principale manière d’accomplir ce commandement était de consommer la viande des sacrifices, généralement l’offrande de paix appelée ” שְׁלָמִיםShelamim de joie” (“שְׁלָמִים Pacifiques” et l’offrande de חֲגִיגָה ‘Haguiga). Aujourd’hui, en l’absence du Temple, cette injonction est observée notamment par les prières et le rassemblement des priants comme l’exprime le terme ” שְׁמִינִי עֲצֶרֶת Shemini Atseret”, le huitième jour de la fête de סֻכּוֹת Soukkot – en Israël, שְׁמִינִי עֲצֶרֶת Shemini Atseret le huitième jour se confond avec la fête de Sim’hat Torah שִׂמְחַת תּוֹרָה, contrairement à la Diaspora, où שִׂמְחַת תּוֹרָה Sim’hat Torah se fête le neuvième jour de סֻכּוֹת Soukkot.  

La Torah met l’accent sur l’importance de la joie pendant la fête, comme il est dit:

טו שִׁבְעַת יָמִים תָּחֹג לַיהוָה אֱלֹהֶיךָ בַּמָּקוֹם, אֲשֶׁר-יִבְחַר יְהוָה כִּי יְבָרֶכְךָ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכֹל תְּבוּאָתְךָ וּבְכֹל מַעֲשֵׂה יָדֶיךָ וְהָיִיתָ אַךְ שָׂמֵחַ. (דברים טז: טו)15 Tu fêteras ces sept jours en l’honneur de l’Éternel, ton Dieu, dans le lieu qu’il aura choisi; car il te bénira, l’Éternel, ton Dieu, dans tous tes revenus, dans tout le labeur de tes mains, et tu ne seras que joyeux. (Deutéronome 16: 15)

L’expression ” וְהָיִיתָ אַךְ שָׂמֵחַ Et tu ne seras que joyeux” exprime une injonction divine relevant de l’impératif catégorique pour reprendre les termes du philosophe Emmanuel Kant. Pourtant selon Rashi, cette injonction concernant la joie ne relève point de l’impératif mais de la promesse :

“וְהָיִיתָ אַךְ שָׂמֵחַ. לְפִי פְּשׁוּטוֹ אֵין זֶה לְשׁוֹן צִוּוּי, אֶלָּא לְשׁוֹן הַבְטָחָה. וּלְפִי תַּלְמוּדוֹ לָמְדוּ מִכָּאן לְרַבּוֹת לֵילֵי יוֹם טוֹב הָאַחֲרוֹן לְשִׂמְחָה:” (רש”י על הפסוק דברים טז: טו).

“Et tu seras seulement joyeux Selon le sens littéral, ce n’est pas une injonction mais une promesse. Et d’après l’interprétation talmudique, cela nous enseigne que l’on doit inclure dans la joie la nuit du dernier jour de fête (ou Sim’hat Torah)”, (Commentaire de Rashi sur le verset Deutéronome 16: 15).

Le huitième jour de Soukkot dénommé Sim’hat Torah- la Joie de la Torah- est le jour au cours duquel l’ensemble du peuple d’Israël en terre d’Israël et en diaspora concluent solennellement la lecture de la Torah pour aussitôt en reprendre la lecture. Tous les membres de la famille et de la communauté se réjouissent non seulement de l’abondante récolte (Deutéronome 16: 13) mais aussi du seul instant dans l’année hébraïque au cours duquel il est possible de conclure le cycle complet des lectures de la péricope de la semaine. Point de joie sans permanence !

Le Shabbat 7 octobre 2023, jour de Sim’hat Torah, le Hamas perpétue l’un des crimes les plus horribles qu’ait connu Israël depuis les heures terribles de la Shoah, tellement horrible qu’il en est difficile d’en décrire l’ampleur et la cruauté. Son but: stopper et figer à tout jamais la joie d’Israël. Cette joie toute intérieure transparaissant sur les visages d’enfants, d’hommes et femmes de tous âges a été profanée en ce jour de mort, de feu et de sang. Mais que personne ne s’y méprenne, le peuple juif considéré dans sa totalité et plus particulièrement en Erets-Israël demeure fidèle à l’injonction de conserver la joie quels que puissent être sa douleur, son angoisse et son traumatisme. Nous continuerons à prier, à chanter, à danser, à rire même dans la peine. De nombreux concerts de musique classique ou populaire sont en cette période de deuil national organisés et ne cessent d’attirer de nombreux auditeurs.

La racine verbale hébraïque de la joie ש.מ.ח./ S.M.’H est l’anagramme de la racine מ.ש.ח./ M.Sh.’H. signifiant “oindre d’huile”. La joie est l’égale de l’onction, conférant ainsi à Israël son rôle prépondérant de “peuple-trésor עַם סְגֻלָּה” de l’Eternel (Deutéronome 14: 2).   

En somme Israël ne renonce jamais à vivre ! Lâ réside sa victoire !

ז  רַבִּים אֹמְרִים מִי-יַרְאֵנוּ-טוֹב נְסָה עָלֵינוּ אוֹר פָּנֶיךָ יְהוָה. ח  נָתַתָּה שִׂמְחָה בְלִבִּי מֵעֵת דְּגָנָם וְתִירוֹשָׁם רָבּוּ. ט  בְּשָׁלוֹם יַחְדָּו אֶשְׁכְּבָה וְאִישָׁן כִּי-אַתָּה יְהוָה לְבָדָד לָבֶטַח תּוֹשִׁיבֵנִי. (תהלים ד: ז-ט)7 Beaucoup disent: “Qui nous fera voir le Bon?” Fais lever sur nous la lumière de ta face, Eternel! 8 Tu me mets plus de joie au cœur [qu’à eux], au temps où abondent leur blé et leur vin. 9 En paix, je me couche et m’endors aussitôt; car Toi, Eternel, même dans l’isolement, tu me fais demeurer en sécurité. (Psaume 4 : 7-9). 

[1] Parashat Re’eh: Deutéronome 11: 26-16: 17.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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