L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Shela’h Lekha, Le pays où coule le lait et le miel

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

La parashat Shela’h Lekha[1], l’une des plus dramatiques de la Torah, évoque la faute de médisance à l’encontre d’Erets Israël des explorateurs, exception faite de Calev ben Yefouné et Yehoshua bin Noun :

לב וַיֹּצִיאוּ דִּבַּת הָאָרֶץ אֲשֶׁר תָּרוּ אֹתָהּ אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר הָאָרֶץ אֲשֶׁר עָבַרְנוּ בָהּ לָתוּר אֹתָהּ אֶרֶץ אֹכֶלֶת יוֹשְׁבֶיהָ הִוא וְכָל-הָעָם אֲשֶׁר-רָאִינוּ בְתוֹכָהּ אַנְשֵׁי מִדּוֹת. (במדבר יג: לב)32 Et ils décrièrent le pays qu’ils avaient exploré, en disant aux enfants d’Israël : “Le pays que nous avons parcouru pour l’explorer est un pays qui dévorerait ses habitants ; quant au peuple que nous y avons vu, ce sont tous gens de haute taille. (Nombres 13 : 32).

Cette médisance est si forte et convaincante que les Hébreux se révoltent une nouvelle fois contre Moïse et Aaron :

א וַתִּשָּׂא כָּל-הָעֵדָה וַיִּתְּנוּ אֶת-קוֹלָם וַיִּבְכּוּ הָעָם בַּלַּיְלָה הַהוּא. ב וַיִּלֹּנוּ עַל-מֹשֶׁה וְעַל-אַהֲרֹן כֹּל בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וַיֹּאמְרוּ אֲלֵהֶם כָּל-הָעֵדָה לוּ-מַתְנוּ בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם אוֹ בַּמִּדְבָּר הַזֶּה, לוּ-מָתְנוּ. ג וְלָמָה יְהוָה מֵבִיא אֹתָנוּ אֶל-הָאָרֶץ הַזֹּאת לִנְפֹּל בַּחֶרֶב נָשֵׁינוּ וְטַפֵּנוּ יִהְיוּ לָבַז הֲלוֹא טוֹב לָנוּ שׁוּב מִצְרָיְמָה. (במדבר יד: א-ג)1 Alors toute la communauté se souleva en jetant des cris, et le peuple passa cette nuit à gémir. 2 Et tous les enfants d’Israël se plaignirent contre Moïse et Aaron, et toute la communauté-témoin leur dit : “Que ne sommes-nous morts dans le pays d’Egypte, ou que ne mourons-nous dans ce désert ! 3 Et pourquoi l’Éternel nous mène-t-il dans ce pays-là, pour y périr par le glaive, nous voir ravir nos femmes et nos enfants ? Certes, il vaut mieux pour nous retourner en Egypte.” (Nombres 14 : 1-3).

Comment la médisance de dix explorateurs a-t-elle pu être entendue par l’ensemble des fils d’Israël ?

Cette médisance n’a pu avoir toute l’influence négative sur la communauté des Hébreux que parce que les dix explorateurs l’ont inscrite sur une vérité fondée sur un fait tangible et objectif :

כז וַיְסַפְּרוּ-לוֹ וַיֹּאמְרוּ בָּאנוּ אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר שְׁלַחְתָּנוּ וְגַם זָבַת חָלָב וּדְבַשׁ הִוא וְזֶה-פִּרְיָהּ. (במדבר יג: כז)27 et lui firent ce récit : “Nous sommes entrés dans le pays où tu nous avais envoyés ; oui, vraiment, il ruisselle de lait et de miel, et voici de ses fruits. (Nombres 13 : 27).

Rashi explique :

ש «זָבַת חָלָב וּדְבַשׁ: כָּל דְּבַר שֶׁקֶר שֶׁאֵין אוֹמְרִים בּוֹ קְצָת אֱמֶת בִּתְחִלָּתוֹ, אֵין מִתְקַיֵּם בְּסוֹפוֹ:» (רש”י על הפסוק במדבר יג: כז).

« Il est ruisselant de lait et de miel N’est pas crédible un mensonge qui ne contient pas une part de vérité » (Rashi sur le verset Nombres 13 : 27).

Contrairement à la conquête de l’Ouest des Etats-Unis, au XIXe siècle, lors de laquelle les pionniers américains suèrent sang et eau pour faire sortir la vigne d’une terre hostile, il s’avère que la terre d’Israël est une terre fertile, prête à être travaillée par les pionniers hébreux pour donner le meilleur de ses fruits.

Or, les explorateurs hébreux ont failli à leur mission car s’ils ont certes répondu de manière positive à l’interrogation de Moïse, ils n’ont pu néanmoins s’empêcher de mentir en osant affirmer que la terre d’Israël bénie par l’Eternel « dévorait ses habitants » !

כ וּמָה הָאָרֶץ הַשְּׁמֵנָה הִוא אִם-רָזָה הֲיֵשׁ-בָּהּ עֵץ אִם-אַיִן וְהִתְחַזַּקְתֶּם וּלְקַחְתֶּם מִפְּרִי הָאָרֶץ וְהַיָּמִים יְמֵי בִּכּוּרֵי עֲנָבִים. (במדבר יג: כ)20 quant au sol, s’il est gras ou maigre, s’il est boisé ou non. Et vous prendrez quelques-uns des fruits du pays.” C’était alors la saison des premiers raisins. (Nombres 13 : 20).

Moïse cherche à savoir par le biais de sa question si la terre d’Israël est une terre d’abondance préservée par la guerre destructrice ne laissant que mort et désolation.

Il s’avère que la terre est une terre de fécondité et d’accueil où abondent les fruits. Les termes de חָלָב Halav généralement traduit par le mot « lait » est l’homonyme du terme « חֶלֶב graisse de la terre » signifiant « les meilleurs produits » offerts par la terre. Quant au terme דְּבַשׁ Devash, « miel », il s’agit de miel de datte communément dénommé en Israël, Silan.

Mais comment est-il possible qu’un tel mensonge ait pu être énoncé, alors même que la réalité exprime une tout autre vision ?

L’expression « וּלְקַחְתֶּם מִפְּרִי הָאָרֶץ/ OuLeKa’HTem MiPeri HaArets/ Et vous prendrez du fruit de la terre » formulée par Moïse ne signifie point seulement que les explorateurs ramènent les fruits d’Erets Israël afin de témoigner de la richesse du pays mais signifie premièrement que ces mêmes fruits devront être offerts comme prémices sur l’autel de la Tente du Rendez-Vous. Moïse sacralise ces fruits et leur octroie un sens historique ! En effet, toutes les fois où le verbe וּלְקַחְתֶּם est mentionné dans la Torah, il s’agit toujours d’un acte chargé d’une haute dimension spirituelle. (Exode 12 : 22 ; Lévitique 23 : 40).

Il est donc possible de déduire, à la lueur de cette dernière interprétation, que la faute des explorateurs n’est point tant de dire du mal de la terre promise aux Patriarches (Nombres 13 : 27-33) que de refuser catégoriquement de rendre un culte à l’Eternel par le biais de ces fruits, prémices de la terre, offerts comme présents par l’Eternel, attitude négative confirmée par leur désir de retourner dans le pays de leur esclavage, l’Egypte (Nombres 14 : 2-3).

Comment Israël peut-il réparer cette faute dont la signification profonde réside dans le refus absolu d’entrer en terre promise, la terre de Vie et de croissance perpétuelle ?

א וְהָיָה כִּי-תָבוֹא אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לְךָ נַחֲלָה וִירִשְׁתָּהּ וְיָשַׁבְתָּ בָּהּ. ב וְלָקַחְתָּ מֵרֵאשִׁית כָּל-פְּרִי הָאֲדָמָה אֲשֶׁר תָּבִיא מֵאַרְצְךָ אֲשֶׁר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ וְשַׂמְתָּ בַטֶּנֶא וְהָלַכְתָּ אֶל-הַמָּקוֹם אֲשֶׁר יִבְחַר יְהוָה אֱלֹהֶיךָ לְשַׁכֵּן שְׁמוֹ שָׁם. ג וּבָאתָ אֶל-הַכֹּהֵן אֲשֶׁר יִהְיֶה בַּיָּמִים הָהֵם וְאָמַרְתָּ אֵלָיו הִגַּדְתִּי הַיּוֹם לַיהוָה אֱלֹהֶיךָ כִּי-בָאתִי אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע יְהוָה לַאֲבֹתֵינוּ לָתֶת לָנוּ. (דברים כו: א-ג)1 “Quand tu seras arrivé dans le pays que l’Éternel, ton Seigneur, te donne en héritage, quand tu en auras pris possession et y seras établi, 2 tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre, récoltés par toi dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, t’aura donné, et tu les mettras dans une corbeille ; et tu te rendras à l’endroit que l’Éternel, ton Seigneur, aura choisi pour y faire régner son nom. 3 Et tu te présenteras au cohen qui sera alors en fonction, et lui diras : “Je viens reconnaître en ce jour, devant l’Éternel, ton Seigneur, que je suis installé dans le pays que l’Éternel avait juré à nos pères de nous donner.” (Deutéronome 26 : 1-3).

[1] Parashat Shela’h Lekha: Nombres 13 : 1-15 : 41.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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