Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
Au cours de cette parashat Shela’h Lekha[1], nous sommes témoins de la puissance spirituelle de Moïse qui prie avec force et profondeur vers l’Eternel afin que sa sœur Myriam, frappée par la plaie de la lèpre, recouvre sa santé :
יג וַיִּצְעַק מֹשֶׁה אֶל-יְהוָה לֵאמֹר אֵל נָא רְפָא נָא לָהּ. (במדבר יב: יג) | 13 Et Moïse implora l’Éternel en disant: “Seigneur, je te prie Guéris-la, de grâce!” (Nombres 12: 13). |
Que signifie le verbe וַיִּצְעַק/ VaYTs’aK ?
La racine de ce verbe est צ.ע.ק. / Ts. Ayin. Q. signifie “pousser un cri”.
Ce n’est point la première fois que Moïse crie vers l’Eternel en faveur d’Israël:
כה וַיִּצְעַק אֶל-יְהוָה וַיּוֹרֵהוּ יְהוָה עֵץ וַיַּשְׁלֵךְ אֶל-הַמַּיִם וַיִּמְתְּקוּ הַמָּיִם שָׁם שָׂם לוֹ חֹק וּמִשְׁפָּט וְשָׁם נִסָּהוּ. (שמות טו: כה) | 25 Et Moïse implora le Seigneur; celui-ci lui indiqua un bois, qu’il jeta dans l’eau et l’eau devint potable. C’est alors qu’il lui imposa un principe et une loi, c’est alors qu’il le mit à l’épreuve (Exode 15: 25). |
Le cri – l’imploration – de Moïse a pour but d’adoucir les eaux amères, de transformer la douleur de sa sœur Myriam en consolation, qu’elle puisse au plus vite recouvrer son état de santé originel. La prière détient donc un pouvoir transformateur capable de briser le déterminisme et les forces de la nature.
כג מִי-יִתֵּן רֹאשִׁי מַיִם וְעֵינִי מְקוֹר דִּמְעָה וְאֶבְכֶּה יוֹמָם וָלַיְלָה אֵת חַלְלֵי בַת-עַמִּי. (ירמיהו ח: כג) | 23 Ah! Puisse ma tête se changer en fontaine, mes yeux en source de larmes! Je voudrais pleurer jour et nuit ceux qu’a vus succomber la fille de mon peuple! (Jérémie 8: 23). |
Israël doit apprendre de Moïse comment prier en épanchant comme lui son cœur pour la libération de tous les otages encore détenus par le mouvement du Hamas après les massacres du 7 octobre et le rétablissement de tous les soldats blessés physiquement et mentalement au combat.
יח צָעַק לִבָּם אֶל-אֲדֹנָי חוֹמַת בַּת-צִיּוֹן הוֹרִידִי כַנַּחַל דִּמְעָה יוֹמָם וָלַיְלָהאַל-תִּתְּנִי פוּגַת לָךְ אַל-תִּדֹּם בַּת-עֵינֵךְ. (איכה ב: יח) | 18 Que leur cœur crie vers le Seigneur! O rempart de la fille de Sion, fais couler tes larmes comme un torrent jour et nuit! Ne t’accorde aucun répit! Que ta pupille ne s’arrête pas de pleurer! (Lamentations 2: 18). |
La noble attitude de Moïse témoigne d’une capacité hors du commun, celle d’être capable de pardonner à sa sœur Myriam. En cela il prouve qu’il n’a jamais oublié l’acte de Myriam qui ne l’abandonna point lorsque sa mère Yocheved fut contrainte à contre-cœur de déposer le berceau de Moïse au bord du Nil et qu’il lui en est toujours extrêmement reconnaissant:
ד וַתֵּתַצַּב אֲחֹתוֹ מֵרָחֹק לְדֵעָה מַה-יֵּעָשֶׂה לוֹ. ז וַתֹּאמֶר אֲחֹתוֹ אֶל-בַּת-פַּרְעֹה הַאֵלֵךְ וְקָרָאתִי לָךְ אִשָּׁה מֵינֶקֶת מִן הָעִבְרִיֹּת וְתֵינִק לָךְ אֶת-הַיָּלֶד. ח וַתֹּאמֶר לָהּ בַּת-פַּרְעֹה לֵכִי וַתֵּלֶךְ הָעַלְמָה וַתִּקְרָא אֶת-אֵם הַיָּלֶד. (שמות ב: ד; ז-ח) | 4 Et sa sœur se tint à distance pour observer ce qui lui arriverait… 7 Sa sœur dit à la fille de Pharaon: “Faut-il t’aller quérir une nourrice parmi les femmes hébreues, qui t’allaitera cet enfant?” 8 Et la fille de Pharaon lui répondit: “Va.” Et la jeune fille alla quérir la mère de l’enfant. (Exode 2: 4; 7-8). |
La calomnie de Myriam et Aaron au sujet de Moïse empêche le camp entier d’Israël de poursuivre son chemin dans le désert. Cependant, la prière de Moïse limite la honte de Myriam à sept jours, car calomnier Moïse, c’est comme calomnier l’Eternel (Nombres 12: 14). De la même manière que Myriam fut attentive aux besoins de son frère nouveau-né Moïse, Moïse à son tour se montre attentif à la souffrance de sa sœur isolée par la lèpre:
טו וַתִּסָּגֵר מִרְיָם מִחוּץ לַמַּחֲנֶה שִׁבְעַת יָמִים וְהָעָם לֹא נָסַע עַד-הֵאָסֵף מִרְיָם. (במדבר יב: טו). | 15 Et Miryam fut enfermée hors du camp pendant sept jours; et le peuple ne partit que lorsque Miryam eut été réintégrée. (Nombres 12: 15). |
L’on apprend ici que la prière à elle seule, aussi puissante soit-elle, ne suffit point à résoudre les épreuves d’une vie. A la prière doit être associée l’action bienveillante de l’Homme. C’est parce que Moïse a agi courageusement en faveur de sa sœur, sur l’imploration d’Aaron, que sa prière fut exaucée.
L’exemple du roi Ezéchias חִזְקִיָּהוּ –’Hizkiyahou est à ce propos fort éloquent. En effet, alors même que le prophète Isaïe annonce au roi Ezéchias qu’il mourra assurément conformément à l’irrévocable sentence divine pour les fautes commises (II Rois 20: 1), ce dernier, dans un élan de תְּשׁוּבָה Teshouva – de Retour vers l’Eternel – épanche sincèrement son cœur en pleurant :
ג אָנָּה יְהוָה זְכָר-נָא אֵת אֲשֶׁר הִתְהַלַּכְתִּי לְפָנֶיךָ בֶּאֱמֶת וּבְלֵבָב שָׁלֵם, וְהַטּוֹב בְּעֵינֶיךָ עָשִׂיתִי וַיֵּבְךְּ חִזְקִיָּהוּ בְּכִי גָדוֹל. (מלכים ב, כ: ג) | 3 “De grâce, Seigneur, daigne je te prie te souvenir que j’ai marché devant toi fidèlement et d’un cœur sincère, et que j’ai fait ce qui te plaît!” Puis il éclata en longs sanglots. (II Rois 20: 3). |
Immédiatement, les larmes du roi Ezéchias obtiennent la grâce divine :
ה שׁוּב וְאָמַרְתָּ אֶל-חִזְקִיָּהוּ נְגִיד-עַמִּי כֹּה-אָמַר יְהוָה אֱלֹהֵי דָּוִד אָבִיךָ שָׁמַעְתִּי אֶת-תְּפִלָּתֶךָ רָאִיתִי אֶת-דִּמְעָתֶךָ הִנְנִי רֹפֶא לָךְ בַּיּוֹם הַשְּׁלִישִׁי תַּעֲלֶה בֵּית יְהוָה. (מלכים ב, כ: ה) | 5 “Retourne pour dire à Ezéchias, le souverain de mon peuple: Ainsi parle l’Eternel, le Dieu de David, ton père: J’ai entendu ta prière et vu tes larmes, je te guérirai, et dès le troisième jour tu monteras dans la maison de l’Eternel. (II Rois 20: 5). |
Espérons de tout cœur que l’ensemble des implorations d’Israël associées à celles des Justes des Nations auront le pouvoir de déchirer les cieux en mettant fin au supplice des familles qui chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde, continuent d’attendre leurs parents captifs du Hamas!
“וְאָמַר רַבִּי אֶלְעָזָר: מִיּוֹם שֶׁחָרַב בֵּית הַמִּקְדָּשׁ נִנְעֲלוּ שַׁעֲרֵי תְּפִלָּה, שֶׁנֶּאֱמַר: ‘גַּם כִּי אֶזְעַק וַאֲשַׁוֵּעַ שָׂתַם תְּפִלָּתִי’ (איכה ג: ח). וְאַף עַל פִּי שֶׁשַּׁעֲרֵי תְפִילָּה נִנְעֲלוּ, שַׁעֲרֵי דִמְעָה לֹא נִנְעֲלוּ, שֶׁנֶּאֱמַר: ‘שִׁמְעָה תְפִלָּתִי ה׳ וְשַׁוְעָתִי הַאֲזִינָה אֶל דִּמְעָתִי אַל תֶּחֱרַשׁ’ (תהלים לט: יג).” (תלמוד בבלי, ברכות לג: ב).
“Rabbi El’azar enseignait : Depuis le jour de la destruction du Temple [de Jérusalem], les portes de la prière se sont refermées comme il est dit: ‘Même si je crie et demande du secours, ma prière, Il (l’Eternel) a fermé ma prière’ (Lamentations 3:8). Toutefois malgré le fait que les portes de la prière se soient refermées, les portes des larmes ne se sont point refermées comme il est écrit : ‘Ecoute ma prière Eternel et sois attentif à ma demande de secours, ne reste pas sourd à ma larme’. ” (Psaume 39: 13). (Talmud de Babylone, Traité Berakhot 32: b).
[1] Parashat Shela’h Lekha: Nombres 13> 1-15: 41.
Shabbat shalom !
Haïm Ouizemann