L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Shémot, les femmes de la Rédemption!

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

D

Alexey Tyranov, Myriam et Yokheved cachent le berceau de Moïse
Alexey Tyranov, Myriam et Yokheved cachent le berceau de Moïse

e la même manière que le livre de Béreshit (Genèse) s’ouvre sur le drame du fratricide, CaIN tuant son frère HeVeL (Abel), celui  de Shemot (Exode) s’ouvre également sur la souffrance indicible des Hébreux subissant le joug de l’asservissement égyptien et de l’humiliation de l’esclavage (Exode 1: 11-14). C’est en ce monde empli de ténèbres, alors que les Hébreux sont écrasés par le poids d’une aliénation totale, qu’émerge la lumière de la Rédemption: la naissance du futur rédempteur d’Israël: MoShéH! (Moïse)! Si MoShéH annonce l’espoir d’un renouveau, d’une renaissance, est-il à proprement parler à l’origine de la Rédemption d’Israël?

Les véritables salvatrices d’Israël sont avant tout des figures féminines auxquelles MoShéH doit non seulement la Vie mais aussi sans lesquelles il n’aurait jamais pu accomplir sa vocation de libérateur national.

Moïse jouit tout d’abord de la protection de sa mère et non de son père:

ב וַתַּהַר הָאִשָּׁה וַתֵּלֶד בֵּן וַתֵּרֶא אֹתוֹ כִּי-טוֹב הוּא וַתִּצְפְּנֵהוּ שְׁלֹשָׁה יְרָחִים. ג וְלֹא-יָכְלָה עוֹד הַצְּפִינוֹ וַתִּקַּח-לוֹ תֵּבַת גֹּמֶא וַתַּחְמְרָה בַחֵמָר וּבַזָּפֶת וַתָּשֶׂם בָּהּ אֶת-הַיֶּלֶד וַתָּשֶׂם בַּסּוּף עַל-שְׂפַת הַיְאֹר. (שמות ב: ב-ג).ש

2 Cette femme conçut et enfanta un fils. Elle considéra qu’il était beau et le tint caché pendant trois mois. 3 Ne pouvant le cacher plus longtemps, elle lui prépara un berceau de jonc qu’elle enduisit de bitume et de poix, elle y plaça l’enfant et le déposa dans les roseaux sur la rive du fleuve (Exode 2: 2-3)[1]

Ce passage n’est point sans rappeler celui du livre de Josué décrivant le rôle de l’hôtelière portant secours avec bravoure, au péril de sa vie, aux deux espions d’Israël recherchés par les autorités en les cachant chez elle:

ד וַתִּקַּח הָאִשָּׁה אֶת-שְׁנֵי הָאֲנָשִׁים וַתִּצְפְּנוֹ וַתֹּאמֶר כֵּן בָּאוּ אֵלַי הָאֲנָשִׁים וְלֹא יָדַעְתִּי מֵאַיִן הֵמָּה. (יהושע ב: ד).ש

4 Mais la femme avait emmené les deux hommes et les avait cachés. Elle répondit: “Il est vrai, ces hommes sont venus chez moi, mais j’ignorais d’où ils étaient. (Josué 2: 4)

Puis, MoShéH est surveillé par sa sœur MYRIaM et non par son frère AHaRoN absent du narratif biblique:

ד וַתֵּתַצַּב אֲחֹתוֹ מֵרָחֹק לְדֵעָה מַה-יֵּעָשֶׂה לוֹ. (שמות ב: ד).ש

4 Sa sœur se tint à distance pour prendre connaissance de ce qui lui arriverait.  (Exode 2: 4).

Que signifie donc le terme «connaître- לְדֵעָה»? Le prophète YiRMiYaOuH (Jérémie) fait écho à l’intention de  MYRIaM:

טו וְנָתַתִּי לָכֶם רֹעִים כְּלִבִּי וְרָעוּ אֶתְכֶם דֵּעָה וְהַשְׂכֵּיל. (ירמיהו ג: טו).ש

15 Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur, qui vous conduiront avec sagesse et discernement. (Jérémie 3: 15)

Il adviendra que MoShéH, l’élu de l’Eternel deviendra, en tant que tel, le pasteur dévoué de ses propres frères hébreux: Il tendra son bras à son peuple comme la fille de Pharaon le fit pour lui quelques années plus tôt.

A l’acte de MYRIaM empreint de responsabilité, s’ajoute celui de la fille de Pharaon nommée, d’après la tradition, «BiTYaH בִּתְיָה-, la fille du Seigneur», sur l’exemple de l’autre fille de Pharaon qu’a épousé Mered au temps d’Ezra (I Chroniques 4: 18):

ה וַתֵּרֶד בַּת-פַּרְעֹה לִרְחֹץ עַל-הַיְאֹר וְנַעֲרֹתֶיהָ הֹלְכֹת עַל-יַד הַיְאֹר וַתֵּרֶא אֶת-הַתֵּבָה בְּתוֹךְ הַסּוּף וַתִּשְׁלַח אֶת-אֲמָתָהּ וַתִּקָּחֶהָ. ו וַתִּפְתַּח וַתִּרְאֵהוּ אֶת-הַיֶּלֶד וְהִנֵּה-נַעַר בֹּכֶה וַתַּחְמֹל עָלָיו וַתֹּאמֶר מִיַּלְדֵי הָעִבְרִים זֶה. (שמות ב: ה-ו).ש

5 Or, la fille de Pharaon descendit, pour se baigner, vers le fleuve, ses compagnes la suivant sur la rive. Elle aperçut le berceau parmi les roseaux et envoya sa servante qui alla le prendre.  6 Elle l’ouvrit, elle y vit l’enfant: c’était un garçon pleurant et elle éprouva de la miséricorde à son égard et dit: “C’est un enfant des Hébreux.” (Exode 2: 5-6).

Comment la fille de Pharaon réussit-elle à identifier MoShéH comme un Hébreu? Nombreux sont ceux parmi les commentateurs à soutenir la thèse probable du  signe de la circoncision, témoignage de son origine hébraïque. Mais les larmes du nouveau-né pourraient être l’expression de la souffrance de son peuple. MoShéH est une grande âme. Il renferme en son être et son histoire toutes les âmes de ses frères, du peuple d’Israël. Cette thèse semble fort plausible dans la mesure où la source biblique fait mention non point d’un nouveau-né mais littéralement d’«un jeune adolescent- NA’aR (נַעַר)  pleurant…», portant la souffrance de ses propres frères:

כג וַיְהִי בַיָּמִים הָרַבִּים הָהֵם וַיָּמָת מֶלֶךְ מִצְרַיִם וַיֵּאָנְחוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל מִן-הָעֲבֹדָה, וַיִּזְעָקוּ וַתַּעַל שַׁוְעָתָם אֶל-הָאֱלֹהִים מִן-הָעֲבֹדָה. (שמות ב: כג).ש

23 Il arriva, au cours de ces nombreux jours, que le roi d’Égypte mourut. Les enfants d’Israël gémirent du sein de l’esclavage et se lamentèrent; leur plainte monta vers le Seigneur du sein de l’esclavage. (Exode 2: 23)

Par ailleurs, MoShéH a été sauvé in-extremis  lors de sa fuite d’Egypte en direction du pays de Midyan par TsiPoRaH[2], l’une des filles du prêtre YiTRO de Midyan qu’il épousera par la suite, celle-là même qui circoncira leur nouveau-né:

כד וַיְהִי בַדֶּרֶךְ בַּמָּלוֹן וַיִּפְגְּשֵׁהוּ יְהוָה וַיְבַקֵּשׁ הֲמִיתוֹ. כה וַתִּקַּח צִפֹּרָה צֹר וַתִּכְרֹת אֶת-עָרְלַת בְּנָהּ, וַתַּגַּע לְרַגְלָיו וַתֹּאמֶר כִּי חֲתַן-דָּמִים אַתָּה לִי. כו וַיִּרֶף מִמֶּנּוּ אָז אָמְרָה חֲתַן דָּמִים לַמּוּלֹת. (שמות ד: כד-כו).ש

24 Pendant ce voyage, il s’arrêta dans une hôtellerie; le Seigneur l’aborda et voulut le faire mourir. 25 Tsipora saisit un silex, retrancha l’excroissance de son fils et la jeta à ses pieds en disant: “Est-ce donc par le sang que tu es uni à moi?” 26 Et le Seigneur le laissa en repos. Elle dit alors: “Oui, tu m’es uni par le sang, grâce à la circoncision!” (Exode 4: 24-26).

C’est pourquoi Rav Avira commente:

ש«דָּרַשׁ רַב עֲוִירָא: בִּשְׂכַר נָשִׁים צִדְקָנִיּוֹת שֶׁבְּאוֹתוֹ הַדּוֹר נִגְאֲלוּ יִשְׂרָאֵל מִמִּצְרַיִםַ» (סוטה יא: ב).ש

«Rav Avira[3] enseigne: c’est par le mérite des femmes justes qu’en cette même génération furent sauvés les fils d’Israël» (Talmud de Babylone, Traité Sota, 11: b).

Rav Avira, loin de ne citer exclusivement que les femmes d’Israël, rapporte la vertu salvatrice de toutes les femmes justes sans aucune exception.

Quel est le pouvoir de la femme?

יז וַתִּירֶאןָ הַמְיַלְּדֹת אֶת-הָאֱלֹהִים וְלֹא עָשׂוּ כַּאֲשֶׁר דִּבֶּר אֲלֵיהֶן מֶלֶךְ מִצְרָיִם וַתְּחַיֶּיןָ אֶת-הַיְלָדִים. (שמות א: יז).ש

17 Mais les sages-femmes craignaient le Seigneur: elles ne firent point ce que leur avait dit le roi d’Égypte, elles laissèrent vivre [elles ressuscitèrent] les garçons. (Exode 1: 17)

Alors que l’Homme אָדָם est nommé du nom de la terre אֲדָמָה ADaMaH, son épouse HaVaH (חַוָּה) porte, quant à elle, le nom de la Vie: « אֵם כָּל-חָי la matriarche de tous les vivants»:

כ וַיִּקְרָא הָאָדָם שֵׁם אִשְׁתּוֹ חַוָּה כִּי הִוא הָיְתָה אֵם כָּל-חָי. (בראשית ג: כ).ש

20 L’homme donna pour nom à sa compagne “Ève” parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. (Genèse 3: 20)

Quel peut être le dénominateur commun de tous ces grands protagonistes féminins?

Ces femmes armées de leur seul courage, toutes tournées vers la Vie, vers l’avenir et l’éducation ne craignent jamais de s’opposer aux dictatures dirigées par des despotes jouissant du silence coupable du monde. L’exemple de ces femmes est aujourd’hui comme hier d’une actualité brûlante. Comment le Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies à Genève ose-t-il outrager le combat de ces femmes en élisant en 2018, l’Arabie Saoudite qui bafoue systématiquement les droits fondamentaux des femmes à la direction de la Commission des Droits des femmes aux Nations Unies dans le monde?

Le monde ne doit point garder le mutisme devant les atrocités de régimes bafouant quotidiennement les droits de L’Homme. Nadia Murad, yezidie capturée et violée par le groupe terroriste Daesh et le Dr Denis Mukwege, originaire du Congo soignant les femmes détruites par le viol utilisé comme arme de guerre, tous deux prix Nobel de la Paix (2018) mettent l’accent sur la notion de silence et d’indifférence faisant de chacun d’entre nous des complices de meurtre:

«Il est inconcevable que la conscience des dirigeants de 195 pays ne se soit pas mobilisée pour libérer ces filles. S’il s’était agi d’un accord commercial, d’un gisement de pétrole ou d’une cargaison d’armes, gageons qu’aucun effort n’aurait été épargné pour les libérer». (Nadia Murad);

«Agir, c’est refuser l’indifférence.

S’il faut faire la guerre, c’est la guerre contre l’indifférence qui ronge nos sociétés»(Dr Denis Mukwege)

 

La rédemption d’Israël et du monde serait impossible sans la bénédiction de femmes décidées à changer la face de l’Humanité. MoShéH ne serait jamais devenu le plus grand des prophètes d’Israël, s’il n’avait été entouré de femmes  prévenantes. Dès le début de la Genèse, le lecteur reçoit une leçon d’Humanisme:

כז וַיִּבְרָא אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם בְּצַלְמוֹ בְּצֶלֶם אֱלֹהִים בָּרָא אֹתוֹ  זָכָר וּנְקֵבָה בָּרָא אֹתָם.  (בראשית א: כז).ש

27 Le Seigneur créa l’homme à son image; c’est à l’image du Seigneur qu’il le créa. Masculin et féminin Il les créa à la fois. (Genèse 1: 27)

 

[1] Parashat Shémot, Exode 1:1- 6: 1

[2] Selon la tradition hébraïque.

[3]  Rav Avira est un Amora de la troisième génération (de la quatrième génération des Amoraïm du Pays d’Israël). [Un Amora est un Sage qui a vécu entre les 3e et 5e siècles].

L’étude biblique vous passionne. Je vous invite à rejoindre notre Campus biblique: https://www.campusbiblique.com/

Shabbat shalom !

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Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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