L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Tétsavé, l’habit de Lumière

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Dans la parasha précédente, nous avons vu les instructions concernant l’édification du Mishkan (Tabernacle du désert). A présent, dans notre parasha, figurent les instructions concernent la confection de vêtements pour le Cohen Gadol (grand prêtre [serviteur de l’Eternel]) et le Cohen Hédioth (prêtre [serviteur de l’Eternel]).

ב וְעָשִׂיתָ בִגְדֵי-קֹדֶשׁ לְאַהֲרֹן אָחִיךָ לְכָבוֹד וּלְתִפְאָרֶת. ג וְאַתָּה תְּדַבֵּר אֶל-כָּל-חַכְמֵי-לֵב אֲשֶׁר מִלֵּאתִיו רוּחַ חָכְמָה וְעָשׂוּ אֶת-בִּגְדֵי אַהֲרֹן לְקַדְּשׁוֹ לְכַהֲנוֹ-לִי. (שמות כח: ב-ג).ש

2 Tu [Moïse] feras confectionner pour Aaron ton frère des vêtements de sainteté, insignes d’honneur et de majesté. 3 Tu enjoindras donc à tous les sages de cœur, que j’ai emplis d’Esprit de Sagesse, qu’ils exécutent le costume d’Aaron, afin de le consacrer à mon sacerdoce. (Exode 28: 2-3).[1]

Un célèbre dicton français affirme: «l’habit ne fait pas le moine». C’est vrai, dans une certaine mesure. Effectivement, si le moine n’est point digne, ses habits ne lui sont d’aucun secours quand il doit justifier ses actes. Pourtant, la source biblique affirme l’importance de la symbolique de l’habit sacerdotal qui «fait le Cohen (le «serviteur de l’Eternel»)» au point que le Cohen qui ignorerait l’injonction de s’en revêtir encourrait la mort.

מג וְהָיוּ עַל-אַהֲרֹן וְעַל-בָּנָיו בְּבֹאָם אֶל-אֹהֶל מוֹעֵד אוֹ בְגִשְׁתָּם אֶל-הַמִּזְבֵּחַ לְשָׁרֵת בַּקֹּדֶשׁ וְלֹא-יִשְׂאוּ עָוֹן וָמֵתוּ  חֻקַּת עוֹלָם לוֹ וּלְזַרְעוֹ אַחֲרָיו.  (שמות כח: מג).ש

43 Aaron et ses fils porteront ce costume lorsqu’ils entreront dans la Tente d’assignation, ou lorsqu’ils approcheront de l’autel pour le saint ministère, afin de ne pas se trouver en faute et encourir la mort: loi perpétuelle pour lui et pour sa postérité. (Exode 28: 43).

En quelque sorte, la symbolique de l’habit sacerdotal confère au Cohen une fonction de représentation de tout Israël. En revêtant l’habit sacerdotal, le Cohen annihile sa propre personne et «s’habille» de la personnalité de celui qui offre le sacrifice, exactement comme le sacrifice représente le for intérieur de celui qui l’offre.

Le service divin au sein du MiShKaN («Demeure») n’est rendu possible qu’à la condition que le Cohen HaGadol revête huit habits[2]: le pectoral, l’éfod, la robe, la tunique brodée, la ceinture, le caleçon, la tiare et la plaque. Ce sont eux qui confèrent au Cohen l’autorité suprême de rendre le culte divin dans l’enceinte de la Tente du Rendez-vous.

Quelle est donc la symbolique de ces habits?

Avant de répondre à cette question ardue, revenons aux nombreuses références concernant l’habit des prophètes et des rois d’Israël.

Le prophète Elie, lors de sa montée vers les cieux, abandonne son manteau אַדֶּרֶת à son disciple EliSHa qui en hérite. En quoi ce manteau exprime-t-il la transmission de pouvoir?

יג וַיָּרֶם אֶת-אַדֶּרֶת אֵלִיָּהוּ, אֲשֶׁר נָפְלָה מֵעָלָיו וַיָּשָׁב וַיַּעֲמֹד עַל-שְׂפַת הַיַּרְדֵּן. יד וַיִּקַּח אֶת-אַדֶּרֶת אֵלִיָּהוּ אֲשֶׁר-נָפְלָה מֵעָלָיו וַיַּכֶּה אֶת-הַמַּיִם וַיֹּאמַר אַיֵּה יְהוָה אֱלֹהֵי אֵלִיָּהוּ אַף-הוּא וַיַּכֶּה אֶת-הַמַּיִם וַיֵּחָצוּ הֵנָּה וָהֵנָּה וַיַּעֲבֹר אֱלִישָׁע. (מלכים ב, ב: יג-יד).ש

13 Puis il ramassa le manteau qui était tombé des épaules d’Elie, et retourna sur les rives du Jourdain, où il s’arrêta. 14 Il prit le manteau qui était tombé des épaules d’Elie, et en frappa les eaux en s’écriant: “Où est l’Eternel, le Seigneur d’Elie?” et sous ses coups les eaux se séparèrent devant lui également, et il passa (II Rois 2: 13-14).

Ce manteau, « אַדֶּרֶת/ADéReT», dont la racine A. D. R./ א.ד.ר.  signifie  «grandeur»,  met en évidence l’autorité prophétique d’ELIYaHOu (Elie) dont hérite son disciple ELISha (Elisée). Cette notion de transmission n’est point sans rappeler les vêtements du Cohen transmis de père en fils:

כט וּבִגְדֵי הַקֹּדֶשׁ אֲשֶׁר לְאַהֲרֹן יִהְיוּ לְבָנָיו אַחֲרָיו לְמָשְׁחָה בָהֶם וּלְמַלֵּא-בָם אֶת-יָדָם. (שמות כח: כט).ש

29 Les habits de sainteté d’Aaron seront celui de ses fils après lui; c’est sous ce costume qu’on doit les oindre et les investir de leurs fonctions, (Exode 28: 29).

Quant au prophète A’hyiah, il portait un manteau neuf nommé « שַׂלְמָה/SaLMaH» (I Rois 11: 29-31), terme dérivant directement du nom propre SHéLoMoH שְׁלֹמֹה (Salomon). Ce manteau neuf, que le prophète A’hyiah coupe en douze morceaux, symbolise la division du pays après le décès du roi SHéLoMoH, division directement liée à SHéLoMoH, qui termina sa vie dans l’idolâtrie de ses trop nombreuses femmes et concubines. Paradoxalement, le terme שַׂלְמָה (Deutéronome 24: 13; etc.), écrit également sous la forme /שִׂמְלָהSiMLaH, signifie «l’habit, le manteau» que revêt le pauvre (Exode 22: 25-26):

כט וַיְהִי בָּעֵת הַהִיא וְיָרָבְעָם יָצָא מִירוּשָׁלִָם וַיִּמְצָא אֹתוֹ אֲחִיָּה הַשִּׁילֹנִי הַנָּבִיא בַּדֶּרֶךְ וְהוּא מִתְכַּסֶּה בְּשַׂלְמָה חֲדָשָׁה וּשְׁנֵיהֶם לְבַדָּם בַּשָּׂדֶה. ל וַיִּתְפֹּשׂ אֲחִיָּה בַּשַּׂלְמָה הַחֲדָשָׁה אֲשֶׁר עָלָיו וַיִּקְרָעֶהָ שְׁנֵים עָשָׂר קְרָעִים. לא וַיֹּאמֶר לְיָרָבְעָם קַח-לְךָ עֲשָׂרָה קְרָעִים  כִּי כֹה אָמַר יְהוָה אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל הִנְנִי קֹרֵעַ אֶת-הַמַּמְלָכָה מִיַּד שְׁלֹמֹה וְנָתַתִּי לְךָ אֵת עֲשָׂרָה הַשְּׁבָטִים. (מלכים א, י א: כט-לא).ש

29 En ce temps-là, Jéroboam, étant sorti de Jérusalem, fut rencontré sur son chemin par le prophète Ahiyya, de Silo; il était couvert d’un manteau neuf, et tous deux étaient seuls dans la campagne. 30 Ahiyya, saisissant ce manteau neuf, le déchira en douze lambeaux, 31 et dit à Jéroboam: “Prends pour toi dix de ces lambeaux, car ainsi a parlé l’Eternel, Dieu d’Israël: “Je vais arracher le royaume de la main de Salomon et je t’en donnerai dix tribus (I Rois 11: 29-31)

Or, l’injustice caractérisant la fin du règne du roi SHéLoMoH et sa chute se résume en un seul mot: /שַׂלְמָה’SaLMaH’, «manteau» qui rappelle incessamment les fautes et les faiblesses du règne de ce roi qui avait pourtant commencé sous de bons auspices!

L’Histoire des frères rongés par la jalousie envers YoSsePh  (Joseph) a pour origine la transmission du manteau aux longues manches, כְּתֹנֶת פַּסִּים KToNeT PaSsIM par Ya’aKoV [Jacob] à YoSsePh (Genèse 37: 3). Ils comprennent, à tort ou à raison, que la bénédiction du père repose sur leur frère YoSsePh, le fils préféré de Ya’aKoV.

Ce n’est donc plus l’habit qui confère la puissance spirituelle ou politique aux grandes figures bibliques responsables de la direction du peuple d’Israël mais le contraire. En effet, l’habit, loin de posséder un quelconque pouvoir charismatique ou même magique, exprime et reflète la vocation que la figure biblique doit accomplir. Ainsi les Cohanim, les «serviteurs de l’Eternel», se doivent de répondre à l’exigence de leur  propre vocation spirituelle, à savoir intercéder en faveur du pécheur, apporter le pardon et maintenir ouvertes, jour et nuit, les portes de la bénédiction pour  l’ensemble d’Israël:

«וְאָמַר רַבִּי עִינִינִי בַּר שָׂשׂוֹן: לָמָּה נִסְמְכָה פָּרַשַׁת קָרְבָּנוֹת לְפָרַשַׁת בִּגְדֵי כְהֻנָּה לוֹמַר לְךָ מַה קָרְבָּנוֹת מְכַפְּרִין אַף בִּגְדֵי כְהנָּה מְכַפְּרִין» (תלמוד בבלי, זבחים, ח: ב)ש

«Rabbi Inini bar Sasson enseignait: pourquoi la parasha des sacrifices (Lévitique Chapitres 1 à 7) jouxte-t-elle la parasha des habits relatifs au service divin du Cohen (Lévitique 8) ? Cela pour nous enseigner que les habits portés par les Cohanim détiennent le pouvoir de pardon comme les sacrifices eux-mêmes» (Traité Zeva’him 8: b).

Le Cohen HaGadol au sein de son propre peuple, puis Israël parmi les Nations, voué à devenir «מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים, וְגוֹי קָדוֹשׁ un royaume de serviteurs et une nation séparée» (Exode 19: 6) se doivent de restaurer la Lumière perdue du Gan Eden, alors même qu’ADaM, dans sa chute, entraîna avec lui l’Humanité entière:

כא וַיַּעַשׂ יְהוָה אֱלֹהִים לְאָדָם וּלְאִשְׁתּוֹ כָּתְנוֹת עוֹר וַיַּלְבִּשֵׁם.  (בראשית ג: כא).ש

21 L’Éternel-le Seigneur fit pour l’homme et pour sa femme des tuniques de peau, et les en vêtit. (Genèse 3: 21).

Le terme עוֹר, «peau» fait écho à l’adjectif עִוֵּר signifiant «aveugle». Or, la tradition hébraïque précise que cette peau עוֹר dont est revêtu ADaM l’a rendu aveugle עִוֵּר, mettant un écran entre lui et la divinité. Avant la faute, l’homme était constitué de lumière אוֹר. (le א aleph de אוֹר «lumière» est devenu le ע ayin de עוֹר «peau»). Selon le prophète Isaïe, le peuple d’Israël, lors de son retour final en Erets Israël, est appelé à réparer cette brisure en recouvrant ses habits rayonnants de gloire et sa couronne sacerdotale. En effet, la racine de יְכַהֵן פְּאֵר, כ.ה.נ., signifie «rendre un culte», mais aussi «servir, orner»:

ט וְנוֹדַע בַּגּוֹיִם זַרְעָם וְצֶאֱצָאֵיהֶם בְּתוֹךְ הָעַמִּים כָּל-רֹאֵיהֶם יַכִּירוּם כִּי הֵם זֶרַע בֵּרַךְ יְהוָה. י שׂוֹשׂ אָשִׂישׂ בַּיהוָה תָּגֵל נַפְשִׁי בֵּאלֹהַי כִּי הִלְבִּישַׁנִי בִּגְדֵי-יֶשַׁע מְעִיל צְדָקָה יְעָטָנִי כֶּחָתָן יְכַהֵן פְּאֵר וְכַכַּלָּה תַּעְדֶּה כֵלֶיהָ. יא כִּי כָאָרֶץ תּוֹצִיא צִמְחָהּ וּכְגַנָּה זֵרוּעֶיהָ תַצְמִיחַ כֵּן אֲדֹנָי יְהוִה יַצְמִיחַ צְדָקָה וּתְהִלָּה נֶגֶד כָּל-הַגּוֹיִם. (ישעיהו סא: ט-יא). ש

9 Aussi leur postérité [celle d’Israël] sera remarquée parmi les nations et leurs descendants parmi les peuples. Tous ceux qui les verront les reconnaîtront pour une semence que l’Eternel a bénie. 10 Je veux me réjouir pleinement en l’Eternel, que mon âme se délecte en mon Seigneur! Car Il m’a revêtu des habits du salut, enveloppé du manteau de la victoire: tel un fiancé orne sa tête d’un diadème, telle une jeune épouse se pare de ses joyaux. 11 Car de même que le sol développe ses plantes, de même qu’un jardin fait germer les graines qui lui sont confiées, ainsi Dieu, l’Eternel, fera éclore le salut et la gloire à la vue de toutes les nations. (Isaïe 61: 9-11).

[1] Parashat Tétsavé, Exode 27: 20- 30: 10

[2] Le simple cohen ne revêt que quatre habits.

L’étude biblique vous passionne. Je vous invite à rejoindre notre Campus biblique: https://www.campusbiblique.com/

Shabbat shalom !

[email protected]

Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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4 réponses

  1. Toda rabba pour ces supers commentaires Chabat chalom ???? À mardi pour le weebinaire , nous avons hâte.

    Le jeu. 14 févr. 2019 à 22:38, L’hébreu biblique – Le blog de Haïm

  2. L’habit ne fait pas le moine…..mais le moine fait l’habit!
    L’habit n’est qu’une seconde peau qui doit mettre en valeur la peau originelle. Qui peut aider, dans la reconnaissance de ce que l’on est, oui!! L’artifice est parfois utile pour sa symbolique.
    Mais c’est la peau originelle, l’humain en dessous du vêtement, qui donnera une valeur ou pas à l’habit.
    Les plus grands sages hindous, vivent, encore aujourd’hui :nu! Entièrement nu!
    Bon c’est possible dans les régions tempérées, et de plus en plus difficile à notre époque où la nudité n’évoque plus la pureté, mais le désir charnel!

  3. certes l’habit ne fait pas le moine, mais parfois… on constate que l’inconscient reprend la symbolique des couleurs.
    Ainsi en ce moment en France la révolte gronde. Le peuple Français a choisi le “gilet jaune” pour se rendre visible. Le jaune rappelle cette étoile jaune que devaient porter les juifs, il n’y a pas si longtemps. Couleur de la honte, de la soumission, du mépris des castes supérieures à l’égard d’une caste inférieure, utilisable et exterminable à volonté. Aujourd’hui ces “gilets jaunes” ont le plein soutient de 60 % à 65% des Français.. ils représentent la France dans toute sa diversité, méprisée, asservie par une chose qui se veut l’élite (gouvernant, haut patronat, UE) .

    Pour contrer ces “gilets jaunes” sont apparus des “foulards rouges” dont les propos xénophobes, méprisants, rappellent de manière TERRIFIANTE que si la couleur rouge fut originellement choisi par le peuple (socialiste et communiste) cette couleur fut récupérée par l’extrême droite fasciste. . Je rappelle que la définition historique d’un parti d’extrême droite est un parti qui se présente comme de gauche, social mais au service de l’oligarchie, d’où la dictature et la censure qu’il impose au peuple. (le fascisme comme le nazisme sont des partis d’extrême droite)

    Comme quoi l’habit peut être révélateur!!

  4. réponse plus religieuse, ou plutôt question:
    Aujourd’hui le Cohen accepte t’il le principe de mère porteuse? accepte t’il la pectine de poisson dans le yaourt? accepte t’il de consommer un animal abattu casher mais élevé en batterie? accepte t’il les aliments génétiquement modifiés et imbibés de pesticides et engrais chimiques? ….

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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