L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat VaEra, le déclin d’un Empire

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Moïse accompagné de son frère Aaron se rend chez Pharaon[1] afin de lui enjoindre, selon la Parole de l’Eternel, de libérer les Hébreux d’Egypte de leur condition d’esclave. Pharaon refuse catégoriquement :

א וְאַחַר בָּאוּ מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן וַיֹּאמְרוּ אֶל-פַּרְעֹה כֹּה-אָמַר יְהוָה אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל שַׁלַּח אֶת-עַמִּי וְיָחֹגּוּ לִי בַּמִּדְבָּר. ב וַיֹּאמֶר פַּרְעֹה מִי יְהוָה אֲשֶׁר אֶשְׁמַע בְּקֹלוֹ לְשַׁלַּח אֶת-יִשְׂרָאֵל לֹא יָדַעְתִּי אֶת-יְהוָה וְגַם אֶת-יִשְׂרָאֵל לֹא אֲשַׁלֵּחַ. (שמות ה: א-ב)1 Puis, Moïse et Aaron vinrent trouver Pharaon et lui dirent : “Ainsi a parlé l’Éternel, le Seigneur d’Israël : Laisse partir mon peuple, pour qu’il célèbre mon culte dans le désert.” 2 Et Pharaon répondit : “Qui est l’Éternel dont je dois écouter la voix et laisser partir Israël ? Je ne connais point l’Éternel et certes je ne renverrai point Israël.” (Exode 5 : 1-2).

C’est alors que l’Eternel décide de révéler son pouvoir à Pharaon par le biais de dix plaies dont Aaron et Moïse sont les vecteurs. Il nous faut remarquer que les deux premières des sept plaies apparaissant dans la parashat VaEra font référence au fleuve du Nil appelé יְאֹר YeOR en hébreu.

Pourquoi l’Eternel décide-t-il de frapper en premier lieu le Nil ?

Les fléaux frappant le Nil sont une réponse directe au refus de Pharaon de reconnaître l’Eternel, condition nécessaire à la libération totale des Hébreux d’Egypte. En effet, selon la civilisation égyptienne antique, Pharaon prétend avec l’orgueil qui sied à sa personne et à son pouvoir être le créateur du Nil et s’identifie au Nil, au fleuve lui-même :

ג דַּבֵּר וְאָמַרְתָּ כֹּה-אָמַר אֲדֹנָי יְהוִה הִנְנִי עָלֶיךָ פַּרְעֹה מֶלֶךְ-מִצְרַיִם הַתַּנִּים הַגָּדוֹל הָרֹבֵץ בְּתוֹךְ יְאֹרָיו אֲשֶׁר אָמַר לִי יְאֹרִי וַאֲנִי עֲשִׂיתִנִי. (יחזקאל כט: ג)3 Prononce ces paroles : Ainsi parle le Seigneur l’Eternel : Voici, je m’en prends à toi, Pharaon, roi d’Egypte, grand crocodile, couché au milieu de tes fleuves, toi qui dis: “Mon fleuve est à moi, c’est moi qui me le suis fait!” (Ezéchiel 29 : 3).

Un des textes antiques égyptiens, « l’Hymne au Nil » atteste de l’importance portée au dieu du Nil, Hapy :

Maître des poissons [Hapy], qui conduit au sud le gibier des marécages
– il n’est pas d’oiseau qui descende aux temps chauds ;
Qui a fait l’orge et produit le blé,
approvisionnant les temples.
Tarde-t-il que le nez se bouche,
et que chacun est démuni ;
Si l’on réduit les pains d’offrande des dieux, des millions d’hommes sont perdus !
[2]

Autrement dit, toute la puissance économique égyptienne repose sur les crues du Nil qui, se produisant tout particulièrement en été, déposent le lœss fertile pour le fala’h (paysan). Pharaon ne pouvait, alors, qu’en tirer orgueil et fierté ! Mais cet orgueil qui est l’antithèse de l’humilité du Pharaon au temps de Ya’akov le bénissant, révèle clairement l’ingratitude de la puissance pharaonique qui refuse de reconnaître que la Source de toutes bénédictions n’est autre que l’Eternel, comme le clame à maintes reprises Yoseph à la fin du livre de la Genèse. L’Egypte pharaonique est à l’aurore d’un déclin inéluctable en raison de son amnésie envers Joseph, le sauveur de l’empire des dieux et des idoles :

ח וַיָּקָם מֶלֶךְ-חָדָשׁ עַל-מִצְרָיִם אֲשֶׁר לֹא-יָדַע אֶת-יוֹסֵף. (שמות א: ח)8 Et un roi nouveau s’éleva sur l’Égypte, lequel ne reconnaissait pas Joseph. (Exode 1 : 8).

Le fléau de sang s’avère terrible pour les eaux du Nil, les rendant imbuvables, ainsi que de ses affluents et de toute la vie qu’ils renferment :

כ וַיַּעֲשׂוּ-כֵן מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן כַּאֲשֶׁר צִוָּה יְהוָה וַיָּרֶם בַּמַּטֶּה וַיַּךְ אֶת-הַמַּיִם אֲשֶׁר בַּיְאֹר לְעֵינֵי פַרְעֹה וּלְעֵינֵי עֲבָדָיו וַיֵּהָפְכוּ כָּל-הַמַּיִם אֲשֶׁר-בַּיְאֹר לְדָם. כא וְהַדָּגָה אֲשֶׁר-בַּיְאֹר מֵתָה וַיִּבְאַשׁ הַיְאֹר וְלֹא-יָכְלוּ מִצְרַיִם לִשְׁתּוֹת מַיִם מִן-הַיְאֹר וַיְהִי הַדָּם בְּכָל-אֶרֶץ מִצְרָיִם. (שמות ז: כ-כא)20 Et Moïse et Aaron agirent ainsi qu’avait ordonné l’Éternel : il leva la verge, frappa les eaux du fleuve à la vue de Pharaon et de ses serviteurs et toutes les eaux du fleuve se changèrent en sang. 21 Et les poissons du fleuve moururent, le fleuve devint infect et les Égyptiens ne purent boire des eaux du fleuve. Et il y eut le sang dans tout le pays d’Égypte. (Exode 7 : 20-21).

De même, le fléau des grenouilles, dont les cadavres dégagent une odeur pestilentielle, non seulement dans le Nil, ses eaux devenant imbuvables, mais aussi dans les villes d’Egypte, sur les bords du Nil :

א וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה אֱמֹר אֶל-אַהֲרֹן נְטֵה אֶת-יָדְךָ בְּמַטֶּךָ עַל-הַנְּהָרֹת עַל-הַיְאֹרִים וְעַל-הָאֲגַמִּים וְהַעַל אֶת-הַצְפַרְדְּעִים עַל-אֶרֶץ מִצְרָיִם. ב וַיֵּט אַהֲרֹן אֶת-יָדוֹ עַל מֵימֵי מִצְרָיִם וַתַּעַל הַצְּפַרְדֵּעַ וַתְּכַס אֶת-אֶרֶץ מִצְרָיִם… ט וַיַּעַשׂ יְהוָה כִּדְבַר מֹשֶׁה וַיָּמֻתוּ הַצְפַרְדְּעִים מִן-הַבָּתִּים מִן-הַחֲצֵרֹת וּמִן-הַשָּׂדֹת. י וַיִּצְבְּרוּ אֹתָם, חֳמָרִם חֳמָרִם וַתִּבְאַשׁ הָאָרֶץ. (שמות ח: א-ב; ט-י)1 Et l’Éternel dit à Moïse : “Parle ainsi à Aaron : ‘Dirige ta main, avec ton bâton, sur les rivières, sur les fleuves, sur les lacs ; et fais monter les grenouilles sur le pays d’Égypte.’ ” 2 Et Aaron tendit sa main sur les eaux de l’Égypte et les grenouilles montèrent et envahirent le pays d’Égypte… 9 et le Seigneur agit selon la parole de Moïse : les grenouilles des maisons, des fermes et des champs périrent. 10 On les entassa par monceaux ; l’air du pays devint pestilentiel. (Exode 8 : 1-2; 9-10).

L’Egypte pharaonique en quête de grandeur va à sa perte, comme tous les empires et les puissances mondiales fondant leur puissance uniquement sur la recherche effrénée de profit au détriment de l’Homme. Les empires coloniaux européens, comme la France et ses ports négriers, fondent leur économie sur le commerce triangulaire de l’esclavage et de la traite des noirs. Or, ce commerce étant basé sur les seuls principes de profit économique au détriment du respect et de l’honneur de l’être humain, a occasionné l’effondrement de l’empire colonial français. Que reste-t-il aujourd’hui de l’Espagne des conquistadores qui fonda essentiellement sa richesse sur le pillage de l’or des Incas et des Aztèques ? Cet or, en fondant, entraîna la disparition quasi totale des cultures d’Amérique du Sud. Cet or ensanglanté servit, entre autres, à alimenter les guerres menées en Europe. Le crime est double car au génocide physique des mésoaméricains s’ajoute la destruction totale d’une civilisation. Plus près de nous, que dire de pays tel le Qatar qui ont déployé des moyens pharaoniques afin que le Mondial 2022 puisse se dérouler là-bas, au détriment de la mort de milliers d’ouvriers spoliés de leur droit basique d’êtres humains ? Même le mouvement prétendant défendre les droits de l’Homme « Amnesty international », généralement si prompt à accuser faussement Israël d’apartheid et à diaboliser le seul état démocratique au Proche-Orient, tente d’expliquer au monde que le boycott du Qatar serait contreproductif pour l’avenir des étrangers ouvriers au Qatar : « Nous ne boycottons pas la Coupe du monde; au lieu de cela, nous profitons de l’événement pour obtenir une amélioration de la situation des droits humains au Qatar »[3]. Non et non ! Il faut dénoncer cette morale discriminante à l’encontre du petit état d’Israël qui n’a jamais eu pour vocation d’imiter l’Egypte pharaonique. Le premier premier ministre de l’état hébreu David ben Gourion écrit :

«מְדִינַת יִשְׂרָאֵל תִּבָּחֵן לֹא בָּעוֹשֶׁר, לֹא בַּצָּבָא וְלֹא בַּטֶּכְנִיקָה, אֶלָּא בִּדְּמוּתָהּ הַמּוּסָרִית וּבְעֶרְכֶּיהָ הָאֱנוֹשִׁיִים»

« L’état d’Israël sera jugé non point sur sa richesse, son armée et sa technique mais sur son caractère éthique et ses valeurs humanistes ».

La pérennité d’une civilisation dépend essentiellement de l’empathie de ceux qui la constituent envers les plus démunis de la société :

ה  אֹהֵב צְדָקָה וּמִשְׁפָּט חֶסֶד יְהוָה מָלְאָה הָאָרֶץ (תהלים לג: ה)5 Il aime la justice et le bon droit ; la terre est remplie de la bonté de l’Eternel. (Psaume 33 : 5).

[1]  Parashat VaEra : Exode 6 : 2-9 : 35. Haftarat VaEra : Ezéchiel 28 : 25- 29 : 21.

[2] Bernard Mathieu, Études de métrique égyptienne. II. Contraintes métriques et production textuelle dans l’Hymne à la Crue du Nil, RdE 41, 1990, p. 127-141.

[3] QATAR : POURQUOI AMNESTY INTERNATIONAL NE DEMANDE PAS LE BOYCOTT DE LA COUPE DU MONDE AU QATAR?  https://www.amnesty.ch/fr/pays/moyen-orient-afrique-du-nord/qatar/docs/2022/pourquoi-amnesty-international-ne-demande-pas-le-boycott-de-la-coupe-du-monde-au-qatar .

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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