L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat VaEt’hannan, Méditation sur l’identité

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Dans le cadre de la Parashat VaEt’hannan[1], nous méditerons sur la racine verbale ע.ב.ר. / ‘. B. R. signifiant « passer, traverser ».

כה אֶעְבְּרָה-נָּא וְאֶרְאֶה אֶת-הָאָרֶץ הַטּוֹבָה אֲשֶׁר בְּעֵבֶר הַיַּרְדֵּן הָהָר הַטּוֹב הַזֶּה וְהַלְּבָנֹן. (דברים ג: כה).ש

25 Je désire traverser et voir cette belle terre qui est au-delà du Jourdain, cette belle montagne, et le Liban !” (Deutéronome 3 : 25).

Moïse supplie l’Eternel d’entrer en Erets Israël. Pourtant l’Eternel ne lui avait-il donc point interdit l’entrée en terre promise pour avoir à deux reprises frappé le rocher ?

יב וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן יַעַן לֹא-הֶאֱמַנְתֶּם בִּי לְהַקְדִּישֵׁנִי לְעֵינֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לָכֵן לֹא תָבִיאוּ אֶת-הַקָּהָל הַזֶּה אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר-נָתַתִּי לָהֶם. (במדבר כ: יב).ש

12 Mais l’Éternel dit à Moïse et à Aaron : “Puisque vous n’avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d’Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné.” (Nombres 20 : 12).

 La racine verbale ע.ב.ר. /’. B. R. signifiant « passer, traverser » est mentionnée à deux reprises dans le verset de Deutéronome 3 : 25 cité plus haut, ce qui n’est point sans rappeler la traversée historique du Patriarche Avraham :

ג וָאֶקַּח אֶת-אֲבִיכֶם אֶת-אַבְרָהָם מֵעֵבֶר הַנָּהָר וָאוֹלֵךְ אֹתוֹ בְּכָל-אֶרֶץ כְּנָעַן וארב (וָאַרְבֶּה) אֶת-זַרְעוֹ וָאֶתֶּן-לוֹ אֶת-יִצְחָק. (יהושע כד: ג).ש

3 Et Je pris votre père, Abraham, au-delà du Fleuve, le fis voyager par tout le pays de Canaan, lui donnai une nombreuse postérité, et le rendis père d’Isaac. (Josué 24 : 3),

C’est pourquoi il sera appelé « אַבְרָם הָעִבְרִי, Avram le Passant » (Genèse 14 : 13), signification première du mot : « Hébreu ».   

Moïse tente, probablement pour convaincre l’Eternel, de faire appel au mérite d’Avraham l’Hébreu,  אַבְרָם הָעִבְרִי, Avraham le Passant. Si Avraham a, en effet, quitté sa terre natale la Mésopotamie traversé l’Euphrate pour marcher vers Canaan, il a eu aussi la force de transgresser les normes cultuelles païennes de son temps en marchant courageusement à contre-courant des modèles de pensée, alors en vigueur.

Les Sages d’Israël enseignent à son propos :

ש«רַבִּי יְהוּדָה אוֹמֵר כָּל הָעוֹלָם כֻּלּוֹ מֵעֵבֶר אֶחָד וְהוּא מֵעֵבֶר אֶחָד» (בראשית רבה מב: ח).ש

« Rabbi Yehouda enseigne : le monde entier se trouve d’un côté alors que lui (Avraham) se trouve de l’autre. » (Genèse Raba 42 : 8).

Cela signifie que le Patriarche Avraham a osé, à lui-seul, braver le monde en s’affranchissant du monopole cultuel et de l’idéologie des puissants qui prédominaient en sa génération. Avraham est celui qui brise sans peur et avec force les cadres établis par les hommes. Il est à la fois un iconoclaste et un révolutionnaire combattant contre la pensée unique, même si cette dernière s’avère majoritaire.

La racine verbale ע.ב.ר. / ‘. B. R., à la forme factitive du hif’hil, signifie également « ôter, faire disparaître, éloigner » :

ו וַיִּגַּע הַדָּבָר אֶל-מֶלֶךְ נִינְוֵה וַיָּקָם מִכִּסְאוֹ וַיַּעֲבֵר אַדַּרְתּוֹ מֵעָלָיו וַיְכַס שַׂק וַיֵּשֶׁב עַל-הָאֵפֶר. (יונה ג: ו).ש

6 Et le bruit étant parvenu jusqu’au roi de Ninive, il se leva de son trône, jeta bas son manteau, se couvrit d’un cilice et s’assit sur la cendre. (Jonas 3 : 6).

 

ח וְכִשְׁמֹעַ אָסָא הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה וְהַנְּבוּאָה עֹדֵד הַנָּבִיא הִתְחַזַּק וַיַּעֲבֵר הַשִּׁקּוּצִים מִכָּל-אֶרֶץ יְהוּדָה וּבִנְיָמִן וּמִן-הֶעָרִים אֲשֶׁר לָכַד מֵהַר אֶפְרָיִם וַיְחַדֵּשׁ אֶת-מִזְבַּח יְהוָה אֲשֶׁר לִפְנֵי אוּלָם יְהוָה. (דברי הימים ב, טו: ח).ש

8 Et Assa, ayant entendu ces paroles, cette prophétie du prophète Oded, en fut encouragé. Il fit disparaître les impures idoles de tout le pays de Juda et de Benjamin et des villes qu’il avait conquises dans les monts d’Ephraïm, et il restaura l’autel du Seigneur, placé devant le portique de l’Eternel. (II Chroniques 15 : 8).

Quant à Yosseph, le fils de la Matriarche Rachel, contrairement à Moïse, qualifié de « אִישׁ מִצְרִי Egyptien » (Exode 2 : 19), il est fier de son origine hébraïque et ne la dissimule en rien. En effet, il est appelé « אִישׁ עִבְרִי, Hébreu » (Genèse 39 : 14) par la femme de Putiphar. Lui-même n’appelle point Erets Israël « Canaan », mais :

טו כִּי-גֻנֹּב גֻּנַּבְתִּי מֵאֶרֶץ הָעִבְרִים וְגַם-פֹּה לֹא-עָשִׂיתִי מְאוּמָה כִּי-שָׂמוּ אֹתִי בַּבּוֹר. (בראשית מ: טו)ש

15 Car j’ai été enlevé, oui, enlevé du pays des Hébreux ; et ici non plus je n’avais rien fait lorsqu’on m’a jeté dans ce cachot.” (Genèse 40 : 15)

Moïse, élevé en Egypte comme un prince égyptien, ne connaissait rien des traditions de ses ancêtres. Cependant, il avait un amour de leur terre, sans l’avoir jamais vue, car il l’appelle toujours : «אֶרֶץ זָבַת חָלָב וּדְבָשׁ, un pays où coulent le lait et le miel » (Exode 3 : 8 ; 17 ; 13 : 15 ; etc. ). Sa punition la plus terrible sera de ne pouvoir entrer dans le Pays, avec les Hébreux.

La racine verbale ע.ב.ר. / ‘. B. R., à la forme réflexive, signifie « se mettre en colère ». Dans une certaine mesure, Moïse réussit à entamer « la patience divine ». Nous pourrions probablement avancer l’idée selon laquelle Moïse conduit l’Eternel à « un dépassement de Soi » rendu possible par le dialogue dur mais fécondant :

כו וַיִּתְעַבֵּר יְהוָה בִּי לְמַעַנְכֶם וְלֹא שָׁמַע אֵלָי וַיֹּאמֶר יְהוָה אֵלַי רַב-לָךְ אַל-תּוֹסֶף דַּבֵּר אֵלַי עוֹד בַּדָּבָר הַזֶּה. (דברים ג: כו).ש

26 Mais l’Éternel, irrité contre moi à cause de vous, ne m’exauça point ; et l’Éternel me dit : “Assez ! Ne me parle pas davantage à ce sujet. (Deutéronome 3 : 26).

Ainsi, Moïse s’est arrêté dans sa marche vers Erets Israël, vers le Pays des Hébreux, tout comme Tera’h, le père d’Avraham, s’arrêta à ‘Haran :

לא וַיִּקַּח תֶּרַח אֶת-אַבְרָם בְּנוֹ וְאֶת-לוֹט בֶּן-הָרָן בֶּן-בְּנוֹ וְאֵת שָׂרַי כַּלָּתוֹ אֵשֶׁת אַבְרָם בְּנוֹ וַיֵּצְאוּ אִתָּם מֵאוּר כַּשְׂדִּים לָלֶכֶת אַרְצָה כְּנַעַן וַיָּבֹאוּ עַד-חָרָן וַיֵּשְׁבוּ שָׁם. (בראשית יא: לא).

31 Théra’h emmena Abram son fils, Loth fils de Harân son petit-fils, et Saraï sa bru, épouse d’Abram son fils; ils sortirent ensemble d’Our-Kasdim pour se rendre au pays de Canaan, allèrent jusqu’à Harân et s’y fixèrent. (Genèse 11 : 31).

Rappelons que Théodor Herzl, lui-même, le visionnaire du futur Etat hébreu n’entra point en Erets Israël bien qu’il est œuvré en faveur du retour des exilés.

Nul doute que ce fut un déchirement réel pour Moïse, qui aurait tant voulu aller dans les pas du Patriarche Avraham, qui, lui, arriva en terre d’Israël.  Le Midrash dit bien que Moïse pria d’innombrables prières, jusqu’à ce que l’Eternel Lui-même lui dise d’arrêter de prier :

«וּמִנַּיִן שֶׁהִתְפַּלֵּל משֶׁה בְּאוֹתוֹ הַפֶּרֶק חֲמֵשׁ מֵאוֹת וַחֲמִשָּׁה עָשָׂר פְּעָמִים, שֶׁנֶּאֱמַר (דברים ג, כג): “וָאֶתְחַנַּן אֶל ה’ בָּעֵת הַהִוא לֵאמֹר”, “וָאֶתְחַנַּן”, בְּגִימַטְרִיָּא חמש מאות וחמש עשרה» (דברים רבה ט’, ב’).ש

« Et d’où sait-on que Moïse a prié dans ce chapitre cinq cent quinze fois ? Car il est dit : “J’implorai l’Éternel à cette époque, en disant” (Deutéronome 3 : 23). “J’implorai”, en guematria, a une valeur de cinq cent quinze » (Deutéronome Raba, 9 : 2).

Cependant, bon nombre de Juifs renieront par haine de soi leur identité propre. Ils finiront ou bien par s’assimiler ou bien par se suicider pour en définitive disparaître à tout jamais de l’Histoire.  Theodor Lessing est le père de l’expression « Jüdischer Selbsthass », « haine de soi juive ».

Mais, s’agissant de Moïse et de son amour inconditionnel de la Terre des Hébreux, l’Eternel finit par agréer à la moitié de la prière de Moïse. Il ne lui fait point traverser le Jourdain mais voir la Terre Promise, dans les quatre directions, ce qui signifie que cette vision était comme s’il avait vraiment traversé le Jourdain :

כז עֲלֵה רֹאשׁ הַפִּסְגָּה וְשָׂא עֵינֶיךָ יָמָּה וְצָפֹנָה וְתֵימָנָה וּמִזְרָחָה וּרְאֵה בְעֵינֶיךָ  כִּי-לֹא תַעֲבֹר אֶת-הַיַּרְדֵּן הַזֶּה. (דברים ג: כז)ש

27 Monte au sommet, porte ta vue au couchant et au nord, au midi et à l’orient, et regarde de tes yeux ; car tu ne passeras point ce Jourdain. (Deutéronome 3 : 27).

[1] Parashat Vaet’hannan : Deutéronome 3 : 23-7 : 11.

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Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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