Parashat VaEtt’hanann, Méditation sur la souffrance d’Israël

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

Cette parashah[1] commence par l’imploration de Moïse qui n’aspire qu’à entrer en Erets Israël, en vain. Puis après avoir évoqué le Don de la Tora au mont Sinaï, Moïse rappelle la période durant laquelle ses frères hébreux furent esclaves en Egypte :

L’expression ” כּוּר הַבַּרְזֶל / KOuR HaBaRZeL/ le creuset de fer” réapparaît dans le livre des Rois (I Rois 8: 51) dans la bouche du roi Salomon qui évoque les souffrances de la servitude endurée par les fils d’Israël durant leur histoire. 

Quelle est donc la particularité de cette expression “creuset de fer” reprise par Salomon ?

Le creuset de fer détient la double propriété de purifier le métal qui y est introduit en en extrayant toutes les scories impures et de permettre aussi l’alliance des diverses parties métalliques qui, par un long processus de fonte, n’en sortent que plus renforcées.

L’Egypte symbolisée par l’expression “creuset de fer” s’avère être l’instrument du Divin dans le but de mettre l’ensemble des Hébreux à l’épreuve, de les purifier et les unir avec force en vue du Don de la Tora. La condition du Don de la Tora réside dans l’unité des membres d’Israël (cf. Rashi sur ” וַיִּחַן-שָׁם יִשְׂרָאֵלIsraël y campa” (Exode 19 : 2): “Comme un seul homme, d’un seul cœur כְּאִישׁ אֶחָד בְּלֵב אֶחָד”) ainsi que dans les épreuves futures que devra surmonter Israël en tant que peuple et nation sur sa terre retrouvée. Il ne fait aucun doute que le mouvement terroriste du ‘Hamas a consciemment perpétré ses crimes au jour du 7 octobre 2023, jour de Shabbat et de Sim’hat Torah (Joie de la Torah, dernier jour de la fête de Souccot, des Tentes) dans le but d’attenter à l’existence même d’Israël en raison, entre autres, de graves et profondes divisions intérieures qui étaient alors apparues en Israël. La journée du 7 octobre, jour de Sim’hat Tora se singularisant par son caractère unificateur, restera dans toutes les mémoires comme le jour le plus noir de l’Histoire d’Israël depuis la Shoah.  

Contrairement à la volonté de Joseph émise de son vivant, à savoir que tous les membres de la famille d’Israël restent unis, les Hébreux finissent par abandonner la province de Goshen après sa mort pour se disperser dans toute l’Egypte (Exode 1: 7).

C’est paradoxalement l’expérience de la souffrance en Egypte qui conduit les Hébreux à se souvenir de leur identité, de l’Alliance qui les unit au Divin.

La racine verbale Ts.R.Ph. /צ.ר.פ.  (Psaume 66: 10) a le double sens de “purifier” et de “joindre, unir à”. Cette racine toutefois est associée à l’argent alors que le terme “creuset” est quant à lui associée au métal le plus précieux, l’or:

Or, Israël est appelé par l’Eternel ” עַם סְגֻלָּהAm SeGOuLaH, le peuple -Trésor” (Deutéronome 7: 6)  cf. Rashi sur Exode 19: 5, אוֹצָר חָבִיב, “trésor bien-aimé”) aimé et protégé par le Maître de l’univers!

La souffrance purificatrice conduit les Hébreux à s’unir, à adhérer au Divin.

Purifiés et renforcés, les Hébreux et leurs descendants sont, alors, préparés à affronter les pires épreuves de l’Histoire humaine. La nuit de l’exil, les eaux néfastes débordantes de haine, le feu des fours des camps d’extermination n’auront pas de prise sur le souffle et l’âme du peuple juif qui non seulement a survécu aux drames qui auraient pu l’engloutir dans les abimes de l’Histoire mais a réussi l’impossible… construire un état juif et démocratique appelé à être un modèle de lumière pour toutes les nations du monde.     

Les Sages d’Israël commentent ce verset:

“אָמַר רַבִּי יוֹנָתָן הַיּוֹצֵר הַזֶּה אֵינוֹ בּוֹדֵק קַנְקַנִּים מְרוֹעָעִים, שֶׁאֵינוֹ מַסְפִּיק לָקוּשׁ עֲלֵיהֶם אַחַת עַד שֶׁהוּא שׁוֹבְרָם, וּמִי הוּא בּוֹדֵק בְּקַנְקַנִּים יָפִים, אֲפִלּוּ מֵקִישׁ עֲלֵיהֶם כַּמָּה פְעָמִים אֵינָם נִשְׁבָּרִים, כָּךְ אֵין הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא מְנַסֶּה אֶת הָרְשָׁעִים אֶלָּא אֶת הַצַּדִּיקִים…” (בראשית רבה לב: ג)

“Rabbi Yonathan enseigne: “Le potier n’examine pas les pots fragiles. Il aurait à peine frappé une fois sur ceux-ci qu’il les aurait brisés. Et ce, contrairement aux pots solides (littéralement “jolis”). L’Eternel les frappe à maintes reprises sans qu’ils se brisent. Ainsi le Saint Beni soit-Il n’éprouve point les méchants mais les justes!” (Bereshit Rabba 32: 3).

Le Rav Adin Steinzaltz (Zal) à propos de ce même verset explique:

“…מֵביא אוֺתוֺ בְּנִיסָּיוֺן כְּדֵי לְהוֺצִיא לָאוֺר אֶת צִדְקוֺ…”

” …L’Eternel l’éprouve [le juste] afin de publier [littéralement: mettre en lumière] sa justice…”.

Autrement dit, Moïse s’inquִiétant pour les générations futures qui lui succéderont aspire à leur enseigner que la victimisation à l’extrême ne peut en aucun cas être une solution aux épreuves du temps. Au contraire, Israël doit considérer ces temps difficiles de souffrance comme le signe d’un temps meilleur d’enfantement où la lumière de Sa justice poindra pour toute l’Humanité :

[1]  Parashat Vaet’hanan: Deutéronome 3: 23-7: 11.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann