L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat VaYéhi,  le Testament de Joseph

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Le Grand Rabbin Josy Eisenberg (ZaL)
Le Grand Rabbin Josy Eisenberg (ZaL)

Le Grand Rabbin Josy Eisenberg (ז”ל) n’est plus. Il s’est éteint à Hanoukka mais il continuera de briller par la lumière de la Torah qu’il sut si bien transmettre avec tant de brio et d’érudition dans son inoubliable émission «La Source de Vie» aux Juifs comme aux non-Juifs.

Cet article est dédié à sa mémoire.

יג וַיֹּאמֶר לְאַבְרָם יָדֹעַ תֵּדַע כִּי-גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם וַעֲבָדוּם וְעִנּוּ אֹתָם אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה. (בראשית טו: יג).ש

13 Le Seigneur dit à Abram: “Sache-le bien, ta postérité séjournera sur une terre étrangère, où elle sera asservie et opprimée, durant quatre cents ans. (Genèse 15: 13)

Comment comprendre ce difficile verset?

Faut-il y voir la description d’un fait historique objectif prévu par l’Eternel ou une volonté de l’Eternel promettant aux enfants d’Israël de ne séjourner que temporairement en Egypte? En effet, le terme mentionné exprimant l’installation temporaire des Hébreux en Egypte est « גֵר/Guer/ Etranger» tiré du verbe «לָגוּר /LaGouR/habiter»:

ד וַיֹּאמְרוּ אֶל-פַּרְעֹה לָגוּר בָּאָרֶץ בָּאנוּ כִּי-אֵין מִרְעֶה לַצֹּאן אֲשֶׁר לַעֲבָדֶיךָ כִּי-כָבֵד הָרָעָב בְּאֶרֶץ כְּנָעַן וְעַתָּה יֵשְׁבוּ-נָא עֲבָדֶיךָ בְּאֶרֶץ גֹּשֶׁן. (בראשית מז: ד).ש

4 Et ils dirent à Pharaon: “Nous sommes venus demeurer [temporairement] dans ce pays, parce que le pâturage manque aux troupeaux de tes serviteurs, la famine étant grande dans le pays de Canaan. Donc, permets à tes serviteurs d’habiter dans la province de Goshen.” (Genèse 47: 4).

Ainsi, les Hébreux, sur le modèle du Patriarche Avraham descendu temporairement en Egypte pour y chercher de quoi sustenter sa famille (Genèse 12: 10), semblent avoir l’intention de remonter très rapidement en Canaan.

Or, ce même verset s’achève par le verbe Y. Sh.V. /י.ש.ב.  signifiant «s’installer définitivement». Les Hébreux se proposent donc de construire leur foyer, l’éducation de leurs enfants en Egypte, plus particulièrement dans la riche et abondante province de Goshen:

ד  וְעַתָּה יֵשְׁבוּ-נָא עֲבָדֶיךָ בְּאֶרֶץ גֹּשֶׁן. (בראשית מז: ד).שש

Désormais, qu’il soit permis à tes serviteurs d’habiter [perpétuellement] dans la province de Goshen.” (Genèse 47: 4)

Est-ce à dire que les Hébreux reproduisent l’attitude de Lot comparant l’Egypte au «Jardin de l’Eternel» (Genèse 13: 10), à savoir le GaN EDeN? Or, l’intention divine était bien de faire venir les Hébreux en Egypte temporairement:

יג וַיֹּאמֶר לְאַבְרָם יָדֹעַ תֵּדַע כִּי-גֵר יִהְיֶה זַרְעֲךָ בְּאֶרֶץ לֹא לָהֶם וַעֲבָדוּם, וְעִנּוּ אֹתָם אַרְבַּע מֵאוֹת שָׁנָה. (בראשית טו: יג).ש

13 Dieu dit à Abram: “Sache-le bien, ta postérité séjournera [temporairement] sur une terre qui n’est point la leur, où elle sera asservie et opprimée, durant quatre cents ans. (Genèse 15: 13).

Pourtant, Joseph (Yoseph) lui-même, à la fin de sa vie, s’est résigné à s’installer en Egypte:

כב וַיֵּשֶׁב יוֹסֵף בְּמִצְרַיִם הוּא וּבֵית אָבִיו וַיְחִי יוֹסֵף מֵאָה וָעֶשֶׂר שָׁנִים. (בראשית נ: כב). ש

22 Joseph demeura en Égypte, lui et la famille de son père et il vécut cent dix ans (Genèse 50: 22)

Cependant, toute sa vie, il a eu la nostalgie du pays de Canaan qu’il appelle fort justement «le pays des Hébreux»:

טו כִּי-גֻנֹּב גֻּנַּבְתִּי מֵאֶרֶץ הָעִבְרִים. (בראשית מא: טו).ש

15 Car j’ai été enlevé, oui, enlevé du pays des Hébreux  (Genèse 41: 15).

De plus, il vit depuis déjà plusieurs années en Egypte, dans l’abondance et la richesse, quand il l’appelle «le pays de ma misère», pendant les sept années d’abondance en Egypte où il a le statut de vice-roi d’Egypte:

נב וְאֵת שֵׁם הַשֵּׁנִי קָרָא אֶפְרָיִם כִּי-הִפְרַנִי אֱלֹהִים בְּאֶרֶץ עָנְיִי. (בראשית מא: נב).ש

52 Au second [de ses fils], il donna le nom d’Éphraïm: “Car Dieu m’a fait fructifier dans le pays de ma misère.” (Genese 41: 52).

Enfin, malgré son installation qui semble définitive, Joseph attend toujours un signe de la part de l’Eternel, signe qui lui permettra, à lui et à toute la famille de son père, les Hébreux, de revenir dans «le pays des Hébreux»:

כד וַיֹּאמֶר יוֹסֵף אֶל-אֶחָיו, אָנֹכִי מֵת וֵאלֹהִים פָּקֹד יִפְקֹד אֶתְכֶם, וְהֶעֱלָה אֶתְכֶם מִן-הָאָרֶץ הַזֹּאת אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע לְאַבְרָהָם לְיִצְחָק וּלְיַעֲקֹב. כה וַיַּשְׁבַּע יוֹסֵף אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר פָּקֹד יִפְקֹד אֱלֹהִים אֶתְכֶם וְהַעֲלִתֶם אֶת-עַצְמֹתַי מִזֶּה. (בראשית נ: כד-כה).ש

24 Joseph dit à ses frères: “Je vais mourir. Sachez que le Seigneur vous visitera et vous ramènera de ce pays dans celui qu’il a promis par serment à Abraham, à Isaac et à Jacob.” 25 Et Joseph adjura les enfants d’Israël en disant: “Oui, le Seigneur vous visitera et alors vous emporterez mes ossements de ce pays.” (Genèse 50: 24-25).[1]

Or, le verset concluant la Parasha précédente est fort éloquent et ne laisse point douter de l’intention des Hébreux de se développer et de s’épanouir en Egypte:

כז וַיֵּשֶׁב יִשְׂרָאֵל בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם בְּאֶרֶץ גֹּשֶׁן וַיֵּאָחֲזוּ בָהּ וַיִּפְרוּ וַיִּרְבּוּ מְאֹד. (בראשית מז: כז).  ש

27 Israël s’établit donc dans le pays d’Égypte, dans la province de Goshen; ils en demeurèrent possesseurs, y crûrent et y multiplièrent prodigieusement. (Genèse 47: 27)

En général, l’expression וַיֵּאָחֲזוּ בָהּ est traduite par une idée de possession de la terre. C’est ainsi que traduisent la Bible du Rabbinat citée ci-dessus, celle de Louis Second («Ils eurent des possessions») ainsi que celle d’André Chouraqui («ils se l’approprient»). Or, la forme passive nif’al de la racine א.ח.ז. permet à certains commentateurs de traduire: «ils [les Hébreux] furent possédés» par la terre d’Egypte![2]

Plus tard, leurs descendants suivront le même chemin. Ainsi, Naomi et son mari Elimelekh fuient la famine qui sévit à Bethleem pour s’installer en Moav. Or, après la mort d’Elimelekh, ses deux fils épousent des Moabites et s’installent définitivement en Moav où ils mourront sans enfants. Seulement alors, Naomi retourne à Bethléem.

א וַיְהִי בִּימֵי שְׁפֹט הַשֹּׁפְטִים וַיְהִי רָעָב בָּאָרֶץ וַיֵּלֶךְ אִישׁ מִבֵּית לֶחֶם יְהוּדָה לָגוּר בִּשְׂדֵי מוֹאָב–הוּא וְאִשְׁתּוֹ וּשְׁנֵי בָנָיו. ב וְשֵׁם הָאִישׁ אֱלִימֶלֶךְ וְשֵׁם אִשְׁתּוֹ נָעֳמִי וְשֵׁם שְׁנֵי-בָנָיו מַחְלוֹן וְכִלְיוֹן אֶפְרָתִים מִבֵּית לֶחֶם יְהוּדָה וַיָּבֹאוּ שְׂדֵי-מוֹאָב וַיִּהְיוּ-שָׁם. ג וַיָּמָת אֱלִימֶלֶךְ אִישׁ נָעֳמִי וַתִּשָּׁאֵר הִיא וּשְׁנֵי בָנֶיהָ. ד וַיִּשְׂאוּ לָהֶם נָשִׁים מֹאֲבִיּוֹת שֵׁם הָאַחַת עָרְפָּה וְשֵׁם הַשֵּׁנִית רוּת וַיֵּשְׁבוּ שָׁם כְּעֶשֶׂר שָׁנִים. (רות א: א-ד).ש

1 A l’époque où gouvernaient les Juges, il y eut une famine dans le pays; un homme quitta alors Bethléem en Juda pour aller séjourner dans les plaines de Moab, lui, sa femme et ses deux fils. 2 Le nom de cet homme était Elimelekh, celui de sa femme Noémi; ses deux fils s’appelaient Mahlon et Kilion; c’étaient des Ephratites de Bethléem en Juda. Arrivés sur le territoire de Moab, ils s’y fixèrent. 3 Elimelekh, l’époux de Noémi, y mourut, et elle resta seule avec ses deux fils. 4 Ceux-ci épousèrent des femmes moabites, dont l’une s’appelait Orpa et l’autre Ruth; et ils demeurèrent là-bas une dizaine d’années. (Ruth 1: 1-4).

Ainsi, craignant de ne jamais remonter en Canaan et de voir sa descendance s’installer durablement en Egypte, Jacob (Yaakov) prie instamment ses enfants de l’enterrer dans la grotte de la Makhpéla à Hébron, le tombeau de ses pères:

כט וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל, לָמוּת וַיִּקְרָא לִבְנוֹ לְיוֹסֵף וַיֹּאמֶר לוֹ אִם-נָא מָצָאתִי חֵן בְּעֵינֶיךָ שִׂים-נָא יָדְךָ תַּחַת יְרֵכִי וְעָשִׂיתָ עִמָּדִי חֶסֶד וֶאֱמֶת אַל-נָא תִקְבְּרֵנִי בְּמִצְרָיִם. ל  וְשָׁכַבְתִּי עִם-אֲבֹתַי וּנְשָׂאתַנִי מִמִּצְרַיִם וּקְבַרְתַּנִי בִּקְבֻרָתָם וַיֹּאמַר אָנֹכִי אֶעֱשֶׂה כִדְבָרֶךָ. לא  וַיֹּאמֶר הִשָּׁבְעָה לִי וַיִּשָּׁבַע לוֹ וַיִּשְׁתַּחוּ יִשְׂרָאֵל עַל-רֹאשׁ הַמִּטָּה. (בראשית מז: כט-לא).ש

29 Les jours d’Israël approchant de leur terme, il manda son fils Joseph et lui dit: “Si tu as quelque affection pour moi, mets, je te prie, ta main sous ma hanche pour attester que tu agiras envers moi avec bonté et fidélité, en ne m’ensevelissant point en Egypte. 30 Quand je dormirai avec mes pères, tu me transporteras hors de l’Égypte et tu m’enseveliras dans leur sépulcre.” Il répondit: “Je ferai selon ta parole.” 31 Il reprit: “Jure-le-moi” et il le lui jura; et Israël s’inclina sur le chevet du lit. (Genèse 47: 29-31).

De la même manière, Joseph demande à ses frères de faire monter ses ossements au moment où ils recevront le signe de remonter au pays de Canaan.

כה וַיַּשְׁבַּע יוֹסֵף אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר  פָּקֹד יִפְקֹד אֱלֹהִים אֶתְכֶם וְהַעֲלִתֶם אֶת-עַצְמֹתַי מִזֶּה. (בראשית נ: כה).ש

25 Et Joseph adjura les enfants d’Israël en disant: “Oui, le Seigneur vous visitera et alors vous ferez monter mes ossements de ce pays.” (Genèse 50: 25).

Le Rabbin Josy Eisenberg conclut  son livre «Un Messie nommé Joseph» [3]  co-écrit avec le Professeur Benno Gross (ז”ל): «Cette civilisation [l’Egypte] est invivable, elle est un échec. Et, par conséquent, il faut en retirer les ossements, c’est-à-dire même l’essence[4] de ce que les Hébreux ont mis dans la civilisation où ils sont allés, parce que ces hommes, s’ils échouent, en font  des idoles».

Le Grand Rabbin Josy (Yossef) Eisenberg, fidèle à son écriture, lui aussi, demandera à être inhumé en Israël, à Jérusalem.

Il est à remarquer que, sur les douze tribus issues de Jacob, dix se sont perdues en exil et ne sont jamais revenues en Canaan, au pays des Hébreux, devenu depuis Israël, dix, dont les deux tribus issues de Joseph: Ephraïm et Menashé. Les deux seules tribus ayant survécu aux exils sont Juda et Benjamin, Benjamin étant comprise dans Juda. Ainsi que l’affirme le verset:

י לֹא-יָסוּר שֵׁבֶט מִיהוּדָה וּמְחֹקֵק מִבֵּין רַגְלָיו עַד כִּי-יָבֹא שִׁילֹה וְלוֹ יִקְּהַת עַמִּים. (בראשית מט: י).ש

10 Le sceptre n’échappera point à Juda, ni l’autorité à sa descendance, jusqu’à l’avènement du Pacifique auquel obéiront les peuples. (Genèse 49: 10)

[1] Parashat VaYéhi, Genèse 47: 28- 50: 26

[2] Rav Elie Munk, «Kol HaTorah» («La voix de la Thora» p. 481.

[3] «A Bible Ouverte V». Présences du Judaïsme, Paris, Editions Albin Michel, 1983. p. 416.

[4] Le terme «ossement» renvoie à la racine  ‘. Ts. M. (ע.צ.ם.) signifiant également  «essence [des choses]».

 

Au plaisir de vous retrouver,

Shabbat shalom!

[email protected]

Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

Hommage au Grand Rabbin Josy Eisenberg

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3 réponses

  1. Merci du fond du coeur Cher Haim, car à l’instar de Josy Eisenberg vous permettez que nous cheminions pas à pas sur les sentiers de la connaissance ouverts à l’Homme, celui ci créé à Sa ressemblance.
    Soyez béni de Celui qui est Bénédiction. Shabbat chalom. Véronique

  2. Merci pour ce bel hommage, un Rabbin que j’aurai aimé rencontrer.
    Une lumière qui ne s’éteindra pas.
    Mes pensées les plus chaleureuses à sa famille et tous ceux qui l’ont connu.

  3. J’aime beaucoup cet Icône du judaïsme et c’est toujours avec un immense plaisir que j’écoutais ses émissions. c’est la deuxième fois que je regarde cette émission faite en sa mémoire !
    Que le Seigneur Lui-même console les cœurs, et y mette du baume, de sa famille et de tous ceux pour qui il a compté.

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Quelques mots sur moi

J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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