L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat VaYelekh, le Rouleau du Témoignage

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

"Le mémorial de la bibliothèque" conçu par l'artiste israélienne Micha Ulmann symbolise l’autodafé du 10 mai 1933
“Le mémorial de la bibliothèque” conçu par l’artiste israélienne Micha Ulmann symbolise l’autodafé du 10 mai 1933

10 mai 1933. Berlin. Opernplatz (Place de l’Opéra). Les flammes n’en finissent pas de déchirer la nuit que traverse le peuple d’Israël. L’Allemagne se rend coupable de l’un des autodafés les plus significatifs de l’Histoire du XXe siècle. La foule, conduite par le sinistre ministre de la propagande Goebbels, livre au bûcher des milliers d’œuvres littéraires rédigées par des intellectuels juifs, marxistes et pacifistes. Plus rien ne semble arrêter la machine nazie qui, comme rendue ivre par ses succès d’aryanisation, vise à faire disparaître toute trace de présence juive en Allemagne et en Europe. La «Nuit de Cristal» (Novembre 1938) et la «solution finale», initiée lors de la Conférence de Wannsee (20 janvier 1942), constituent l’aboutissement tragique de l’autodafé du 10 mai 1933. Dès 1823, Heinrich Heine, considéré comme le plus grand poète allemand du XIXe siècle, annonce, dans une vision quasiment prophétique:

«Ce n’était qu’un prélude. Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes».[1]

Quelle est donc la puissance du livre? En quoi l’Ecriture constitue-t-elle une menace au point d’être la proie des flammes?

La Tora apporte une réponse:

כו לָקֹחַ אֵת סֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה וְשַׂמְתֶּם אֹתוֹ מִצַּד אֲרוֹן בְּרִית-יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם וְהָיָה-שָׁם בְּךָ לְעֵד. (דברים לא: כו).ש

26 “Tu dois prendre ce rouleau de la Tora et déposez-le à côté de l’Arche d’alliance de l’Éternel, votre Dieu; il y restera comme un témoin contre toi. (Deutéronome 31: 26).[2]

L’Eternel ordonne de placer le rouleau de la Tora à l’intérieur de l’Arche d’Alliance à côté des Tables de l’Alliance données au mont Sinaï [3]. Ce rouleau de la Tora est l’œuvre écrite par Moïse en personne (Deutéronome 31: 24), dans le dessein de témoigner de l’Alliance éternelle conclue entre l’Eternel et Israël (Cf. également Deutéronome 31: 19; 21). En effet, c’est la Parole de l’Eternel qui est témoin de l’observance par les fils d’Israël de cette Alliance toujours renouvelée.

Or, le roi de Juda יֹאשִׁיָּהוּ ,Josias ( – 640/ -609 ) découvre un Rouleau de la Tora[4] dans le Temple de Jérusalem:

ח וַיֹּאמֶר חִלְקִיָּהוּ הַכֹּהֵן הַגָּדוֹל עַל-שָׁפָן הַסֹּפֵר סֵפֶר הַתּוֹרָה מָצָאתִי בְּבֵית יְהוָה וַיִּתֵּן חִלְקִיָּה אֶת-הַסֵּפֶר אֶל-שָׁפָן וַיִּקְרָאֵהוּ. (מלכים ב, כב: ח).ש

8 A cette occasion, Hilkiyyahou, le grand-prêtre, dit à Chafan, le secrétaire: “Le livre de la Tora a été trouvé par moi dans le temple du Seigneur et il le remit à Chafan, qui le lut. (II Rois 22: 8).

Ce rouleau, renfermant l’intégralité du texte du Deutéronome, fut, selon toute  vraisemblance, soigneusement caché par les Cohanim (prêtres) car les rois Menashé et Amon, respectivement grand-père et père de Josias, rendant un culte aux dieux étrangers, risquaient de souiller le Témoignage divin (Parole de l’Eternel).  Josias, désireux d’appliquer rigoureusement sa réforme religieuse visant à extraire toute trace de syncrétisme et toute forme de paganisme dans le culte monothéiste (II Rois 23: 4-28)[5], convoque, conformément à l’ordonnance divine (Deutéronome 31: 12)[6], l’ensemble du peuple d’Israël afin de renouveler l’Alliance et commémorer la fête de Pessah, le temps de la libération et de la Liberté[7]:

א וַיִּשְׁלַח הַמֶּלֶךְ וַיַּאַסְפוּ אֵלָיו כָּל-זִקְנֵי יְהוּדָה וִירוּשָׁלִָם. ב וַיַּעַל הַמֶּלֶךְ בֵּית-יְהוָה וְכָל-אִישׁ יְהוּדָה וְכָל-יֹשְׁבֵי יְרוּשָׁלִַם אִתּוֹ וְהַכֹּהֲנִים וְהַנְּבִיאִים וְכָל-הָעָם לְמִקָּטֹן וְעַד-גָּדוֹל וַיִּקְרָא בְאָזְנֵיהֶם אֶת-כָּל-דִּבְרֵי סֵפֶר הַבְּרִית הַנִּמְצָא בְּבֵית יְהוָה. ג וַיַּעֲמֹד הַמֶּלֶךְ עַל-הָעַמּוּד וַיִּכְרֹת אֶת-הַבְּרִית לִפְנֵי יְהוָה לָלֶכֶת אַחַר יְהוָה וְלִשְׁמֹר מִצְוֺתָיו וְאֶת-עֵדְוֺתָיו וְאֶת-חֻקֹּתָיו בְּכָל-לֵב וּבְכָל-נֶפֶשׁ לְהָקִים אֶת-דִּבְרֵי הַבְּרִית הַזֹּאת הַכְּתֻבִים עַל-הַסֵּפֶר הַזֶּה וַיַּעֲמֹד כָּל-הָעָם בַּבְּרִית. (מלכים ב, כג: א-ג).ש

1 Sur l’ordre du roi, l’on convoqua auprès de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem. 2 Le roi monta au temple du Seigneur, accompagné de tous les Judéens et de tous les habitants de Jérusalem, prêtres, prophètes et tout le peuple, petits et grands, et il leur donna lecture de toutes les paroles du rouleau de l’Alliance, trouvé dans le temple du Seigneur. 3 Le roi se plaça sur l’estrade, et s’engagea par une Alliance, devant l’Eternel, à marcher dans ses voies, à observer ses commandements, ses lois et ses statuts, de tout cœur et de toute âme, afin d’accomplir les paroles de cette Alliance, inscrites dans ce rouleau. Tout le peuple adhéra à l’Alliance. (II Rois 23: 1-3).

Si les hommes passent et trépassent, la Parole écrite, témoignage vivant de l’engagement mutuel de l’Eternel envers Israël et d’Israël envers son Libérateur, dépasse toute limite de temps et d’espace et est gage d’éternité:

ח לֹא-יָמוּשׁ סֵפֶר הַתּוֹרָה הַזֶּה מִפִּיךָ וְהָגִיתָ בּוֹ יוֹמָם וָלַיְלָה לְמַעַן תִּשְׁמֹר לַעֲשׂוֹת כְּכָל-הַכָּתוּב בּוֹ כִּי-אָז תַּצְלִיחַ אֶת-דְּרָכֶךָ וְאָז תַּשְׂכִּיל. (יהושע א: ח).ש

8 Ce rouleau de la Tora ne doit pas quitter ta bouche, tu le méditeras jour et nuit afin d’en observer avec soin tout le contenu; car alors seulement tu prospéreras dans tes voies, alors seulement tu réussiras. (Josué 1: 8).

Or, «Eternité» et «Victoire» sont traduits par le même terme en hébreu (NeTsa’H/נֶצַח).  Ce n’est que par l’observance de la Tora, témoin  de la fidélité des Hébreux à l’Alliance éternelle, que le peuple d’Israël «réussira dans ses voies» pour enfin pleinement comprendre la Tora et l’inscrire sur son cœur. Ainsi, Israël n’a aucun mal à vaincre les plus grandes puissances militaires qui tentent de faire disparaître son nom et celui de l’Eternel de l’Histoire des hommes:

ו וַיִּדְבַּק בַּיהוָה לֹא-סָר מֵאַחֲרָיו וַיִּשְׁמֹר מִצְוֹתָיו אֲשֶׁר-צִוָּה יְהוָה אֶת-מֹשֶׁה. ז וְהָיָה יְהוָה עִמּוֹ בְּכֹל אֲשֶׁר-יֵצֵא יַשְׂכִּיל וַיִּמְרֹד בְּמֶלֶךְ-אַשּׁוּר וְלֹא עֲבָדוֹ. (מלכים ב, יח: ו-ז).ש

6 Il [Josias] resta attaché à l’Eternel, sans se détourner de lui, observant ses commandements, que l’Eternel avait prescrits à Moïse. 7 Aussi l’Eternel fut-il avec lui; tout ce qu’il entreprenait réussissait il se révolta contre le roi d’Assyrie et ne lui fut plus assujetti. (II Rois 18: 6-7).

 

[1] Das war ein Vorspiel nur, dort wo man Bücher
Verbrennt, verbrennt man auch am Ende Menschen.

Almansor, Heinrich Heine (éd. Düsseldorfer Heine-Ausgabe), 1823, p. 16, vers 243

[2] Parashat VaYelekh, Deutéronome 31: 1-30

[3] https://www.temple.org.il/single-post/2017/04/25/%D7%A1%D7%A4%D7%A8-%D7%94%D7%A2%D7%96%D7%A8%D7%94

[4]  Ce rouleau de la Tora est appelé «Sefer Azara» (Traité Baba Batra 14, b)

[5]  II Chroniques 34: 33

[6] Mitsvat «HaK’Hel». Cf. également Deutéronome 31: 30; 32: 44

[7]  II Rois 23: 21-23

 

Shabbat shalom !

[email protected]

Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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Une réponse

  1. “Là où on commence à brûler des livres, on finit par brûler des humains”
    Oui le livre est dangereux. Les textes fondamentaux sont dangereux.
    Tous les grands écrits sont dangereux et présentent une menace, mais oui c’est vrai!!

    La connaissance est une menace pour toute forme de dictature! On n’emprisonne pas un humain libre de sa pensée.

    Mais les textes sont dangereux quand ils sont mal plus, mal compris. Ainsi quand on arrive à chercher le “gène juif” dans l’ADN pour démontrer que le juif est une race supérieure….on est devant un exemple parfait du danger que représente une mauvaise compréhension du texte.

    Les textes fondateurs, aussi importants qu’ils soient, doivent être mis à leur juste place: leur lecture et leur compréhension doivent nous libérer, nous apporter les capacités de surmonter les épreuves , nous donner une joie interieur et la compréhension d’une Vérité multiple.
    Mais nous ne devons jamais laisser ces textes nous enfermer sur nous, sur une pseudo vérité qui nous sépare, nous éloigne des autres.

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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