L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat VaYera, l’élection d’Avraham

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La Parashat Vayera[1] commence en expliquant pourquoi Avraham a dû quitter sa patrie, sa famille et sa maison pour s’installer en Erets Israël. 

יט כִּי יְדַעְתִּיו לְמַעַן אֲשֶׁר יְצַוֶּה אֶת-בָּנָיו וְאֶת-בֵּיתוֹ אַחֲרָיו, וְשָׁמְרוּ דֶּרֶךְ יְהוָה, לַעֲשׂוֹת צְדָקָה וּמִשְׁפָּט לְמַעַן, הָבִיא יְהוָה עַל-אַבְרָהָם, אֵת אֲשֶׁר-דִּבֶּר עָלָיו.  (בראשית יח:יט)19 Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de l’Éternel, en pratiquant la vertu et la justice; afin que l’Éternel accomplisse sur Abraham ce qu’il a déclaré à son égard.” (Genèse 18:19)

Les premiers mots de ce verset sont différemment traduits selon les traducteurs :

“כִּי יְדַעְתִּיו, לְמַעַן אֲשֶׁר יְצַוֶּה אֶת-בָּנָיו…”

  • Traduction Louis Segond (1910) :

“Car je l’ai choisi, afin qu’il ordonne à ses fils…”

  • Traduction de la Bible Ostervald :

“Car je l’ai connu, afin qu’il commande à ses enfants…”

  • Traduction de la Bible Martin (1744) et Darby:

“Car je le connais, [et je sais] qu’il commandera à ses enfants…”

  • Traduction de la Bible de Jérusalem :

“Car je l’ai distingué, pour qu’il prescrive à ses fils…”

  • Traduction du Rabbinat (1902) :

“Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils…”

  • Traduction Semeur :

“Je l’ai choisi, pour qu’il prescrive à ses descendants…”

“Oui, je l’ai pénétré, afin qu’il ordonne à ses enfants…”

Toutes ces traduction ne rendent que difficilement l’ensemble des possibles interprétations du verbe Y. D. Ayin /י.ד.ע.  signifiant “connaître, aimer, choisir, distinguer”.

Est-il possible, par le biais d’un seul verbe en langue française, de relever le défi d’exprimer la polysémie de cette racine verbale?

Il n’est jamais vraiment possible de rendre absolument toutes les nuances de la langue originale, en l’occurrence de l’hébreu biblique. Toutefois, il incombe au traducteur de faire face, dans toute la mesure du possible, à la complexité du texte tout en cherchant à en rendre la quintessence.

L’utilisation du verbe “acointier” – proche des verbes accointer” et “acointir” (parer, orner, embellir)- pour traduire la racine Y. D. Ayin /י.ד.ע. semble pertinente, car si ce verbe provenant du vieux français n’est plus d’usage courant aujourd’hui, il est à même de rendre plusieurs sens de la racine hébraïque. En ancien français “acointier” vient du latin “accognitare”, dérivé de “ad-” (vers) et “cognoscere” (connaître). Ses principales significations sont : “faire connaître, rendre familier, mettre en relation, rencontrer, devenir ou être familier avec quelqu’un, s’associer avec quelqu’un, être en termes amicaux, devenir ou être intime avec quelqu’un et reconnaître”.

L’usage de ce verbe ancien s’inscrit dans le contexte des relations sociales, pour décrire le fait de faire connaissance ou de se lier avec quelqu’un en l’ayant délibérément choisi.

Dans ce contexte, “car si Je l’ai acointé” pourrait être interprété comme “Je l’ai fait connaître” ou “Je me suis lié à lui”, ce qui est une façon poétique et archaïque d’exprimer l’idée que la Divinité a choisi Abraham et l’a rendu proche de lui. Cette traduction met l’accent sur la relation intime et familière entre l’Eternel et Abraham, plutôt que sur l’aspect plus formel du “choix” que l’on trouve dans les traductions modernes.

Le verbe hébreu original “יְדַעְתִּיו” (yedativ) vient de la racine “ידע” (Y.D. Ayin), qui signifie “connaître”, mais qui peut aussi avoir des connotations plus profondes d’intimité ou de relation étroite. L’utilisation du verbe “acointier” en ancien français constitue une tentative de capturer cette nuance de relation intime ou de familiarité présente dans le texte hébreu.

Le mot “accointance” en français moderne, dérivé du verbe “acointier”, signifie “fréquentation et familiarité” ou “liaison entre deux personnes, intimité”, ce qui pourrait correspondre au sens du verset hébreu. Cependant, il est important de noter que “acointier” et “accointance” ont évolué au fil du temps pour prendre parfois des connotations péjoratives ou suggérer des liaisons illicites, ce qui ne serait pas approprié dans ce contexte biblique.

Toutefois, cela ne doit en aucune manière nous conduire à faire disparaître l’approche positive primordiale de ce verbe “acointier” revigorée par la traduction biblique qui rend ses lettres de noblesse à un verbe tombé en désuétude.

L’on peut donc proposer comme trois nouvelles traductions possibles:

  • “Car je l’ai acointié avec bienveillance, afin qu’il guide avec amour ses enfants et sa maison…”
  • “Car Je l’ai tendrement acointié…” 
  • “Car Je l’ai gracieusement acointié…”

Le verbe “acointier” établit ici une relation intime et privilégiée, tout en exprimant le choix, l’élection d’Avraham comme confident et ami proche de l’Eternel, et ce, sans que la source biblique nous révèle explicitement en amont les qualités du premier Patriarche. La raison invoquée du choix d’Avraham par l’Eternel réside dans sa vocation de transmettre à ses descendants directs et indirects le Droit dans toute sa rigueur et la Justice dans toute sa bonté.

יט כִּי יְדַעְתִּיו לְמַעַן אֲשֶׁר יְצַוֶּה אֶת-בָּנָיו וְאֶת-בֵּיתוֹ אַחֲרָיו וְשָׁמְרוּ דֶּרֶךְ יְהוָה לַעֲשׂוֹת צְדָקָה וּמִשְׁפָּט לְמַעַן הָבִיא יְהוָה עַל-אַבְרָהָם אֵת אֲשֶׁר-דִּבֶּר עָלָיו.  (בראשית יח:יט)19 Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de l’Éternel, en pratiquant la vertu et la justice; afin que l’Éternel accomplisse sur Abraham ce qu’il a déclaré à son égard.” (Genèse 18:19)

Cette approche linguistique vise à permettre de préserver la richesse linguistique de l’ancien français tout en clarifiant le sens hébraïque positif et profond de la relation décrite dans ce verset. Cette relation singulière et individuelle revêt une importance toute particulière car elle annonce celle collective des fils d’Israël appelés à devenir le peuple d’Israël :

ז וַיֹּאמֶר יְהוָה רָאֹה רָאִיתִי אֶת-עֳנִי עַמִּי אֲשֶׁר בְּמִצְרָיִם וְאֶת-צַעֲקָתָם שָׁמַעְתִּי מִפְּנֵי נֹגְשָׂיו כִּי יָדַעְתִּי אֶת-מַכְאֹבָיו.  (שמןת ג: ז)7 Et l’Éternel poursuivit: “J’ai vu, j’ai vu l’humiliation de mon peuple qui est en Égypte; j’ai accueilli sa plainte contre ses oppresseurs, car Je connais ses souffrances. (Exode 3:7)

Dans ce passage biblique le verbe Y. D. Ayin /י.ד.ע. signifie “ressentir”, “connaître le mal avec empathie”.

כה וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וַיֵּדַע אֱלֹהִים. 25 Puis, le Seigneur vit les enfants d’Israël et le Seigneur comprit…  (Exode 2 : 25)

[1] Parashat VaYera: Genèse 18:1-22:24.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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