
Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
La Parashat VaYeshev[1] se compose de trois grandes parties. La première et la troisième partie évoquent l’histoire de Joseph et de sa vente. La seconde, quant à elle, se démarque totalement de la première et de la troisième partie par le thème évoqué, celui d’un lévirat obtenu par ruse. En effet, après la mort de ‘Er et de ‘Onan, tous deux châtiés par l’Eternel pour ne point avoir voulu épouser Tamar, Yehouda (Juda) promet alors à cette dernière d’épouser Shela, son troisième fils, quand il aura atteint l’âge. Or Yehouda (Juda) ne tient pas promesse, contraignant Tamar à user de subterfuge en se faisant passer pour une prostituée.
כא וַיִּשְׁאַל אֶת-אַנְשֵׁי מְקֹמָהּ לֵאמֹר אַיֵּה הַקְּדֵשָׁה הִוא בָעֵינַיִם עַל-הַדָּרֶךְ וַיֹּאמְרוּ לֹא-הָיְתָה בָזֶה קְדֵשָׁה. (בראשית לח: כא) | 21 Et il (le serviteur de Yehouda) questionna les gens de sa région, disant: “Où est la prostituée qui se tient aux Deux Sources, sur le chemin?” Ils répondirent: Il n’y a jamais eu de prostituée ici.” (Genèse 38: 21) |
Le terme “prostituée” très largement répandu dans la majorité des traductions (Louis Second, Samuel Cahen, John Darby, André Chouraqui) traduit-il le sens exact du substantif hébreu קְדֵשָׁה/ QueDeShaH ?
Aux yeux de Yehouda lui-même, Tamar, qu’il n’a pas reconnue, passe pour une זוֹנָה /ZoNaH:
טו וַיִּרְאֶהָ יְהוּדָה וַיַּחְשְׁבֶהָ לְזוֹנָה כִּי כִסְּתָה פָּנֶיהָ. (בראשית לח: טו) | 15 Et Juda, l’ayant aperçue, la prit pour une prostituée; car elle avait voilé son visage. (Genèse 38: 15). |
…ou au mieux pour une אִשָּׁה /IShaH, une femme:
כ וַיִּשְׁלַח יְהוּדָה אֶת-גְּדִי הָעִזִּים בְּיַד רֵעֵהוּ הָעֲדֻלָּמִי לָקַחַת הָעֵרָבוֹן מִיַּד הָאִשָּׁה וְלֹא מְצָאָהּ. (בראשית לח: כ) | 20 Et Juda envoya le chevreau par l’entremise de son ami l’Adoullamite, pour retirer le gage des mains de la femme mais il ne la trouva point. (Genèse 38: 20) |
Traduire le terme קְדֵשָׁה/ QueDeShaH n’est pas chose aisée car en effet, si ce terme revêt la notion de prostitution, il est nécessaire de lui rajouter l’idée de “sacré”, de “consécration” propre au culte païen. Dans le contexte biblique, il n’est pas rare de rencontrer la racine Q.D.Sh/ ק.ד.ש dans un sens péjoratif.
יד לֹא-אֶפְקוֹד עַל-בְּנוֹתֵיכֶם כִּי תִזְנֶינָה וְעַל-כַּלּוֹתֵיכֶם כִּי תְנָאַפְנָה כִּי-הֵם עִם-הַזֹּנוֹת יְפָרֵדוּ וְעִם-הַקְּדֵשׁוֹת יְזַבֵּחוּ וְעָם לֹא-יָבִין יִלָּבֵט. (הושע ד: יד) | 14 Je ne punirai pas vos filles parce qu’elles se prostituent, ni vos brus parce qu’elles deviennent adultères, car eux-mêmes s’isolent avec des prostituées et sacrifient de concert avec les courtisanes sacrées. C’est ainsi qu’un peuple qui ne comprend pas se perd! (Osée 4: 14). |
Rappelons que cette racine renvoie très généralement à la notion de “séparation”, de “transcendance” (Isaïe 6: 3). L’on peut donc traduire le terme קְדֵשָׁה/ QueDeShaH par “prostituée sacrée, consacrée ou dédiée” dans les cultes étrangers.
Cette prostitution sacrée ne se limite pas uniquement aux femmes mais est également répandue parmi les hommes d’Israël, phénomène combattu par le roi Asa:
יא וַיַּעַשׂ אָסָא הַיָּשָׁר בְּעֵינֵי יְהוָה כְּדָוִד אָבִיו. יב וַיַּעֲבֵר הַקְּדֵשִׁים מִן-הָאָרֶץ וַיָּסַר אֶת-כָּל-הַגִּלֻּלִים אֲשֶׁר עָשׂוּ אֲבֹתָיו. (מלכים א, טו: יא-יב) | 11 Et Asa fit ce qui est agréable au Seigneur, à l’exemple de son aïeul David. 12 Il fit disparaître du pays ceux qui se prostituaient, et il en éloigna toutes les impures idoles faites par ses pères. (I Rois 15 : 11-12). |
Le roi Josias également supprime les prostitués sacrés, entre autres:
ז וַיִּתֹּץ אֶת-בָּתֵּי הַקְּדֵשִׁים, אֲשֶׁר בְּבֵית יְהוָה אֲשֶׁר הַנָּשִׁים, אֹרְגוֹת שָׁם בָּתִּים לָאֲשֵׁרָה. (מלכים ב, כג: ז) | 7 Et il démolit les salles des prostitués attenantes à la maison du Seigneur, où les femmes tissaient des pavillons pour Achêra. (II Rois 23: 7). |
Selon Na’hmanide:
“הַפּוֹרֵשׁ מִן הַזְּנוּת נִקְרָא קָדוֹשׁ… וְהַנִּפְרֶדֶת מִן הָעֶרְוָה וְהַזִּמָּה נִקְרֵאת קְדוֹשָׁה… וְהַנִּפְרֶדֶת מִן הַקְּדֻשָּׁה וְנִטְמֵאת בַּזִּמָּה נִקְרֵאת קְדֵשָׁה… שֶׁאֵין לָהּ שְׁעַת הַכֹּשֶׁר וּקְדֻשָּׁה כְּלָל…”
“Celui qui s’éloigne de la débauche est appelé ‘kadosh’ (saint)… Et celle qui s’écarte de l’immoralité et de la dépravation est appelée ‘kedoshah’ (sainte)… Mais celle qui s’éloigne de la sainteté et se souille dans la dépravation est appelée ‘kedeshah’ (prostituée)… car elle n’a aucun moment d’aptitude ni de sainteté.”
Selon la source biblique, la différence fondamentale entre la femme זוֹנָה Zonah et la femme קְדֵשָׁה Quedeshah tient au fait que si la première vend son corps, n’impliquant qu’une attraction physique sexuelle, la seconde, quant à elle, prête son corps dans le but de capter l’âme de l’homme pour qu’il rende un culte païen au dieu Ba’al et à la déesse Astarté.
יח לֹא-תִהְיֶה קְדֵשָׁה מִבְּנוֹת יִשְׂרָאֵל וְלֹא-יִהְיֶה קָדֵשׁ מִבְּנֵי יִשְׂרָאֵל. (דברים כג: יח) | 18 Il ne doit pas y avoir une prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, ni un prostitué parmi les fils d’Israël. (Deutéronome 23: 18). |
[1] Parashat VaYeshev: Genèse 37: 1-40: 23.
Shabbat shalom !
Haïm Ouizemann