
Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
La Parashat VaYikra[1] ouvre le troisième livre de la Torah, axé sur les lois des offrandes (קוֹרְבָּנוֹת korbanot) et le service dans la Tente du Rendez-Vous.
La section commence par l’appel de l’Eternel à Moïse depuis la Tente du Rendez-Vous, après son achèvement.
Quatre offrandes principales sont successivement évoquées. L’offrande d’holocauste (עוֹלָה ‘Olah) apportée volontairement sous forme de bétail, de volaille ou de farine (pour les plus pauvres) est entièrement consumée sur l’autel, sans consommation humaine. L’offrande de farine (מִנְחָה Min’ha), composée de fleur de farine, d’huile et d’encens, est également volontaire. L’offrande de paix (שְׁלָמִים Shélamim) exprime la gratitude ou l’accomplissement d’un vœu. Une partie est brûlée, une autre donnée aux Cohanim, le reste consommé par l’offrant. Les offrandes expiatoires ( חַטָּאת’Hatat et אָשָׁם Asham) sont obligatoires pour les fautes involontaires ou intentionnelles, adaptées au Grand Cohenהַכֹּהֵן הַגָּדוֹל , à la communauté, au dirigeant ou à l’individu).
Cette parashah qui établit les fondements des sacrifices rituels a octroyé à ce livre le nom de “Torat Cohanim” (Enseignement des Cohanim).
Comment traduire de la manière la plus exacte le substantif “כֹּהֲנִים Cohanim”, substantif qui constitue l’occurrence biblique la plus importante dans notre parashah?
Nombreuses sont les traductions adoptant le terme de “prêtres” ou de “pontifes” (Bible du Rabbinat, Grand-Rabbin Zadoc Khan) afin de définir le terme de “Cohanim/ כֹּהֲנִים”. Samuel Cahen préfère ne pas traduire en conservant le terme hébreu “Cohanim/ כֹּהֲנִים”. Louis Second et John Darby traduisent “sacrificateurs” en référence aux divers types de sacrifices offerts sur l’autel de la Tente du Rendez-Vous. Cette traduction réduit le rôle des Cohanim à la seule présentation de sacrifices physiques, alors même que leur rôle s’élargit à la pratique de nombreux autres rituels additionnels, à savoir déterminer le niveau de l’impureté ou de la pureté des plaies humaines, des vêtements et des maisons, guider le peuple dans la pratique des lois de pureté rituelle (טָהֲרָה tahara), brûler l’encens quotidien et faire sonner le shofar, transmettre la bénédiction divine au peuple lors de la prière journalière (בִּרְכַת-הַכֹּהֲנִים Birkat HaCohanim). A cette pratique rituelle complexe s’ajoutent des fonctions éducatives et juridiques. Le Cohen est celui qui enseigne la Torah aux fils d’Israël (cf. le Scribe Esdras/ Ezra, un prêtre descendant d’Aaron [Ezra 7:5;10]), dont la participation au Sanhédrin et aux tribunaux rabbiniques est obligatoire. Le Cohen détient également un rôle de conseiller d’orientation comme dans les cas douteux (comme les lois complexes concernant la סוֹטָה Sota, femme suspectée d’adultère) et l’interprétation des rêves. A cela, se greffe le rôle social fondamental du Cohen qui, comme médiateur, a le devoir de promouvoir la paix dans les conflits personnels et familiaux.
Quant à André Chouraqui, son choix de traduction se porte sur un ancien mot français “desservant” qui, si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire Littré: “Le latin deservire veut dire servir avec zèle et a donné, par extension, l’ancien français deservir au sens de mériter, et le français moderne au sens de faire un service”, n’en est pas moins connoté sur le plan cultuel dans la mesure ou ce terme fait référence au prêtre catholique ou, selon les termes mêmes du Littré: “On appelait ministres les desservants des églises protestantes, Voltaire, Mœurs, 138)”.
Aussi, la traduction du terme “Cohanim” pourrait être “Serviteurs du Seigneur/ de l’Eternel”.
La racine/כ.ה.נ. K.H.N. composant le mot “Cohanim/ “כֹּהֲנִים signifie “rendre un culte à l’Eternel” ou “exercer la fonction cultuelle de Serviteur”. Il est intéressant de noter que, appliqué aux Nations, il pourrait mettre en exergue, dans ce cas, un culte non exclusif à l’Eternel:
יח וּמַלְכִּי-צֶדֶק מֶלֶךְ שָׁלֵם הוֹצִיא לֶחֶם וָיָיִן וְהוּא כֹהֵן לְאֵל עֶלְיוֹן. (בראשית יד: יח) | 18 Et Melchitsédek, roi de Shalem, apporta du pain et du vin: il était prêtre de la Divinité suprême.(Genèse 14:18) |
La problématique de la traduction serait donc la même: il faut traduire par “serviteur de l’Eternel” plutôt que par “prêtre”, à cause du terme “כֹּהֵן”:
א וַיִּשְׁמַע יִתְרוֹ כֹהֵן מִדְיָן חֹתֵן מֹשֶׁה אֵת כָּל-אֲשֶׁר עָשָׂה אֱלֹהִים לְמֹשֶׁה וּלְיִשְׂרָאֵל עַמּוֹ כִּי-הוֹצִיא יְהוָה אֶת-יִשְׂרָאֵל מִמִּצְרָיִם. (שמות יח: א) | 1 Et Jéthro, serviteur du Seigneur de Midian, beau-père de Moïse, apprit tout ce que l’Eternel avait fait pour Moïse et pour Israël son peuple, lorsque l’Éternel avait fait sortir Israël de l’Égypte. (Exode 18:1) |
En effet, un “prêtre” issu du monde exclusivement païen est appelé “KoMeR/כּוֹמֶר”:
ה וְהִשְׁבִּית אֶת-הַכְּמָרִים אֲשֶׁר נָתְנוּ מַלְכֵי יְהוּדָה וַיְקַטֵּר בַּבָּמוֹת בְּעָרֵי יְהוּדָה וּמְסִבֵּי יְרוּשָׁלִָם וְאֶת-הַמְקַטְּרִים לַבַּעַל לַשֶּׁמֶשׁ וְלַיָּרֵחַ וְלַמַּזָּלוֹת וּלְכֹל צְבָא הַשָּׁמָיִם. (מלכים ב, כג: ה) | 5 Et il supprima les prêtres des idoles, institués par les rois de Juda, et qui offraient l’encens sur les hauts-lieux, dans les villes de Juda et dans les alentours de Jérusalem, ceux aussi qui encensaient Baal, le soleil, la lune, les constellations et toute la milice du ciel. (II Rois 23:5) |
A propos du verset 22 chapitre 47 du livre de la Genèse, Rashi explique concernant les cohanim d’Egypte :
הַכֹּהֲנִים. הַכּוֹמְרִים כָּל לָשׁוֹן כֹּהֵן מְשָׁרֵת לֶאֱלָהוּת הוּא חוּץ מֵאוֹתָן שֶׁהֵם לָשׁוֹן גְּדֻלָּה כְּמוֹ כֹּהֵן מִדְיָן. כֹּהֵן אוֹן
Les prêtres (kohanim) Les prêtres païens (KeMaRiM, pluriel de KoMeR). Le mot kohén désigne le serviteur d’une divinité, sauf là où il marque une idée de grandeur, comme dans : « prêtre de Midyan » (Chemoth 2, 16), « prêtre d’On » (supra 41, 45).
Alors même que Samuel Cahen traduit le substantif “Cohanim” par “pontifes”, il préfère, lorsqu’il s’agit de l’infinitif du verbe/כ.ה.נ. K.H.N., traduire “le destiner à mon service”:
א וְאַתָּה הַקְרֵב אֵלֶיךָ אֶת-אַהֲרֹן אָחִיךָ וְאֶת-בָּנָיו אִתּוֹ מִתּוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לְכַהֲנוֹ-לִי אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אֶלְעָזָר וְאִיתָמָר בְּנֵי אַהֲרֹן. (שמות כח: א; ג-ד) | 1 Fais venir [Moïse] vers toi d’entre les enfants d’Israël, ton frère Aharone et ses fils avec lui pour le destiner à mon service : savoir, Aharone, Nadab, Avihou, Eléazar et Itamar, fils d’Aharone )Exode 28:1;3-4) |
Si les Cohanim ont pour vocation d’élever spirituellement les fils d’Israël, les fils d’Israël, eux, ont pour vocation suprême de devenir une lumière pour les Nations en glorifiant le Seigneur par leur exemplarité irréprochable tant cultuelle que culturelle :
ו וְאַתֶּם תִּהְיוּ-לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים וְגוֹי קָדוֹשׁ אֵלֶּה הַדְּבָרִים אֲשֶׁר תְּדַבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל. (שמות יט:ו) | 6 mais vous, vous serez pour moi un royaume de Serviteurs du Seigneur (Mamlekhet Cohanim) et une nation séparée.’ Tel est le langage que tu tiendras aux enfants d’Israël.” (Exode 19:6) |
[1] Parashat VaYikra: Lévitique 1:1-5:26.
Shabbat shalom!
Haïm Ouizemann