L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashot A’harei Mot- Qedoshim, Le Chemin de Vie

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Deux parashot[1] seront lues ce shabbat, parashot A’harei Mot-Qedoshim.

Est-il possible d’établir un rapport entre ces deux péricopes bibliques qui paraissent si dissemblables de par leur contenu ?  

ה וּשְׁמַרְתֶּם אֶת-חֻקֹּתַי וְאֶת-מִשְׁפָּטַי אֲשֶׁר יַעֲשֶׂה אֹתָם הָאָדָם וָחַי בָּהֶם  אֲנִי יְהוָה. (ויקרא יח: ה)5 Et vous observerez donc mes lois et mes statuts, parce que l’homme qui les pratique obtient, par eux, la Vie : Je suis l’Éternel. (Lévitique 18 : 5).

Ce verset est différemment interprété par les commentateurs d’Israël.

Selon le grand commentateur Rashi, il s’agit essentiellement de la récompense du monde à venir pour le respect des lois, car le respect des lois et des statuts bibliques n’empêche pas la mort de survenir en fin de vie :  

ש «וָחַי בָּהֶם: לָעוֹלָם הַבָּא, שֶׁאִם תֹּאמַר בָּעוֹלָם הַזֶּה. וַהֲלֹא סוֹפוֹ הוּא מֵת! (רש”י על פסוק ויקרא יח: ה) 

« Et il vivra par eux (les commandements) : Dans le monde à venir. Car si tu disais qu’il s’agit de ce monde-ci, l’homme n’est-il pas mortel ? » (Rashi sur Lévitique 18 : 5).

Au commentaire de Rashi s’oppose celui de Na’hmanide qui soutient la thèse selon laquelle l’homme vivra non point dans le monde à venir mais dans ce monde-ci.

ש « וָחַי בָּהֶם: כִּי הַדִּינִים נָתְנוּ לְחַיֵּי הָאָדָם בְּיִשׁוּב הַמְּדִינוֹת וּשְׁלוֹם הָאָדָם וְשֶׁלֹא יָזִיק אִישׁ אֶת רֵעֵהוּ וְלֹא יְמִיתֵנוּ» (רבי משה בן נחמן על הפסוק ויקרא יח: ה).

« Et il vivra par eux: car les lois ont été données pour la vie de l’Homme dans l’établissement des états et la paix des hommes pour que personne n’en vienne à nuire à son prochain et ne le tue » (Commentaire de Ramban sur Lévitique 18 : 5).

Le commentaire de Na’hmanide permet d’entrevoir progressivement les liens unissant la parashat A’harei-Mot à la parashat Qedoshim. En cette dernière péricope énumérant de nombreuses ordonnances relevant du rituel se trouvent également de nombreuses autres injonctions d’ordre social qui trouvent leur plus haute expression dans le verset appelant à l’amour d’autrui :

יח לֹא-תִקֹּם וְלֹא-תִטֹּר אֶת-בְּנֵי עַמֶּךָ וְאָהַבְתָּ לְרֵעֲךָ כָּמוֹךָ אֲנִי יְהוָה. (ויקרא יט: יח)18 Tu ne te vengeras point ni ne garderas rancune aux enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même : je suis l’Éternel. (Lévitique 19 : 18).

Puis, citant de nombreuses autres références bibliques enjoignant « וָחַי בָּהֶם  – Et il vivra par eux » (Ezéchiel 20 : 11 en référence à la puissance du respect du Shabbat, Ezéchiel 20 : 13; Néhémie 9 : 29), Na’hmanide fait état des mitsvoth qui sont édictées pour vivre par elles, et non pour mourir par elles : «וְלֹא שֶׁיָּמוּת בָּהֶם/ VeSheLo Yamout Bahem, et qu’il ne meure pas par eux (les commandements) » car le respect de la Vie prime sur toute autre considération :

ש «וְלֹא שֶׁיָּמוּת בָּהֶם: לְלַמֵּד עַל פִּקּוּחַ נֶפֶשׁ שֶׁדּוֹחֶה אֶת הַשַּׁבָּת וְהַמִּצְוֹת» (רמב”ן על הפסוק ויקרא יח: ה)

«‘Et qu’il ne meure pas par eux (les commandements)’ : c’est pour t’enseigner que sauver une vie repousse le shabbat et les mitsvoth » (Ramban sur le verset Lévitique 18 : 5).

Pourquoi Na’hmanide croit-il juste de rajouter la formulation par la négative de «וָחַי בָּהֶם  » exprimée par Rav Yehouda ?

«אָמַר רַב יְהוּדָה אָמַר שְׁמוּאֵל: … ״וְחַי בָּהֶם״, וְלֹא שֶׁיָּמוּת בָּהֶם.» (תלמוד בבלי יומא פה, ב).

« Rav Yehouda enseigne au nom de Shmouel : “Et il vivra par eux”: et non pas qu’il meure par eux (les commandements)» (Talmud de Babylone, Yoma 85 : b).

L’affirmation « Vivre par eux (par les commandements) » ne se suffirait-elle point à elle-même ?

Na’hmanide explique que la vocation primordiale de la Torah vise essentiellement à diriger l’Homme vers la Vie et non point vers la mort. Comment est-il possible, comme les Témoins de Jehova le pensent, d’interdire une transfusion de sang à un accidenté ou à un malade en s’inspirant de la Tora ?

יד כִּי-נֶפֶשׁ כָּל-בָּשָׂר דָּמוֹ בְנַפְשׁוֹ הוּא וָאֹמַר לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל דַּם כָּל-בָּשָׂר לֹא תֹאכֵלוּ כִּי נֶפֶשׁ כָּל-בָּשָׂר דָּמוֹ הִוא כָּל-אֹכְלָיו יִכָּרֵת. (ויקרא יז: יד)14 Car le principe vital de toute créature, c’est son sang qui est dans son corps, aussi ai-je dit aux enfants d’Israël : Ne mangez le sang d’aucune créature. Car la vie de toute créature c’est son sang : quiconque en mangera sera retranché. (Lévitique 17 : 14).

Une lecture partielle et réduite de la Torah conduit à une vision fondamentaliste et partiale susceptible d’entraîner la mort d’autrui alors même que la Torah est dénommée « תּוֹרַת-חַיִּים  Torat Haïm, Une Torah [Enseignement] de Vie »!

Le Principe fondamental de sainteté de la Vie doit en toute circonstance l’emporter sur le principe de la mort,[2] fût-ce au détriment de la pratique rigoureuse des prescriptions rituelles :

ש «אָמַר רֵישׁ לָקִישׁ: פְּעָמִים שֶׁבִּיטוּלָהּ שֶׁל תּוֹרָה זֶהוּ יְסוֹדָהּ, דִּכְתִיב: ‘אֲשֶׁר שִׁבַּרְתָּ‘ (שמות לד: א); אָמַר לוֹ הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא לְמֹשֶה: יִישַׁר כֹּחֲךָ שֶׁשִּׁבַּרְתָּ » (תלמוד בבלי, מנחות צט א-ב).

« Reish Lakish enseignait : ” Il est des fois où l’annulation de la Torah, c’est justement son fondement comme il est écrit : ‘[les Tables de l’Alliance] que tu [toi Moïse] as brisées ‘ – L’Eternel a dit à Moise : ‘Félicitations à toi d’avoir brisé [les Tables de l’Alliance]’. » (Talmud de Babylone, Mena’hot 99, a- b).

Ainsi Na’hmanide nous enjoint, au cas où l’intégrité de la vie humaine serait menacée de mort ou de blessures irréversibles, de transgresser des prescriptions aussi importantes que celle du Shabbat. Les Sages d’Israël évoquent l’idée de « פִּקוּחַ נֶפֶשׁ דּוֹחֶה שַׁבָּת Pikoua’h Nefesh Do’he Shabbat, sauver une âme repousse le Shabbat » qui est, alors, instituée comme halacha, comme devoir religieux. Autrement dit, l’urgence médicale a le pouvoir dans tous les cas de repousser la primauté du Shabbat. (Talmud de Babylone, Traité Yoma 84, b). Rien ni personne ne saurait arrêter la Vie d’autrui au nom de la Divinité ! Ce serait alors faire preuve de profanation du Nom divin.

יח  עֵץ-חַיִּים הִיא לַמַּחֲזִיקִים בָּהּ וְתֹמְכֶיהָ מְאֻשָּׁר. (משלי ג: יח)18 Elle [La Torah] est un arbre de Vie pour ceux qui s’en rendent maîtres : s’y attacher, c’est s’assurer la félicité. (Proverbes 3 : 18).

[1] Parashat A’harei Mot-Qedoshim : Lévitique 16 : 1-20 : 27.

[2]  Exception faite de trois cas où l’on serait contraint de : a- verser le sang, b- dévier de la morale sexuelle, c- rendre un culte païen.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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