L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashot BéHaR-BéHoukotay, Méditation sur le Jubilé

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Dans le cadre de la parashat BéHaR[1], nous méditerons sur la racine

 י.ב.ל./ Y. V [B]. L. signifiant « couler, flotter, offrir ».

י וְקִדַּשְׁתֶּם אֵת שְׁנַת הַחֲמִשִּׁים שָׁנָה וּקְרָאתֶם דְּרוֹר בָּאָרֶץ לְכָל-יֹשְׁבֶיהָ יוֹבֵל הִוא תִּהְיֶה לָכֶם וְשַׁבְתֶּם אִישׁ אֶל-אֲחֻזָּתוֹ וְאִישׁ אֶל-מִשְׁפַּחְתּוֹ תָּשֻׁבוּ. (ויקרא כו: י).ש

10 Et vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays, la liberté pour tous ceux qui l’habitent : cette année sera pour vous le Jubilé, où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera à sa famille. (Lévitique 25 : 10).

La cinquantième année, synonyme de « Liberté דְּרוֹר/ DRoR » en hébreu, marque le temps de la rémission absolue par le créancier de toutes les dettes accumulées ainsi que la restitution de tous les biens fonciers à leur propriétaire d’origine. Ce principe de Jubilé est celui-même que le Fonds Monétaire International met en œuvre lorsqu’il approuve, en raison de la crise économique causée par le coronavirus,  “l’allègement immédiat du service de la dette pour vingt-cinq pays membres…” (Déclaration de la Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva).

L’année du Jubilé constitue, à n’en point douter, une véritable révolution d’ordre social et économique car la Tora enseigne à l’Homme que l’Eternel et Lui Seul est le Maître du monde. Nul ne peut s’octroyer la propriété d’autrui « ad vitam aeternam ».

Quelle est l’origine du mot « יוֹבֵל/ YoVeL, Jubilé » ? Ce terme est composé de la racine י.ב.ל./ Y. V [B].L., très riche sur le plan sémantique.

Le premier sens de ce terme est « couler, flotter » :

כה וְהָיָה עַל-כָּל-הַר גָּבֹהַּ וְעַל כָּל-גִּבְעָה נִשָּׂאָה פְּלָגִים יִבְלֵי-מָיִם בְּיוֹם הֶרֶג רָב בִּנְפֹל מִגְדָּלִים. (ישעיהו ל: כה; מד: ד; ירמיהו יז: ז-ח).ש

25 Et sur toute haute montagne et sur toute colline élevée, il y aura des ruisseaux, des eaux courantes, au jour du grand massacre, lors de la chute des tours fortifiées. (Isaïe 30 : 25 ; Cf. également 44 : 4 et Jérémie 17 : 7-8).

Par ailleurs, cette racine comporte un second sens, qui apparemment n’a rien de commun avec le premier : « offrir » :

ז בָּעֵת הַהִיא יוּבַל-שַׁי לַיהוָה צְבָאוֹת…  (ישעיהו יח: ז).ש

7 En ce temps, un présent sera offert à l’Eternel-des Armées… (Isaïe 18 : 7).

Ainsi, la terre « offre יוּבַל-שַׁי » ses produits « יְבוּל/YéVOuL » à l’Homme pour le sustenter :

ד וְנָתַתִּי גִשְׁמֵיכֶם בְּעִתָּם וְנָתְנָה הָאָרֶץ יְבוּלָהּ וְעֵץ הַשָּׂדֶה יִתֵּן פִּרְיוֹ. (ויקרא כו: ד).ש

4 Et je vous donnerai les pluies en leur saison, et la terre offrira son produit, et l’arbre du champ donnera son fruit. (Lévitique 26 : 4).

Il existe de fait une similitude entre les termes : «יְבוּל/YéVOuL produit de la terre, récolte », produits « offerts יוּבַל-שַׁי »  par l’Eternel, et «Jubilé  יוֹבֵל/YoVeL ».

Ce troisième sens, יוֹבֵל/YoVeL est lui-même synonyme de « שׁוֹפָר/ShOPhaR, corne de bélier » :

ט וְהַעֲבַרְתָּ שׁוֹפַר תְּרוּעָה בַּחֹדֶשׁ הַשְּׁבִעִי בֶּעָשׂוֹר לַחֹדֶשׁ בְּיוֹם הַכִּפֻּרִים תַּעֲבִירוּ שׁוֹפָר בְּכָל-אַרְצְכֶם. (ויקרא כה: ט).

9 puis tu feras circuler le retentissement du cor, dans le septième mois, le dixième jour du mois : au jour des expiations, vous ferez retentir le son de la corne de bélier à travers tout votre pays. (Lévitique 25 : 9).

L’événement fondateur du Don de la Tora au mont Sinaï confirme ce dernier sens :

יג לֹא-תִגַּע בּוֹ יָד כִּי-סָקוֹל יִסָּקֵל אוֹ-יָרֹה יִיָּרֶה אִם-בְּהֵמָה אִם-אִישׁ לֹא יִחְיֶה בִּמְשֹׁךְ הַיֹּבֵל הֵמָּה יַעֲלוּ בָהָר. (שמות יט: יג).

13 On ne doit pas porter la main sur lui, mais le lapider ou le percer de flèches ; homme ou bête, il cesserait de vivre. Mais aux derniers sons du cor de bélier, ceux-ci [les Hébreux] monteront sur la montagne’”. (Exode 19 : 13).

Nombreuses sont les significations de la racine י.ב.ל./ Y. V [B].L. Quel rapport pouvons-nous établir entre la corne de bélier, la cinquantième année, le courant d’eau, la récolte et le don de la Tora ?

Il semble que le dénominateur commun réside tout d’abord dans la notion de Vie, de germination : le respect de l’année shabbatique ou Shemita conduit l’Eternel à offrir trois années d’abondance (Lévitique 25 : 19-23) ; dans la notion de tendance vers la perfection : la racine du terme שׁוֹפָר/ShOPhaR signifie « améliorer, satisfaire ». La cinquantième année est une année au cours de laquelle la société hébraïque à l’occasion de s’améliorer, de tendre vers la perfection morale incarnée par les Tables de l’Alliance, dont les premières, trop parfaites, furent brisées par Moïse. Les secondes possèdent cette légère imperfection puisque la pierre a été façonnée de main d’homme, et pourtant, elles portent les Paroles de l’Eternel, cette perfection à laquelle doit tendre Israël et, après Israël, toute l’Humanité. Ce n’est point un hasard si les secondes Tables de la Loi furent remises à Moïse le jour de Kippour, le jour de l’émancipation absolue de toutes les servantes et de tous les serviteurs asservis de force. Le Shofar de l’année du Jubilé rend la liberté à tous les enfants d’Israël.

Ainsi, le prophète Jérémie fustige durement les propriétaires fonciers qui, libérant totalement leurs esclaves hébreux (Jérémie 34 : 8-10), décident de suivre Pharaon (Exode 14 : 5-8) et de rappeler par la force ces derniers (Jérémie 34 : 16), s’exposant alors au châtiment divin (Jérémie 34 : 17).

Le Tanakh enseigne depuis l’aube de l’Humanité que les hommes sont tous frères, et pourtant, depuis l’aube de l’Humanité, des hommes font de leurs frères leurs esclaves, et, comme du temps du prophète Jérémie, proclamer leur liberté semble un combat sans fin.

En l’an 1848, au jour du 27 avril, la France vote le décret abolissant totalement l’esclavage grâce à l’abnégation, au courage et au combat d’un homme : Victor Schœlcher. Comme cela fut le cas dans l’histoire de Jérémie, alors que l’esclavage, juridiquement aboli en vertu des deux décrets du 29 août 1793, du 4 février 1794 et de la loi du 20 mai 1802, fut maintenu hors de la métropole française aux Mascareignes par Napoléon Bonaparte. Pourtant, Victor Schœlcher finit par triompher des riches planteurs en 1848.

Quant aux abolitionnistes américains en faveur de la Liberté des esclaves, ils vont s’inspirer du verset 10 du chapitre 25 du Lévitique :

י וְקִדַּשְׁתֶּם אֵת שְׁנַת הַחֲמִשִּׁים שָׁנָה וּקְרָאתֶם דְּרוֹר בָּאָרֶץ לְכָל-יֹשְׁבֶיהָ יוֹבֵל הִוא תִּהְיֶה לָכֶם וְשַׁבְתֶּם אִישׁ אֶל-אֲחֻזָּתוֹ וְאִישׁ אֶל-מִשְׁפַּחְתּוֹ תָּשֻׁבוּ. (ויקרא כה: י).ש

10 Et vous sanctifierez cette cinquantième année, en proclamant, dans le pays, la liberté pour tous ceux qui l’habitent : cette année sera pour vous le Jubilé, où chacun de vous rentrera dans son bien, où chacun retournera à sa famille. (Lévitique 25 : 10).

Ce verset, relatif au Jubilé et à la liberté, fut gravé sur la Liberty Bell (Cloche de la Liberté) et exposée, en 1848, à Philadelphie au lieu même où fut déclarée la Déclaration d’Indépendance américaine. Cette Cloche symbolise toutes les cloches des Etats-Unis d’Amérique qui ont proclamé l’Indépendance des Etats-Unis, le 4 Juillet 1776, même s’il s’avère qu’historiquement ce ne fut point le cas.

Le révérend Martin Luther King conclut l’un de ses plus célèbres discours « I Have A Dream (Je fais un rêve) » par des paroles qui, ne cessant de vibrer, font écho au TaNaKh, la cloche se substituant à la corne de bélier :

« Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque Etat, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual : “Enfin libres, enfin libres, Dieu Tout-Puissant merci, nous sommes enfin libres !”. »

נה כִּי-לִי בְנֵי-יִשְׂרָאֵל עֲבָדִים עֲבָדַי הֵם אֲשֶׁר-הוֹצֵאתִי אוֹתָם מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם  אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם. (ויקרא כה: נה).ש

55 Car c’est à Moi [l’Eternel] que les fils d’Israël appartiennent comme serviteurs ; ce sont mes serviteurs à moi, qui les ai tirés du pays d’Egypte, moi, l’Éternel, votre Seigneur !” (Lévitique 25 : 55).

[1]Parashot BéHaR-BéHoukotay : Lévitique 25 : 1-27  : 34.

L’étude biblique vous passionne. Je vous invite à rejoindre notre Campus biblique: https://www.campusbiblique.com/

Shabbat shalom !

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Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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