Qui est Assuérus, אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ Ahashverosh, le roi du rouleau d’Esther ?

La majorité des chercheurs semble être d’accord pour affirmer qu’il s’agit de Xerxès, roi de Perse entre les années 485-465 avant notre ère. Tout semble correspondre : le nom, la capitale, Suse, la prospérité de la Perse et la taille de l’empire à son époque.

Or, l’histoire d’Esther contient beaucoup de dates très précises, comme le 13 Nissan (Esther 3 : 12), le 13 Adar (Esther 9 : 1) … L’une d’elles est à prendre en compte avec une extrême attention : en effet, de Mordechaï il est dit qu’il a fait partie des exilés de Juda avec le roi Jéchonias (יְכָנְיָה), exil daté très précisément de 597 avant notre ère (II Rois 24 : 10-17), ce qui laisserait à penser qu’au moment des faits relatés dans le rouleau d’Esther, Mordechaï aurait plus de 120 ans ?

C’est une contradiction très flagrante que relève la Bible dans l’Edition de la Pléiade (Note 6 sur le verset Esther 2 : 6). Toutefois, mettre en doute, voire même passer outre, la date de l’exil de Mordechaï, dans un livre qui, par ailleurs, est traversé par le calendrier du règne d’Assuérus, serait une conclusion, à mon sens, un peu rapide.

Il est vrai que le commentateur Shmouel Leib Gordon propose une solution très sérieuse à ce propos (Commentaire de S. L. Gordon sur le verset Esther 2 : 6) : en effet, selon lui, il faudrait comprendre de la généalogie de Mordechaï que Qish ne serait point le père de Shaül, mais celui qui aurait été exilé avec Jéchonias. Il en découle que Mordechaï serait né en exil. En témoigne son nom perse, alors qu’on ignore son nom hébreu. Ceci posé, l’histoire d’Esther se serait déroulée effectivement sous le roi perse Xerxès. C’est sans tenir compte du fait que sa cousine Esther, dont il est le tuteur, porte un nom hébraïque : Hadassah (Esther 2 : 7), alors que, selon cette thèse, elle serait elle aussi née en exil.

Par ailleurs, Mordechaï revient en Juda avec les exilés de Babylone, avec Zorobabel, après l’édit de Cyrus en 538 avant notre ère (Ezra 2 : 2 ; Néhémie 7 : 7 ; Pirkei de Rabbi Eliezer, 50), ce qui exclut le fait qu’il ait vécu sous le règne du roi perse Xerxès. De plus, le livre d’Esther se situe chronologiquement avant le retour à Sion raconté dans les livres d’Ezra et Néhémie.

Ceci posé, il est de fait que, avant le règne en Perse de Cyrus le Grand, כֹּרֶשׁ Koresh de la Bible, ont régné dans cette même région des rois mèdes. Cyrus lui-même est, par sa mère, apparenté aux rois mèdes, dont son propre grand-père maternel, le roi Astyage, qu’il évincera en 549 avant notre ère. Historiquement parlant, il semblerait que l’empire mède n’ait pas disparu d’un coup, mais se soit fondu progressivement dans l’empire perse qui lui a succédé.

Suse, elle-même, à l’époque des derniers rois mèdes, reprend de l’importance après avoir disparu de la carte pendant deux siècles environ, et connaît une époque florissante. Toutefois, il est vrai, rien n’indique que les derniers rois mèdes y aient établi leur résidence.

Cependant, si l’on tient compte du fait que Mordechaï soit exilé avec Jéchonias, en 597 avant notre ère, tout laisse à penser que l’histoire d’Esther a eu lieu pendant le règne du roi Astyage, père du dernier roi mède, Cyaxare II, contemporain de Cyrus qui, pendant son règne, voit sa force augmenter pour finir par régner lui-même, à la mort de Cyaxare II.

Ce roi Astyage a régné pendant une vingtaine d’années, ce qui couvre toute la période du rouleau d’Esther dont l’histoire s’étend sur dix années. Il a de plus, semble-t-il, hérité d’un empire prospère.

Un autre fait inscrit dans le rouleau d’Esther laisse à penser que le roi Assuérus ne serait autre que le roi Astyage : c’est la référence constante à la Perse et à la Médie, comme un seul royaume (Esther 1 : 3 ; 14 ; 18-19 ; 10 : 2), ce qui laisse à penser que l’époque correspond davantage à cette période de transition entre l’empire mède, dont la taille peut correspondre à la taille de l’empire d’Assuérus, plutôt qu’à l’époque de Xerxès, période qui voit l’empire perse à son apogée, alors que l’empire mède n’est plus qu’un lointain souvenir, ce que confirme le livre d’Ezra comme le livre des Chroniques II, qui ne parlent que des rois de Perse, sans aucune mention de la Médie.

Il est donc important de scruter en détail les événements racontés dans le rouleau d’Esther, pour essayer  de comprendre le contexte historique et temporel de cette histoire qui peut être mise en balance avec deux autres grands événements historiques concernant les Hébreux, et les Judéens, l’une des douze tribus hébraïques : d’un côté, Pharaon, forcé d’autoriser la sortie d’Egypte des Hébreux (Exode 12 : 31-33) qui fut précédée d’une « shoah », les nouveau-nés garçons devant être tués à la naissance (Exode 1 : 16) et de l’autre, le vote à l’ONU en faveur de la création d’un état juif le 9 Novembre 1947, qui fut précédé de la Shoah. De la même manière, la « shoah » avortée, planifiée par Haman, a précédé la déclaration de Koresh (Cyrus le Grand) et le retour à Sion.

C’est pourquoi il a été décidé de commémorer chaque année ces jours de deuil et de profonde angoisse par la fête de Pourim.

Bonne fête de Pourim de Suse !

Myriam Ouizemann