L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Rencontre exceptionnelle  avec Its’hak Greenfield, L’Alchimiste d’Ein Kerem  

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

 

Its'hak Greenfield © Août 2015,Haïm Ouizemann
Its’hak Greenfield © Août 2015,Haïm Ouizemann

Ein Kerem, la «Source de la Vigne». En ce lieu hautement pittoresque, perle de Jérusalem, Its’hak Greenfield, l’un des plus grands artistes israéliens contemporains, m’honore de son accueil chaleureux dans sa maison-studio.

Its’hak Greenfield est né à Brooklyn en 1932 de parents immigrés aux Etats-Unis après la première guerre mondiale. Son père fuit, alors, les révoltes politiques de Transylvanie. Sa mère Anna, née Meyer, est originaire de Galicie sous contrôle de l’Empire austro-hongrois. Un an après son retour de la première guerre, le père d’Anna, frappé par une épidémie de grippe, décède. Sa mère décide de se rendre à Vienne où elle finit par s’installer avec ses sept enfants. Traitée de «sale juive», elle réussit, en 1922,  à obtenir le visa d’entrée sur le territoire des Etats-Unis. Les deux parents d’Its’hak se rencontrent à East Side où ils tombent amoureux l’un de l’autre. Mariés, ils décident de construire leur avenir à Brooklyn où déjà de nombreux émigrés se regroupent en communautés. Its’hak Greenfield reconnaît la forte inspiration des sources de  la tradition juive reçue par ses deux parents: «Nous aimions tous dessiner, mon père et ma mère étaient des juifs traditionnalistes; mon père allait à la synagogue; j’ai baigné, grâce a mon père  dans l’atmosphère de la Synagogue qu’il me fit aimer… Le Judaïsme a pénétré profondément mes entrailles et il est demeuré dans tout mon corps [littéralement: tous mes os] (Rires). Je suis très juif dans mon art, je le suis vraiment car je ressens, sans cesse, la nécessité d’exprimer mon judaïsme ne serait-ce qu’à travers une seule lettre. Car la lettre hébraïque, c’est selon moi,  le  Judaïsme; ce n’est pas la lettre que nous lisons mais le Judaïsme et avec le temps j’ai compris que c’était effectivement le Judaïsme! Je ne le savais pas encore; mais avec le temps et après avoir étudié le Judaïsme, j’ai pu me rendre compte combien cela était juste! (Rires) Je ne le savais pas encore; je le ressentais…».

Its’hak Greenfield, touché par l’idéal sioniste et socialiste des premiers pionniers d’Israël, décide de quitter les Etats-Unis et de monter vers la terre de ses Ancêtres.  Après un cours passage au kibbouts Daliah, il finit par s’installer avec son groupe composé de 50 juifs américains au Kibbouts Gal On créé en 1946. Associant le travail de la terre au dessin, Its’hak n’a de cesse d’éterniser sur ces feuilles blanches la vie quotidienne des hommes et des femmes de ce jeune kibbouts. Puis, en 1956, Its’hak épouse –  trois mois après l’avoir rencontrée – Tsippora, enseignante et fille de Rav de la communauté yéménite à Rishon LeTsion. Tsippora devient pour Its’hak une source d’inspiration inépuisable. «Comme chez Picasso et Modigliani, Tsippora représente l’archétype de la femme aimée… l’entité mystique, la femme qui unit la matière à l’esprit» (Irena Gordon[1]).

En 1964, il quitte avec Tsippora le kibboutz Ein HaShofet et s’installent à Ein Kerem dans ce qui fut, jadis, un moulin à farine au côté d’un pressoir antique d’olives. De ses propres mains, il rénove totalement ce lieu délabré qu’ Its’hak Greenfield aime à appeler «un paradis abandonné».  Aujourd’hui, ce coin de paradis, reconnu comme l’un des plus célèbres ateliers et studios d’art d’Ein Kerem, non loin du Monastère des Sœurs de Notre-Dame de Sion, est ouvert à toutes et à tous.

Qui  tenterait de définir l’œuvre de ce grand artiste ne le pourrait point, tant  le style (figuratif, moderne, symbolique…),  les matériaux (colle, sable, gesso, tissu, carton…) et les thèmes s’entrecroisent les uns aux autres témoignant d’un monde intérieur riche et complexe. Toutefois, nous pouvons reconnaître les grandes amours d’Its’hak Greenfield: le TaNaKh où se mêlent la Tradition ésotérique de la Kabbale et la présence de la Cité de Jérusalem. La teinte bleue, symbole de l’Infini, Ein Sof, prédomine sur toutes les autres couleurs. Le cercle, considéré comme la forme parfaite, inspiré du monde des sephirot, réapparaît dans un très grand nombre d’œuvres à travers lesquelles l’artiste nous transporte au mont Sinaï où furent données les deux Tables de l’Alliance.

Aleph beth meditation 50x68 cm, inspirée du Sefer Yetsira (© Août 2015,Haïm Ouizemann)
Aleph beth meditation 50×68 cm, inspirée du Sefer Yetsira (© Août 2015,Haïm Ouizemann)

Le studio est une invitation à la méditation hébraïque. Les lettres du TaNaKh y vibrent de toute leur âme et de toute leur force. La visite en ce lieu de création artistique se transforme très vite en expérience mystique. L’espace devient un lieu de rencontre intime avec le divin. Its’hak Greenfield est, sans aucun doute, un alchimiste des temps modernes.

L'atelier © Août 2015,Haïm Ouizemann
L’atelier © Août 2015,Haïm Ouizemann

A partir de matières mortes et de matériaux récupérés, tel un alchimiste du Moyen-âge, il collecte les étincelles cachées dont lui seul détient le secret pour leur rendre une nouvelle signification.

L'atelier © Août 2015,Haïm Ouizemann
L’atelier © Août 2015,Haïm Ouizemann

Par quel pouvoir peut-il donc ramener la matière morte à la vie? Ce pouvoir de  ressusciter le monde est la force de cet artiste exceptionnel qui, lorsque je l’interroge sur son âge, me répond sans jamais se départir de son humour: «Je suis  un enfant! J’ai 11 ans, c’est-à-dire 83 ans!»[2]

Le  secret de l’œuvre d’Its’hak Greenfield réside très probablement dans ce sentiment de ne jamais vieillir pour rester jeune!    Le rire n’est-il point l’expression de cet Infini, de cette Eternité dont témoignent l’œuvre artistique d’Its’hak Greenfield? Its’hak, c’est celui qui «rira» éternellement.

La visite de cet artiste exceptionnel à Ein Kerem reste obligatoire pour tous les amoureux d’art et de TaNaKh. Nombreuses sont les expositions permanentes à travers le monde consacrées à l’ensemble de l’œuvre  d’Its’hak Greenfield.

"Echelle 22 lettres, 1990" (Acrylique sur papier gravé et plié 92x110 (© Août 2015,Haïm Ouizemann)
“Echelle 22 lettres, 1990” (Acrylique sur papier gravé et plié 92×110 (© Août 2015,Haïm Ouizemann)
"Echelle 22 lettres, 1990" (Acrylique sur papier gravé et plié 92x110 (© Août 2015,Haïm Ouizemann)
“Echelle 22 lettres, 1990” (Acrylique sur papier gravé et plié 92×110 (© Août 2015,Haïm Ouizemann)

 

 

 

 

 

 

 le grand Alef le petit alef, 51x76 cm (© Août 2015,Haïm Ouizemann)
Le grand Alef le petit alef, 51×76 cm (© Août 2015,Haïm Ouizemann)

 

Haïm Ouizemann

© Haïm Ouizemann, Août 2015

[1] Conservatrice en chef Beit HaOmanim Jérusalem,  «Ma’agalim Shel Shamayim VaArets», Juin –Juillet, 2008.

[2] Its’hak Greenfield a recours au système de la guematria consistant à additionner les chiffres 8+ 3 (son âge) = 11).

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3 réponses

  1. Excellent, Merci Haïm pour cet article. en lisant ces quelques lignes et regardant ces photos, je reçois un peut ce que tu as vécu avec ce grand Monsieur.JL

  2. Merci cher Haïm pour ce partage; je ne manquerais pas de me rendre à son atelier lors de mon prochain déplacement en Israël pour la Brith Mila de mon petit fils, si D… le veut, la deuxième quinzaine de Novembre. Amitiés, et שֶׁהַשִׂמְחָה תִּשְׁכֹּן בְּלִבּוֹתֶינוּ

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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