L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Shavouot, Méditation sur le pouvoir du temps présent

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

Israël commémore trois fêtes de pèlerinage au cours desquelles le peuple d’Israël monte à Jérusalem: Pessah, Shavouot[1] et Soukkot.

Que distingue la fête de Shavouot de Pessah et de Soukkot?

Au-delà du fait que Shavouot ne dure qu’un seul jour au lieu de sept jours pour les deux autres fêtes, il nous faut remarquer que, contrairement à Pessah et à Soukkot (Deutéronome 16: 13) dont nous connaissons explicitement les dates respectives du 15 Nissan et du 15 Tishrei, la source biblique ne mentionne jamais la date exacte de Shavouot, mais seulement le décompte des quarante-neuf jours de l’Omer à l’issue duquel Israël fête Shavouot, le cinquantième jour.

Pourquoi le texte ne mentionne-il point la date précise de Shavouot?

La raison essentielle soutenue par les Sages d’Israël tient au fait que la caractéristique d’une date solennelle pour les fêtes de Pessah et de Soukkot oblige à manger la matsah (le pain non levé) et à habiter la soukka (la tente) uniquement durant sept jours, comme la source biblique l’y oblige. Autrement dit, toute pratique qui dépasserait ces sept jours transformerait le pain de Pessah en un simple gâteau et la cabane de Soukkot en une simple tente. C’est le temps des sept jours qui confère à la matsah et à la soukka leur dimension solennelle religieuse. Ainsi le fait de ne pas fixer de date pour la fête de Shavouot renvoie à l’idée que la Torah donnée au cinquantième jour ne connaît quant à elle aucune limite dans le temps ! Aucune date n’enferme l’étude du TaNaKh. La Torah est au-delà du temps ! Si le temps des sept jours confère aux fêtes de Pessah et de Soukkot leur solennité, c’est le don de la Torah et l’acceptation de celle-ci par son étude et sa pratique qui confère au temps sa solennité.

Les bénédictions à la synagogue lors des différentes montées à la Torah, si elles sont avant tout prononcées au temps passé, se terminent au temps présent. La Torah doit être ressentie comme si elle était donnée à l’instant.

“בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ אֱלֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם, אֲשֶׁר בָּחַר־בָּנוּ מִכָּל הָעַמִּים וְנָתַן־לָנוּ אֶת תּוֹרָתוֹ. בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ נוֹתֵן הַתּוֹרָה” (תפילה)

” Béni sois-Tu Notre Seigneur, Roi du monde qui nous as choisis parmi tous les peuples et nous as donné Sa Torah. Beni sois-Tu Eternel qui donne la Torah “. (Prière).

Le grand commentateur Rav Adin Steinzaltz (Zal) explique qu’il nous faut distinguer entre l’unique évènement historique du Don de la Torah (MaTaN ToRaHמַתָּן תּוֹרָה ) à Shavouot et l’acceptation de la Torah à chaque instant de notre vie (קַבָּלַת תּוֹרָה KaBaLaT ToRaH). Le défi du peuple d’Israël n’est donc point de fêter seulement la journée unique de Shavouot mais d’en saisir l’essence, à savoir faire descendre la Torah dans le monde matériel chaque jour de l’année afin de le transformer en un monde meilleur.   

ט וַיְדַבֵּר מֹשֶׁה וְהַכֹּהֲנִים הַלְוִיִּם אֶל כָּל-יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר הַסְכֵּת וּשְׁמַע יִשְׂרָאֵל הַיּוֹם הַזֶּה נִהְיֵיתָ לְעָם לַיהוָה אֱלֹהֶיךָ. (דברים כז: ט)9 Et Moïse, assisté des Cohanim descendants de Lévi, parla ainsi à tout Israël: “Fais silence et écoute, ô Israël! En ce jour [aujourd’hui], tu es devenu le peuple de l’Éternel, ton Seigneur. (Deutéronome 27: 9).

Rashi, se fondant sur l’enseignement du Sage Rabbi Yehouda, est d’avis que chaque jour, les fils d’Israël doivent se considérer comme renouvelant son Alliance avec l’Eternel:

“‘הַיּוֹם הַזֶּה נִהְיֵיתָ לְעָם’ (דברים כז: ט). בְּכָל יוֹם יִהְיוּ בְּעֵינֶיךָ כְּאִלּוּ הַיּוֹם בָּאתָ עִמּוֹ בַּבְּרִית:” (רש”י על הפסוק דברים כז: ט).

“‘Ce jour-ci tu es devenu un peuple‘ (Deutéronome 27: 9): Que [les paroles de la Torah] te paraissent chaque jour comme si tu étais entré aujourd’hui avec Lui dans l’Alliance” (Rashi sur le verset Deutéronome 27: 9).

טז הַיּוֹם הַזֶּה יְהוָה אֱלֹהֶיךָ מְצַוְּךָ לַעֲשׂוֹת אֶת-הַחֻקִּים הָאֵלֶּה וְאֶת-הַמִּשְׁפָּטִים וְשָׁמַרְתָּ וְעָשִׂיתָ אוֹתָם בְּכָל-לְבָבְךָ וּבְכָל-נַפְשֶׁךָ. (דברים כו: טז)16 En ce jour, l’Éternel, ton Seigneur, t’ordonne de pratiquer ces diverses lois et ces statuts; tu t’appliqueras donc à les observer de tout ton cœur et de toute ton âme. (Deutéronome 26 : 16).

Rashi commente de la même manière pour l’acceptation du joug des mitsvoth:

“‘הַיּוֹם הַזֶּה ה’ אֱלֹהֶיךָ מְצַוֶּךָ’ (דברים כו: טז):בְּכָל יוֹם יִהְיוּ בְּעֵינֶיךָ חֲדָשִׁים כְּאִלּוּ בּוֹ בַּיּוֹם נִצְטַוֵּיתָ עֲלֵיהֶם”. (רש”י על הפסוק דברים כו: טז).

“‘Ce jour-ci, l’Eternel, ton Seigneur t’ordonne’ (Deutéronome 26: 16) Qu’ils te paraissent nouveaux chaque jour, comme si tu en avais reçu l’ordre ce jour-là. (Rashi sur le verset Deutéronome 26: 16).

יט אֶת-הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה דִּבֶּר יְהוָה אֶל-כָּל-קְהַלְכֶם בָּהָר מִתּוֹךְ הָאֵשׁ הֶעָנָן וְהָעֲרָפֶל קוֹל גָּדוֹל וְלֹא יָסָף וַיִּכְתְּבֵם עַל-שְׁנֵי לֻחֹת אֲבָנִים וַיִּתְּנֵם אֵלָי. (דברים ה: יט)19 Ces paroles, l’Éternel les adressa à toute votre assemblée sur la montagne, du milieu des feux, des nuées et de la brume, d’une voix puissante, Il [L’Eternel] n’y rajouta rien; puis il les écrivit sur deux tables de pierre, qu’il me remit. (Deutéronome 5: 19).

L’ancien Grand Rabbin d’Angleterre Rabbi Lord Jonathan Sacks (Zal) relève la difficulté de traduction et de compréhension de l’expression וְלֹא יָסָף” / Il [L’Eternel] n’y rajouta rien”. Certains commentateurs, à la suite du commentateur Onkelos, ont commenté l’expression ainsi: וְלֹא יָסָף” /Il [L’Eternel] ne cessa point de parler “וְלָא פְּסַק”[2].Selon Rav Jonathan Sacks, il n’existe point de dichotomie entre ces deux interprétations. La Parole divine continue d’être entendue à travers la Torah orale, le Talmud.

Autrement dit, si la Parole divine a été gravée à tout jamais sur les deux Tables de l’Alliance, Israël a le devoir de donner vie à cette même Parole en la perpétuant par l’étude, en ne cessant jamais de la méditer ni de l’interpréter. 

La Torah demeure le cœur de l’existence hébraïque.

ד תּוֹרָה צִוָּה-לָנוּ מֹשֶׁה מוֹרָשָׁה קְהִלַּת יַעֲקֹב. (דברים לג: ד)4 “C’est pour nous qu’il dicta une doctrine à Moïse; elle restera l’héritage de la communauté de Jacob.” (Deutéronome 33: 4).

[1] Lecture de la Torah à Shavouoth: Exode 19: 1-20:21.

[2] Commentaire de Rashi sur Deutéronome 5 : 19.

Hag Shavouot Sameah!

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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