L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Ki Tetse, Au nom de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

La parashat Ki Tetse[1] est probablement la péricope la plus sociale du livre du Deutéronome :

יט כִּי תִקְצֹר קְצִירְךָ בְשָׂדֶךָ וְשָׁכַחְתָּ עֹמֶר בַּשָּׂדֶה לֹא תָשׁוּב לְקַחְתּוֹ לַגֵּר לַיָּתוֹם וְלָאַלְמָנָה יִהְיֶה לְמַעַן יְבָרֶכְךָ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ בְּכֹל מַעֲשֵׂה יָדֶיךָ. כ כִּי תַחְבֹּט זֵיתְךָ לֹא תְפַאֵר אַחֲרֶיךָ לַגֵּר לַיָּתוֹם וְלָאַלְמָנָה יִהְיֶה. כא כִּי תִבְצֹר כַּרְמְךָ לֹא תְעוֹלֵל אַחֲרֶיךָ לַגֵּר לַיָּתוֹם וְלָאַלְמָנָה יִהְיֶה. (דברים כד: יט-כא) 19 Quand tu feras la moisson de ton champ, et que tu oublies une javelle dans le champ, tu ne retourneras pas la prendre. Elle sera pour l’étranger, l’orphelin et la veuve afin que l’Éternel, ton Seigneur, te bénisse dans toutes les œuvres de tes mains. 20 Quand tu gauleras ton olivier, n’y glane pas après coup ; ce sera pour l’étranger, l’orphelin et la veuve. 21 Quand tu vendangeras ta vigne, n’y grappille pas après coup ; ce sera pour l’étranger, pour l’orphelin, pour la veuve. (Deutéronome 24 : 19-21).

Le dénominateur commun à ces trois versets réside dans l’évocation de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin qui sont apparentés aux plus faibles de la société. Il incombe au propriétaire foncier de donner une place aux plus faibles en leur permettant après la moisson, de récolter des olives et après la vendange, de ramasser les restes. 

Deux raisons principales peuvent expliquer la signification de ces quatre mitsvot – (עֲזִיבַת פְּאַת הֶשָּׂדֶה/ Azivat Peat HaSade, Abandon du coin du champ ; לֶקֶט וּפֶרֶט/ Leket ouPheret, Récolte et glanure ; שְׁכִחָה/ Shekhi’ha, Oubli (d’une gerbe) et עוֹלְלוֹת/ Olelot, raisins isolés) qui de fait n’en forment qu’une (מַתְּנוֹת אֶבְיוֹנִים Matnot Evionim, Dons aux démunis). D’une part, la Tora s’inquiète du bien-être social de toutes les créatures qui ne doivent en aucune manière pâtir de la faim et de la honte qui pourrait s’ensuivre et d’autre part, la Tora aspire à enseigner aux propriétaires terriens que le produit de la terre ne leur appartient pas. L’Eternel demeure la Source exclusive de toutes les ressources.

Ces quatre mitsvoth précédemment évoquées par deux fois dans le livre du Lévitique (19 : 9-10 et 23 : 22) relèvent de la notion de תִּקּוּן Tikoun, Réparation sociale, de la צְדָקָה Tsedaka, Justice. Alors que dans le Lévitique, le texte n’évoque que « le pauvre et l’étranger », le Deutéronome met en avant l’étranger avant même de mentionner la veuve et l’orphelin.

L’essentiel selon la Tora est d’épargner la honte aux plus démunis car il ne s’agit point pour le propriétaire de faire preuve de charité, loin de là, mais de justice. Si l’Eternel bénit le propriétaire d’abondantes ressources agricoles, celui-ci doit prendre conscience qu’il lui incombe à son tour de partager une part de celles-ci avec qui de droit. L’exemple le plus éloquent à ce propos est celui de Ruth, la Moabite :

ב וַתֹּאמֶר רוּת הַמּוֹאֲבִיָּה אֶל-נָעֳמִי, אֵלְכָה-נָּא הַשָּׂדֶה וַאֲלַקֳּטָה בַשִּׁבֳּלִים אַחַר אֲשֶׁר אֶמְצָא-חֵן בְּעֵינָיו וַתֹּאמֶר לָהּ לְכִי בִתִּי. ג וַתֵּלֶךְ וַתָּבוֹא וַתְּלַקֵּט בַּשָּׂדֶה אַחֲרֵי הַקֹּצְרִים וַיִּקֶר מִקְרֶהָ חֶלְקַת הַשָּׂדֶה לְבֹעַז אֲשֶׁר מִמִּשְׁפַּחַת אֱלִימֶלֶךְ. (רות ב: ב-ג)2 Et Ruth la Moabite dit un jour à Naomi : “Je voudrais aller dans le champ glaner des épis derrière celui en qui je trouverais grâce.” Naomi lui répondit : “Va, ma fille.” 3 Et elle alla et vint glaner dans le champ derrière les moissonneurs ; et il se trouva qu’elle fut dans une pièce de terre appartenant à Boaz, de la famille d’Elimélekh. (Ruth 2 : 2-3).

Boaz qui épousera Ruth lors d’un mariage léviratique prend bien soin de ne pas humilier cette dernière :

טו וַתָּקָם לְלַקֵּט וַיְצַו בֹּעַז אֶת-נְעָרָיו לֵאמֹר גַּם בֵּין הָעֳמָרִים תְּלַקֵּט וְלֹא תַכְלִימוּהָ. (רות ב: טו)15 Puis elle se releva pour glaner, et Boaz enjoignit à ses serviteurs : Laissez-la glaner même entre les gerbes, et ne l’humiliez pas. (Ruth 2 : 15).

Le grand écrivain et poète Victor Hugo décrit dans son poème « Booz endormi » sa générosité :

« Sa barbe était d’argent comme un ruisseau d’avril.
Sa gerbe n’était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
– Laissez tomber exprès des épis, disait-il.
»

La Tora d’Israël est une Tora de vie, de partage, de Justice et de Compassion qui n’oublie pas le pauvre, la veuve, l’orphelin et l’étranger. La bénédiction divine trouve sa source dans l’altruisme. Celui qui offre de ses richesses se trouve récompensé par le Maître du monde :

כה  נַעַר הָיִיתִי גַּם-זָקַנְתִּי
וְלֹא-רָאִיתִי צַדִּיק נֶעֱזָב וְזַרְעוֹ מְבַקֶּשׁ-לָחֶם. כו  כָּל-הַיּוֹם חוֹנֵן וּמַלְוֶה וְזַרְעוֹ לִבְרָכָה. (תהלים לז: כה-כו)
25 J’ai été jeune et je suis devenu vieux : jamais je n’ai vu un juste délaissé, ni sa descendance mendier leur pain. 26 Tous les jours il est bienfaisant et il prête ; et ses descendants deviennent une bénédiction. (Psaume 37 : 25-26).

[1] Parashat Ki Tetse: Deutéronome 21 : 10-25 : 19.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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