Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.
La parashat Tsav[1] qui évoque les différents types de sacrifices (holocauste, oblation, expiatoire, délictif, pacifique…) débute par l’ordonnance de l’holocauste, sacrifice qui doit être totalement consumé par le feu sur l’autel des sacrifices. Si nous concentrons généralement notre attention sur la signification de l’holocauste, le processus conduisant le Cohen à pratiquer ce sacrifice est tout autant riche d’enseignements.
| ג וְלָבַשׁ הַכֹּהֵן מִדּוֹ בַד, וּמִכְנְסֵי-בַד יִלְבַּשׁ עַל-בְּשָׂרוֹ, וְהֵרִים אֶת-הַדֶּשֶׁן אֲשֶׁר תֹּאכַל הָאֵשׁ אֶת-הָעֹלָה, עַל-הַמִּזְבֵּחַ; וְשָׂמוֹ, אֵצֶל הַמִּזְבֵּחַ. ד וּפָשַׁט, אֶת-בְּגָדָיו, וְלָבַשׁ, בְּגָדִים אֲחֵרִים; וְהוֹצִיא אֶת-הַדֶּשֶׁן אֶל-מִחוּץ לַמַּחֲנֶה, אֶל-מָקוֹם טָהוֹר. (ויקרא ו: ג-ד) | 3 Et le Cohen revêtira son habit de lin, après avoir couvert sa chair du caleçon de lin; il enlèvera sur l’autel la cendre de l’holocauste consumé par le feu, et la déposera à côté de l’autel. 4 Et il dépouillera ses habits et en revêtira d’autres, pour transporter [extraire] es cendres hors du camp, dans un lieu pur. (Lévitique 6: 3-4). |
Après s’être emparé des cendres de l’holocauste, le Cohen se dépouille de ses habits pour en vêtir d'”autres”. C’est alors, et seulement alors, qu’il peut extraire ses cendres du camp d’Israël pour les déposer dans un lieu pur.
Que peut donc signifier ce processus de dépouillement d’habits pour “d’autres” habits?
La mitsvah consistant à lever les cendres de l’holocauste et à les porter à l’extérieur du camp s’appelle ” תְּרוּמַת הַדֶּשֶׁן Teroumat HaDeshen, le prélèvement des cendres”.
Cette mitsvah se pratique tous les matins en deux temps:
La levée des cendres, “הֲרָמַת הַדֶּשֶׁן Haramat HaDeshen”, consiste pour le Cohen à déposer près de l’autel des sacrifices une partie des cendres accumulées. Pour ce faire le Cohen doit obligatoirement être vêtu d’habits de service en lin.
L’extraction des cendres, “הוֹצָאַת הַדֶּשֶׁן Hotsa’at HaDeshen”, quant à elle, consiste pour le Cohen de service à retirer les cendres encombrant l’autel des sacrifices et à y replacer les cendres restantes sous forme de grand monticule dénommé תַּפּוּחַ Tapoua’h (“la Pomme”).
Cette seconde étape, contrairement à la première, s’accompagne du dépouillement des habits officiels pour des habits “autres”. Selon les Sages du Talmud[2], ces habits “autres” portés par le Cohen sont des habits séculiers ou bien des habits de כְּהֻנָּה Kehounah (de service cultuel) mais de moindre valeur.
Quel enseignement pouvons-nous tirer de cette double phase cultuelle qui constitue l’essence même de l’accomplissement de la mitsvah “Teroumat HaDeshen תְּרוּמַת הַדֶּשֶׁן”?
Il incombe avant tout au Cohen, le Serviteur de l’Eternel, de nettoyer lui-même, quotidiennement, l’autel des sacrifices sans permettre à qui que ce soit d’autre de pratiquer cette mitsvah. Secondement, le texte met l’accent sur la notion de dépouillement des habits. L’habit exprime la vocation du Cohen et en témoigne.
Le Cohen doit, pour élever, prélever et ‘enlever les cendres’, ‘se salir’, autrement dit s’engager en personne pour rendre le culte à l’Eternel et ne jamais déléguer à autrui une pratique qui pourrait être considérée comme dégradante et inconcevable pour lui-même. De plus, le Cohen ne revêt que deux vêtements, à savoir un habit de lin le recouvrant complètement et un caleçon de lin, symbole de pudeur (Exode 28 : 42).
En effet, alors qu’en règle générale, le simple Cohen (כֹּהֵן הֶדְיוֹט Cohen Hediot) revêt quatre habits et le Grand Cohen כֹּהֵן גָּדוֹל huit, au Jour solennel de Yom Kippour (Grand Pardon) ce dernier se dépouillera de ces huit habits pour n’en conserver que quatre, comme un simple Cohen (Lévitique 16: 4). Or, fait rare pour ne pas dire unique, la mitsvah du prélèvement des cendres contraint le Cohen à ne porter que deux vêtements, la tunique et le caleçon, tous deux faits de lin, se caractérisant par leur extrême sobriété.
Quant à la seconde étape, Rashi commente:
“וּפָשַׁט אֶת-בְּגָדָיו: אֵין זוֹ חוֹבָה, אֶלָּא דֶּרֶךְ-אֶרֶץ, שֶׁלֹּא יְלַכְלֵךְ בְּהוֹצָאַת הַדֶּשֶׁן בְּגָדִים שֶׁהוּא מְשַׁמֵּשׁ בָּהֶן תָּמִיד. בְּגָדִים שֶׁבִּשֵּׁל בָּהֶן קְדֵרָה לְרַבּוֹ, אַל יִמְזֹג בָּהֶן כּוֹס לְרַבּוֹ, לְכָךְ: “וְלָבַשׁ בְּגָדִים אֲחֵרִים”, פְּחוּתִין מֵהֶן” (רש”י על הפסוק ויקרא ו: ד).
“Il se déshabillera de ses vêtements Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une règle de bonne conduite, pour qu’en retirant la cendre il ne salisse pas ses vêtements dans lesquels il effectue constamment son service. Les vêtements que l’on porte pour cuire les plats de son maître ne doivent pas servir pour lui remplir sa coupe. C’est pourquoi ‘il revêtira d’autres vêtements’, de moindre valeur” (Rashi sur le verset Lévitique 6: 4).
| יד בְּבֹאָם הַכֹּהֲנִים וְלֹא-יֵצְאוּ מֵהַקֹּדֶשׁ אֶל-הֶחָצֵר הַחִיצוֹנָה וְשָׁם יַנִּיחוּ בִגְדֵיהֶם אֲשֶׁר-יְשָׁרְתוּ בָהֶן כִּי-קֹדֶשׁ הֵנָּה ילבשו (וְלָבְשׁוּ) בְּגָדִים אֲחֵרִים וְקָרְבוּ אֶל-אֲשֶׁר לָעָם. (יחזקאל מב: יד) | 14 Quand ils arrivent, les Cohanim ils ne doivent pas sortir du sanctuaire dans le parvis extérieur c’est là qu’ils laisseront leurs vêtements avec lesquels ils font leur service, car ils sont consacrés, et mettront d’autres vêtements; alors seulement ils pourront s’approcher de l’endroit assigné au peuple.(Ezéchiel 42: 14). |
A Rashi s’attachant à décrire l’importance sur le plan cultuel pour le Cohen de ne point salir ses vêtements, l’on peut ajouter l’idée selon laquelle le dépouillement du Cohen, l’obligeant à une constante humilité, viserait à son élévation intérieure et à celle d’Israël. Toute forme de culte induit un dépouillement du vêtement, reflet de l’âme et de la conscience.
Ainsi au Jour solennel de Yom Kippour, Le Grand Cohen se dépouille à maintes reprises de ses vêtements, passant ainsi de ses vêtements honorifiques de grand Cohen aux vêtements de lin des simples Cohanim :
| ד כְּתֹנֶת-בַּד קֹדֶשׁ יִלְבָּשׁ וּמִכְנְסֵי-בַד יִהְיוּ עַל-בְּשָׂרוֹ וּבְאַבְנֵט בַּד יַחְגֹּר וּבְמִצְנֶפֶת בַּד יִצְנֹף בִּגְדֵי-קֹדֶשׁ הֵם וְרָחַץ בַּמַּיִם אֶת-בְּשָׂרוֹ וּלְבֵשָׁם. (וקרא טז: ד) | 4 Il sera vêtu d’une tunique de lin consacrée, un caleçon de lin couvrira sa chair; une écharpe de lin le ceindra, et une tiare de lin sera sa coiffure. C’est un costume sacré, il doit se baigner dans l’eau avant de s’en vêtir. (Lévitique 16 : 4). |
Au dépouillement des vêtements d’Aaron, expression du dépouillement matériel du Grand-Cohen, s’ajoute celui du premier roi d’Israël, Shaül [Saül] qui se dévêtit en voyant la prophétie divine s’emparer de son être. L’on peut comprendre le verset non point selon la lettre mais selon l’esprit, à savoir que Shaül abandonne son passé. Le dépouillement est tout intérieur :
| כד וַיִּפְשַׁט גַּם-הוּא בְּגָדָיו וַיִּתְנַבֵּא גַם-הוּא לִפְנֵי שְׁמוּאֵל וַיִּפֹּל עָרֹם כָּל-הַיּוֹם הַהוּא וְכָל-הַלָּיְלָה עַל-כֵּן יֹאמְרוּ הֲגַם שָׁאוּל בַּנְּבִיאִם. (שמואל א, יט: כד) | 24 Là, il se dépouilla, lui aussi, de ses vêtements, prophétisa aussi devant Samuel, et resta couché, ainsi dévêtu, tout ce jour et toute la nuit. De là ce dicton: “Saül aussi est donc parmi les prophètes!” (I Samuel 19: 24). |
Quant à Yehonathan (Jonathan), sa noblesse est à la mesure de son renoncement au trône qui lui revient en tant que fils aîné de Shaül, au profit de David:
| ד וַיִּתְפַּשֵּׁט יְהוֹנָתָן אֶת-הַמְּעִיל אֲשֶׁר עָלָיו וַיִּתְּנֵהוּ לְדָוִד וּמַדָּיו וְעַד-חַרְבּוֹ וְעַד-קַשְׁתּוֹ וְעַד-חֲגֹרוֹ. (שמואל א, יח: ד) | 4 Et Yehonathan se dépouilla du manteau qu’il portait et le donna à David, ainsi que son costume, et jusqu’à son épée, son arc et sa ceinture. (I Samuel 18 : 4). |
L’homme doit avec beaucoup d’humilité et de dépouillement intérieur, à l’image du Cohen, sacrifier et “brûler” toutes ses fausses idéologies, ses passions meurtrières et ses tentations à faire le mal puis être capable d’en amasser les cendres afin de les porter à l’extérieur de sa propre personne vers un lieu de plus grande pureté, un lieu de régénération salvatrice.
Nombre de nations, d’Etats et d’institutions diverses se déclarant explicitement ennemis d’Israël. Sauront-ils un jour prochain, après le 7 octobre, se dépouiller de leur haine du Juif et de leur vindicte gratuite envers le peuple de l’Eternel qui, sans cesse mû par la recherche d’élévation transcendantale, n’oublie jamais son rapport qui l’unit à l’immanence de ce monde?
A contrario, Israël, le plus petit des peuples, saura le leur rappeler !
| כז סוּר מֵרָע וַעֲשֵׂה-טוֹב וּשְׁכֹן לְעוֹלָם. כח כִּי יְהוָה אֹהֵב מִשְׁפָּט וְלֹא-יַעֲזֹב אֶת-חֲסִידָיו לְעוֹלָם נִשְׁמָרוּ וְזֶרַע רְשָׁעִים נִכְרָת. (תהלים לז: כז-כח) | 27 Fuis le mal et fais le bien: tu habiteras éternellement [le pays]. 28 Car le Seigneur aime le droit et il ne délaissera pas ses fidèles: ils sont protégés à jamais; mais la semence des méchants sera exterminée. (Psaume 37 : 27-28). |
[1] Parashat Tsav: Lévitique 6: 1-8: 36.
[2] Talmud de Babylone, Yoma 23, b.
Shabbat shalom!
Haïm Ouizemann
