Emile Moatti vient de s’éteindre à l’âge de 90 ans (ז”ל). Il restera pour moi un véritable maître à penser et à agir. J’avais eu l’honneur et le privilège de connaître Emile qui était pour moi un exemple vivant de bonté, de compassion et de sagesse comme le fut le Patriarche Abraham. Avec une très grande humilité, Emile était toujours disposé à dialoguer, à répondre à mes questions et à échanger sur son thème de prédilection dont il avait fait sa vocation durant plus de 50 ans : la Fraternité d’Abraham. Comment les hommes pourraient ensemble construire, sur le modèle du Patriarche Abraham un monde meilleur, un monde de paix où toutes les Familles de la terre pourraient se réconcilier et s’aimer véritablement. Sa devise était : « Par toi Abraham, toutes les Familles de la Terre seront bénies » (Genèse 12 : 3).
L’un de ses grands maîtres fut Manitou, Léon Ashkenazi qui lui fit connaître au cours des années 60 du siècle précédent l’histoire du Patriarche Abraham, histoire qui façonnera à jamais son parcours spirituel. Emile écrit : « Je pressentis là un chemin vers un idéal millénaire susceptible de réunifier l’humanité en lui faisant redécouvrir la voie du Dieu-Un : servir Dieu, c’est s’engager pour propager la justice – égale pour tous – et engager ceux qui possèdent à la solidarité matérielle au profit de ceux qui n’ont pas assez. D’où l’exemple, entre autres, de l’hospitalité d’Abraham et de son épouse Sarah. Abraham était un exemple d’amour pour tous les êtres humains et de dialogue pour parvenir à un consensus avec l’Autre. Mais la sagesse de la Tora n’est pas réservée aux seuls Juifs. Elle concerne tout être humain intéressé. Pour cela il me paraissait évident que la communauté juive devait s’ouvrir à autrui sur la base d’un dialogue fraternel et confiant. »
Emile était l’un des pionniers du dialogue interreligieux après Nostra Aetate. Alors vice-président de la “Fraternité d’Abraham” dont il fut avec André Chouraqui l’un des fondateurs, il fut, à ce titre, invité par le Vatican et le Pape Jean-Paul II, à dialoguer dans le cadre des “Rencontres d’Assise”, sur le pardon et la réconciliation en 1986, année décrétée « Année de la Paix » par l’ONU. Fort de son expérience du dialogue interreligieux, Emile, dont j’étais l’un des plus proches disciples, m’invita à débattre, en août 2013, avec les Moniales bénédictines du Mont des Oliviers. Ce fut pour moi une expérience inoubliable qui m’enseigna, une fois de plus, que la paix et la réconciliation sont le fruit d’un labeur permanent fondé sur l’écoute d’autrui.
Les hommes et les femmes des trois grandes spiritualités monothéistes juive, chrétienne et musulmane finiront par se retrouver pacifiquement dans la tente d’Avraham. Emile y consacra une vie entière. Cela ne peut que forcer le respect de nous toutes et de nous tous.
Le peuple d’Israël vient de perdre un grand homme, un homme de tolérance et d’ouverture. Emile savait mieux que personne s’adresser aussi bien aux Chrétiens qu’aux Musulmans avec modestie mais aussi avec une grande puissance de douceur. Puissions-nous poursuivre l’effort de dialogue et l’héritage de celui qui fut un pionnier pour nous tous.
Que le nom d’Emile Moatti soit une source de bénédictions pour tout Israël et le monde entier !
יהי זכרו ברוך!
Parcours passionnant de Emile Moatti
Emile Moatti Co-auteur du livre « Abraham »
Haïm Ouizemann
