A la mémoire des défunts. En pensée pour l’ensemble des blessés et des otages détenus par le Hamas, mouvement terroriste.
Après les événements douloureux et sidérants qui se sont déroulés en notre pays, en Israël, le massacre-pogrom de 1300 personnes, 3000 blessés et otages civils et militaires, nous porterons notre méditation sur les deux mots qui ne forment qu’une seule et même entité, תֹהוּ וָבֹהוּ Tohou VaVohou (Hendiadys)[1]. Ces deux termes inséparables (Isaïe 34 : 11, Jérémie 4 : 23) parfois traduits par « vide et désolation » ou « solitude et chaos » (Selon la traduction d’Onkelos) sont difficilement traduisibles.
| ב וְהָאָרֶץ הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהוּ וְחֹשֶׁךְ עַל-פְּנֵי תְהוֹם וְרוּחַ אֱלֹהִים מְרַחֶפֶת עַל-פְּנֵי הַמָּיִם. (בראשית א: ב) | 2 Or la terre n’était que solitude et chaos ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle du Seigneur planait à la surface des eaux (Genèse 1 : 2). |
Selon l’Académie de la Langue Hébraïque la traduction des termes תֹהוּ וָבֹהוּ – Tohou VaVouHou par « chaos » est impropre à la vision biblique de la Création du monde car elle renvoie dans un premier temps à l’œuvre du poète grec Hésiode « la théogonie » dans laquelle apparaît le nom du dieu « Χάος Chaos » qui précèderait l’émergence des autres dieux, Γαῖα Gaia (Terre), Ἔρως Eros (Amour) et Ἔρεβος Erèbe (dieu né de Chaos) et de Νύξ Nyx fille de Chaos et épouse d’Erèbe. « Χάος chaos » signifie « béance, faille sans fin, grande ouverture ». Puis dans un second temps, le poète Ovide a conféré dans son œuvre « Métamorphoses » un nouveau sens au terme Χάος chaos, celui de « confusion, masse informe ». Ce terme « Χάος chaos » adopté en Occident pour exprimer le désordre ne reflète point l’esprit des deux racines respectives תָּהָה וּבָהָה TaHaH et V[B]aHaH. signifiant « stupéfaction et interrogation » :
ש «תֹהוּ וָבֹהוּ: תֹּהוּ לָשׁוֹן תָּמַה וְשִׁמָּמוֹן שֶׁאָדָם תּוֹהֶה וּמִשְׁתּוֹמֵם עַל בֹּהוּ שֶׁבָּהּ: תֹּהוּ. אַשְׁטוֹרְדִי”שׁוֹן בְּלַעַ”ז: בֹּהוּ. לָשׁוֹן רַקּוֹת וְצִדּוֹ». (רש”י על הפסוק בראשית א: ב).
« Tohou et bohou Tohou signifie étonnement, stupéfaction, l’homme étant frappé d’étonnement et de stupeur en présence du bohou. En français médiéval : « estordison (étourdissement) ». Bohou signifie vide et solitude. » (Rashi sur le verset Genèse 1 : 2).
L’Académie de la Langue Hébraïque fait remarquer que le verbe הִשְׁתּוֹמֵם Hishtomem employé par Rashi pour signifier la stupéfaction a pour racine ש.מ.מ. / Sh.M.M. dont le sens est « solitude, désolation ». De plus, les Académiciens de la Langue Hébraïque font le rapprochement entre la racine ת.ה.י.[ה] /T. H. Y [H] et le verbe הִשְׁתָּאָה/ HiSHTaAH signifiant « être dans l’étonnement », sens qui est également celui de la racine ב. ה. י [ה]/ B.H.Y[H], « béer ou bâiller », « être bouche bée » face à une merveille ou au contraire à une catastrophe, שׁוֹאָה SHoAH.
Les hommes peuvent ou bien s’émerveiller face à la grandeur divine, à la beauté majestueuse de la Création ou bien être en état de sidération face à la barbarie des leurs, comme ce fut le cas le 7 octobre 2023. Des terroristes du Hamas, après s’être infiltrés dans les localités du Sud d’Israël, Netiv HaAssara, Kfar Azza, Nir Oz, les kibbouts Maguen, Beeri, les villes de Sderot et de Netivot n’y ont laissé que mort, désolation et solitude. Le monde entier, littéralement sidéré par l’ampleur et l’étendue des exactions perpétrées contre l’Humanité est resté bouche bée tant l’horreur – il n’existe pas de mots pour décrire celle-ci- rappelle les pogroms du début du 20e siècle qui conduisirent à la « Solution finale » et à la Shoah :
| כג רָאִיתִי אֶת-הָאָרֶץ וְהִנֵּה-תֹהוּ וָבֹהוּ וְאֶל-הַשָּׁמַיִם וְאֵין אוֹרָם. (ירמיהו ד: כג) | 23 J’ai regardé la terre, et voici tout y était chaos et stupéfaction ; et vers les cieux leur lumière avait disparu. (Jérémie 4 : 23). |
Les Sages d’Israël émettent l’idée que le תֹהוּ וָבֹהוּ ToHou VaVoHou, loin de constituer une réalité précédant la Création comme la mythologie grecque l’énonce, est en fait la première des créations désirées par l’Eternel ! En somme, le livre de la Genèse ne s’ouvrirait pas sur la création de la lumière « וַיְהִי-אוֹר VaYeHi Or et la lumière fut » mais par la formation ex nihilo du Tohou VaVoHou.
Pourquoi la Création n’est-elle point créée parfaite dès le commencement ? Cela ne signifierait-il point que cette création de Tohou VaVoHou est partie intégrante du monde dans lequel nous vivons ?
L’Homme a le devoir de combler la solitude, le vide et la désolation par le souffle d’espérance d’un avenir meilleur pour toutes et tous. Ce Tikkoun HaOlam הָעוֹלָם תִּיקּוּן, cette Réparation du monde n’est rendue possible qu’à la condition que l’Humanité sache ouvrir son cœur afin d’y faire pénétrer « l’Esprit divin qui planait au-dessus des eaux » (Genèse 1 : 2), les eaux symbolisant à la fois la pureté, la fécondité mais aussi le Mal (Psaume 69 : 3) :
| ב וְהָאָרֶץ הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהוּ וְחֹשֶׁךְ עַל-פְּנֵי תְהוֹם וְרוּחַ אֱלֹהִים מְרַחֶפֶת עַל-פְּנֵי הַמָּיִם. (בראשית א: ב) | 2 Or la terre n’était que solitude et vide ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme, et le souffle du Seigneur planait à la surface des eaux. (Genèse 1 : 2). |
Alors,
| יח כִּי כֹה אָמַר-יְהוָה בּוֹרֵא הַשָּׁמַיִם הוּא הָאֱלֹהִים, יֹצֵר הָאָרֶץ וְעֹשָׂהּ הוּא כוֹנְנָהּ לֹא-תֹהוּ בְרָאָהּ לָשֶׁבֶת יְצָרָהּ אֲנִי יְהוָה וְאֵין עוֹד. (בראשית מה: יח) | 18 Car ainsi parle l’Eternel, le Créateur des cieux ce Seigneur qui a formé, façonné la terre, qui l’a affermie, qui l’a créée non pour demeurer déserte mais pour être habitée : Je suis l’Eternel, et il n’en est pas d’autre ! (Isaïe 45 : 18). |
[1] Parashat Bereshit 1: 1- 6: 8
Shabbat shalom!
Haïm Ouizemann
