L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Pin’has, le droit des femmes à l’Egalité

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

illustration from The Bible and Its Story Taught by One Thousand Picture Lessons. Edited by Charles F. Horne and Julius A. Bewer. 1908.
illustration from The Bible and Its Story Taught by One Thousand Picture Lessons. Edited by Charles F. Horne and Julius A. Bewer. 1908.

Lors du partage des terres entre tribus respectives, les cinq filles de Tselofhad, estimant que la famille de leur père, ne comptant point d’héritiers mâles, serait lésée de ne point jouir du droit à la terre et de son héritage et disparaîtrait d’entre les Hébreux, s’adressent à Moïse:

ש«וַתִּקְרַבְנָה בְּנוֹת צְלָפְחָד… וַתַּעֲמֹדְנָה לִפְנֵי מֹשֶׁה וְלִפְנֵי אֶלְעָזָר הַכֹּהֵן וְלִפְנֵי הַנְּשִׂיאִם וְכָל-הָעֵדָה פֶּתַח אֹהֶל-מוֹעֵד לֵאמֹר» (במדבר כז: א-ב).ש

«Alors s’approchèrent les filles de Tselofhad… elles se présentèrent devant Moïse, devant Eléazar le pontife, devant les phylarques et toute la communauté, à l’entrée de la tente d’assignation, disant…» (Nombres 27: 1-2)[1]

Ces deux versets pourraient se traduire différemment:

Alors  les filles de Tselofhad  décidèrent de se battre [K. R. V [ ק. ר. ב/… elles se tinrent debout contre [ ‘. M. D. / ע. מ. ד] Moïse, devant Eléazar le pontife, contre les phylarques et toute la communauté, à l’entrée de la tente d’assignation, disant…» (Nombres 27: 1:-2)

Les cinq filles de Tselofhad, conscientes de ce que leur condition féminine ne leur donne pas accès au droit à la terre, décident en tant que militantes actives de briser la norme sociale et l’immobilité de leur statut que leur impose la communauté d’Israël.  C’est alors que seules et contre tous, elles réclament que Justice leur soit rendue. Les noms des cinq filles de Tselofhad témoignent clairement de leur intention intérieure et de leur ardent dynamisme:

מַחְלָה – Ma’hla -«celle qui danse»-, נֹעָה. No’ah– «celle qui se meut», חָגְלָה, Hogla- «celle qui fait une ronde…»-, מִלְכָּה, Milkah – «celle qui marche», תִרְצָה Tirtsah, «celle qui court».

Comment ces cinq femmes décident-elles d’entreprendre de défendre leur droit?

Elles vont, dans un élan commun et d’une même voix, reconnaître la faute de leur père Tselofhad tout en en amoindrissant la portée. Ainsi, soulignent-elles qu’il ne prend  part ni à la plainte des Hébreux dans le désert ni à la révolte de Korah.

Quelle fut donc la faute de Tselofhad ?

Les cinq filles de Tselofhad prennent soin de recourir au  singulier- «sa propre faute» (בְחֶטְאוֹ/ BeHeT’o)-  afin d’adoucir la gravité de la faute. En effet, la plus grande des fautes est celle d’un dirigeant qui entraînerait l’ensemble de la communauté à sa suite comme cela fut le cas avec Jéroboam (Maximes des Pères (5: 18):

ש«וְכָל הַמַּחֲטִיא אֶת הָרַבִּים, אֵין מַסְפִּיקִין בְּיָדוֹ לַעֲשׂוֹת תְּשׁוּבָה משֶׁה זָכָה וְזִכָּה אֶת הָרַבִּים זְכוּת הָרַבִּים תָּלוּי בּוֹ שֶׁנֶּאֱמַר (דברים לג): צִדְקַת ה’ עָשָׂה וּמִשְׁפָּטָיו עִם יִשְׂרָאֵל. יָרָבְעָם חָטָא וְהֶחֱטִיא אֶת הָרַבִּים חֵטְא הָרַבִּים תָּלוּי בּוֹ שֶׁנֶּאֱמַר: (מ”א, טו: ל) עַל חַטֹּאות יָרָבְעָם אֲשֶׁר חָטָא וַאֲשֶׁר הֶחֱטִיא אֶת יִשְׂרָאֵל»ש

«Quiconque entraîne la collectivité dans la faute, la possibilité du repentir ne lui sera pas accordée… Jéroboam était un pécheur et a fait pécher la collectivité ; aussi l’impiété de celle-ci lui fut-elle imputée, ainsi qu’il est dit: À cause des péchés que Jéroboam avait commis et fait commettre à Israël, provoquant ainsi la colère du Seigneur, Dieu d’Israël» (I Rois 15: 30).

Or, Jéroboam fait construire deux veaux d’or dans son royaume et entraîne ainsi la culpabilité de tout son peuple:

ש«וַיִּוָּעַץ הַמֶּלֶךְ וַיַּעַשׂ, שְׁנֵי עֶגְלֵי זָהָב וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם רַב-לָכֶם מֵעֲלוֹת יְרוּשָׁלִַם הִנֵּה אֱלֹהֶיךָ יִשְׂרָאֵל אֲשֶׁר הֶעֱלוּךָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם» (מלכים ב יב: כח).ש

«Après en avoir délibéré, le roi fit faire deux veaux d’or et dit au peuple: “Assez longtemps vous avez monté à Jérusalem! Voici tes dieux, Israël, qui t’ont tiré du pays d’Egypte!» (I Rois 12: 28)

De plus, contrairement à la thèse de Rabbi Akiva identifiant Tselofhad à l’amasseur de bois le Shabbat (Traité Shabbat 96: b), Rabbi Yehouda ben Batira soutient l’idée que Tselofhad fut l’un de ceux qui décida de monter en Israël, malgré l’interdit formel de l’Eternel survenu à la suite de la médisance des dix explorateurs (Nombres 14: 42):

ש«וַיַּעְפִּלוּ לַעֲלוֹת אֶל-רֹאשׁ הָהָר וַאֲרוֹן בְּרִית-יְהוָה וּמֹשֶׁה לֹא-מָשׁוּ מִקֶּרֶב הַמַּחֲנֶה» (במדבר יד: מד).ש

«Mais ils s’obstinèrent à monter au sommet de la montagne; cependant, ni l’Arche d’Alliance du Seigneur ni Moïse ne bougèrent du milieu du camp». (Nombres 14: 44)

Ainsi מַחְלָה – Ma’hla, נֹעָה No’ah, חָגְלָה Hogla, מִלְכָּה, Milkah et תִרְצָה Tirtsah, sans pour autant nier la faute de leur père, vont s’acharner à défendre sa tenace volonté de monter au Pays, car il est porté et soulevé par la promesse divine en vertu de l’Alliance conclue avec les Patriarches!

Comment alors la communauté, les Sages et les princes d’Israël s’arrogeraient-ils un quelconque monopole et privilège sur la question relative au droit d’hériter de la terre d’Israël en rejetant la requête légitime des filles de Tselofhad d’égalité fondée sur l’amour de leur père pour la terre promise?

[1] Parashat Pin’has, Nombres 25:10- 30: 1

Au plaisir de vous retrouver,

Shabbat shalom!

Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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Une réponse

  1. Et oui, de quel droit un sage, un chef, un prince, un homme peut il s’arroger un droit quelconque sur une femme??? Et la question se pose encore aujourd’hui avec plus ou moins de forces dans tous les pays du monde.

    La signification du prénom de ces 5 femmes est intéressante, se réfèrant au mouvement du corps. Il est à remarquer que lorsque nous bougeons notre corps, on ne peut guère tricher. Ces actions de danser, se mouvoir, faire une ronde, marcher et courir sont en effets les représentations physiques de la pensée intérieure

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Quelques mots sur moi

J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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