L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Pin’has, Séra’h bat Asher, la flamme sacrée d’Israël

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Sarcophage de Toutankhamon

La parashat Pin’has[1] fait mention de Séra’h bat Asher, la fille de Asher, le huitième fils du Patriarche Ya’akov issu de sa servante Zilpa. Séra’h bat Asher demeure pour la plupart d’entre nous une héroïne biblique peu connue car la source biblique ne fait mention d’elle qu’à trois reprises seulement :

יז וּבְנֵי אָשֵׁר יִמְנָה וְיִשְׁוָה וְיִשְׁוִי וּבְרִיעָה, וְשֶׂרַח אֲחֹתָם וּבְנֵי בְרִיעָה חֶבֶר וּמַלְכִּיאֵל. (בראשית מו: יז; דב”ה א, ז: ל)17 Et les enfants d’Asher : Yimna, Yichva, Yichvi, Berïa et Sérah leur sœur; et les fils de Berïa: Héber et Malkïél. (Genèse 46 : 17 ; I Chroniques 7 : 30).
מו וְשֵׁם בַּת-אָשֵׁר שָׂרַח. (במדבר כו: מו)46 Puis la fille d’Asher, nommée Séra’h. (Nombres 26 : 46).

Si cette discrétion de Séra’h bat Asher s’explique par son humilité, les Sages d’Israël vont s’efforcer d’y apporter une interprétation d’ordre historique et spirituel :

«וּמִנַּיִן הָיָה יוֹדֵעַ מֹשֶׁה רַבֵּינוּ הֵיכָן יוֹסֵף קָבוּר? אָמְרוּ: סֶרַח בַּת אָשֵׁר נִשְׁתַּיְּירָה מֵאוֹתוֹ הַדּוֹר. הָלַךְ מֹשֶׁה אֶצְלָהּ, אָמַר לָהּ: כְּלוּם אַתְּ יוֹדַעַת הֵיכָן יוֹסֵף קָבוּר? אָמְרָה לוֹ: אָרוֹן שֶׁל מַתֶּכֶת עָשׂוּ לוֹ מִצְרִים וּקְבָעוּהוּ בְּנִילוּס הַנָּהָר, כְּדֵי שֶׁיִּתְבָּרְכוּ מֵימָיו. הָלַךְ מֹשֶׁה וְעָמַד עַל שְׂפַת נִילוּס, אָמַר לוֹ: יוֹסֵף יוֹסֵף! הִגִּיעַ הָעֵת שֶׁנִּשְׁבַּע הַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא שֶׁאֲנִי גּוֹאֵל אֶתְכֶם, וְהִגִּיעָה הַשְּׁבוּעָה שֶׁהִשְׁבַּעְתָּ אֶת יִשְׂרָאֵל…» (תלמוד בבלי, סוטה יג: א)

« Comment Moïse, notre maître, a-t-il su où était inhumé Yosef ? L’on enseigne que Sera’h bat Asher appartenait à la même génération (celle de Yosef). Moïse se rendit chez elle et lui demanda : ‘Aurais-tu connaissance du lieu où est inhumé Yosef ?’. Elle lui répondit : ‘Les Egyptiens lui ont confectionné un cercueil de métal et l’ont coulé au fond du Nil afin que ses eaux soient bénites’. Moïse alla sur la rive du Nil et l’adjura : ‘Yosef, Yosef , voici venu le temps que le Saint Béni Soit-Il a promis, que je vous délivre, et voici venu le serment que tu as fait jurer à Israël…! » (Talmud de Babylone, Sota 13 : a), à savoir ramener ta dépouille en Erets Israël :

כה וַיַּשְׁבַּע יוֹסֵף אֶת-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל לֵאמֹר פָּקֹד יִפְקֹד אֱלֹהִים אֶתְכֶם וְהַעֲלִתֶם אֶת-עַצְמֹתַי מִזֶּה. (בראשית נ: כה)25 Et Joseph adjura les enfants d’Israël en disant : “le Seigneur se souviendra assurément de vous et alors vous emporterez mes ossements de ce pays.” (Genèse 50 : 25).

Autrement dit, Yosef, en subordonnant sa parole de serment au départ des Hébreux d’Egypte va contraindre ces derniers à accomplir leur promesse, malgré l’intérêt des Egyptiens de le conserver dans les profondeurs du Nil, car ils lui attribueraient l’origine de la bénédiction du Nil.

La suite du traité du Talmud Sota (13: a) rapporte que Moïse adressa une menace à Yosef : “Si tu réponds par l’affirmative, très bien, sinon nous nous sentirons libres de ne point appliquer ton serment et partirons sans toi ». Alors, le cercueil de Yosef émergea miraculeusement et plana au-dessus des eaux du Nil !

Mais les Sages se posent les deux questions suivantes : comment Séra’h bat Asher connaissait-elle le secret de la rédemption d’Israël et comment a-t-elle pu s’en servir en faveur d’Israël ?

Ce secret connu et gardé jalousement par les Patriarches Avraham, Its’hak et Ya’akov et transmis exclusivement à Yosef réside dans les deux mots clés  : « פָּקֹד יִפְקֹד/Pakod Yifkod/Il [l’Eternel] se souviendra/vous visitera assurément ». Yosef a transmis cette clé à ses frères et Asher à son tour à sa fille Sera’h bat Asher. Or, au livre de l’Exode, Moïse s’inquiète auprès de l’Eternel de ne point être reconnu par ses pairs (Exode 3 : 13) dès lors qu’il tentera de libérer ses frères de l’esclavage physique et spirituel qu’ils subissent au cœur de l’empire pharaonique. Alors, l’Eternel décide de transmettre à Moïse la clé qui lui ouvrira la reconnaissance des siens :

טז לֵךְ וְאָסַפְתָּ אֶת-זִקְנֵי יִשְׂרָאֵל וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם יְהוָה אֱלֹהֵי אֲבֹתֵיכֶם נִרְאָה אֵלַי אֱלֹהֵי אַבְרָהָם יִצְחָק וְיַעֲקֹב לֵאמֹר פָּקֹד פָּקַדְתִּי אֶתְכֶם וְאֶת-הֶעָשׂוּי לָכֶם בְּמִצְרָיִם. (שמות ג: טז)16 Empresse-toi de rassembler les anciens d’Israël et dis-leur : ‘L’Éternel, le Seigneur de vos pères, le Seigneur d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, m’est apparu en disant : Je me suis souvenu de vous et de ce qu’on vous fait en Égypte (Exode 3 : 16).

Ainsi lorsque Moïse se rend en Egypte afin de mener à bien sa vocation, les Anciens d’Israël, probablement de la tribu des Levi, vont consulter Séra’h bat Asher, lui demandant si le prophète messager de l’Eternel dit vrai. En entendant les deux mots-clés prononcés par Moïse aux Anciens d’Israël, Ser’ah bat Asher confirme et assure que Moïse n’est autre que le rédempteur d’Israël) Pirkei deRabbi Eliezer 48 : 17). Les Sages d’Israël soutiennent l’idée que l’extraordinaire longévité de Séra’h bat Asher lui a permis de conserver et transmettre la flamme sacrée à sa génération.

Le grand Prophète Moïse, sauvé une première fois par sa sœur Myriam et la fille de Pharaon, Batya, ne doit le succès de sa vocation que grâce à une femme quasiment inconnue de tous, Séra’h bat Asher dont le nom signifierait « soleil » (le nom de Sera’h שֶׂרַח est l’anagramme de « חֶרֶס  – soleil » et de la métamorphose de la consonne שׂ Sin débutant le nom de Séra’h שֶׂרַח  par la consonne « ז Zayn  יִזְרָח – il brillera », cf. Job 9 : 7). Sera’h bat Asher, « le soleil, fille du bonheur » est celle-là même qui, selon la Tradition des Sages d’Israël, fait savoir à Ya’akov que son fils Yosef vit encore et redonnera vie à son grand-père, le troisième Patriarche d’Israël.  

Les plus grands moments de l’Histoire ne résultent pas uniquement de l’héroïsme de grands personnages que les livres retiendront et auxquels l’on édifiera des statuts mais aussi et souvent de personnes anonymes, hommes et femmes qui agissent au nom du Bien de l’Humanité. Le nom de Séra’h peut également se lire « חסר  – ‘HaSseR-  manque, absence ».

Paradoxalement, c’est son anonymat qui fait sa grandeur !

א  שִׁיר הַמַּעֲלוֹת
אַשְׁרֵי כָּל-יְרֵא יְהוָה הַהֹלֵךְ בִּדְרָכָיו.(תהילים קכח : א)
1 Cantique des degrés. Heureux celui qui craint l’Eternel, qui marche dans ses voies! (Psaume 128 : 1).

[1] Parashat Pin’has : Nombres 25 : 10-30 : 1.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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Quelques mots sur moi

J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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