L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Balak, Tu dois protéger l’animal !

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

La parashat Balak[1] évoque l’intention du roi de Moav Balak ben Tsippor de maudire Israël par le biais du prophète-magicien Bil’am. Le texte de la Torah décrit en détail l’attitude négative de Bil’am, alors en chemin vers Moav, à l’égard de son ânesse frappée et fortement violentée par ce dernier.

Comment expliquer l’insertion de ce long passage concernant le lien entre Bil’am et son ânesse alors même que généralement le thème principal qui devrait prioritairement retenir notre attention est celui du renversement des malédictions de Bil’am en bénédictions ?  

En quoi l’attitude néfaste de Bil’am à l’encontre de son ânesse nous renseigne-t-elle sur sa personnalité et sur son échec à maudire Israël ?

Tout débute lorsque l’ânesse de Bi’lam, effrayée car surprise par l’ange du Seigneur, s’écarte du chemin qui devait conduire son maître à maudire le peuple d’Israël :

כג וַתֵּרֶא הָאָתוֹן אֶת-מַלְאַךְ יְהוָה נִצָּב בַּדֶּרֶךְ וְחַרְבּוֹ שְׁלוּפָה בְּיָדוֹ וַתֵּט הָאָתוֹן מִן-הַדֶּרֶךְ וַתֵּלֶךְ בַּשָּׂדֶה; וַיַּךְ בִּלְעָם אֶת-הָאָתוֹן לְהַטֹּתָהּ הַדָּרֶךְ. כד וַיַּעֲמֹד מַלְאַךְ יְהוָה בְּמִשְׁעוֹל הַכְּרָמִים גָּדֵר מִזֶּה וְגָדֵר מִזֶּה. כה וַתֵּרֶא הָאָתוֹן אֶת-מַלְאַךְ יְהוָה וַתִּלָּחֵץ אֶל-הַקִּיר וַתִּלְחַץ אֶת-רֶגֶל בִּלְעָם אֶל-הַקִּיר וַיֹּסֶף לְהַכֹּתָהּכו וַיּוֹסֶף מַלְאַךְ-יְהוָה עֲבוֹר וַיַּעֲמֹד בְּמָקוֹם צָר אֲשֶׁר אֵין-דֶּרֶךְ לִנְטוֹת יָמִין וּשְׂמֹאול. כז וַתֵּרֶא הָאָתוֹן אֶת-מַלְאַךְ יְהוָה, וַתִּרְבַּץ תַּחַת בִּלְעָם וַיִּחַר-אַף בִּלְעָם וַיַּךְ אֶת-הָאָתוֹן בַּמַּקֵּל. (במדבר כב: כג-כז)23 Et l’ânesse, voyant l’ange du Seigneur debout sur son passage et l’épée nue à la main, s’écarta de la route et alla à travers champs ; Balaam frappa l’ânesse pour la ramener sur la route. 24 Alors l’ange du Seigneur se plaça dans un chemin creux entre les vignes, clôture deçà, clôture delà. 25 Et l’ânesse, voyant l’ange du Seigneur, se serra contre le mur, et froissa contre le mur le pied de Bil’am, qui la frappa de nouveau. 26 Mais de nouveau l’ange du Seigneur prit les devants, et il se plaça dans un lieu étroit, où il n’était possible de s’écarter ni à droite ni à gauche. 27 Et l’ânesse, voyant encore l’ange du Seigneur, se coucha sous Bil’am; enflammé de colère, Bil’am la frappa de son bâton. (Nombres 22 : 23-27).

Le texte non seulement précise que Bil’am frappe à trois reprises l’ânesse qui lui a pourtant toujours été fidèle dans tous ses déplacements passés (Nombres 22 : 28; 30) mais note également que ce dernier ose accuser son animal de le maltraiter, alors même que la lecture du texte indique tout le contraire !

כט וַיֹּאמֶר בִּלְעָם לָאָתוֹן כִּי הִתְעַלַּלְתְּ בִּי לוּ יֶשׁ-חֶרֶב בְּיָדִי כִּי עַתָּה הֲרַגְתִּיךְ. (במדבר כב: כט)29 Et Bil’am répondit à l’ânesse : “Parce que tu me maltraites ! Si je tenais une épée, certes, je te tuerais sur l’heure !” (Nombres 22 : 29).

Bil’am va jusqu’à menacer son ânesse de mort pour s’être à peine écartée du chemin !

Bil’am est l’antinomie de Moïse. En effet, alors que Moïse, seul dans le désert, prend grand soin du troupeau de son beau-père Yitro, Bil’am frappe et insulte son ânesse. S’il est juste d’affirmer que les grands chefs charismatiques porteurs d’un message salvateur ont d’abord été de bons bergers, l’on peut penser de la même manière qu’un chef qui échoue dans sa mission s’est d’abord avéré être un mauvais berger qui ne peut qu’échouer dans sa mission, comme on le constate avec Bil’am qui, ayant maltraité sa fidèle ânesse, finit par vouloir maudire Israël. Ainsi si Bil’am échoue dans sa triple tentative de maudire (Nombres 24 : 10), cela peut tenir au fait qu’il ait par trois fois frappé violemment son ânesse. Bil’am ne comprend à aucun moment le sens divin de l’épreuve de l’ânesse et en faisant montre de sa totale ingratitude à l’égard de cette dernière, il lui arrive de perdre la face (Nombres 22 : 32). Alors que Bil’am est brusquement frappé de cécité et de mutisme spirituels, l’animal qui voit l’ange comme un être humain est soudainement doué de la parole humaine !

En effet, le texte biblique octroie ironiquement à l’animal, l’ânesse, la faculté prophétique d’apercevoir l’ange divin, contrairement à Bil’am qui, supposé connaître les intentions du Très-Haut, est frappé de cécité spirituelle et reste incapable de percevoir la présence du messager divin.

La Torah s’oppose clairement à toute forme de maltraitance animale en dénonçant haut et fort dans la parashat Balak la conduite inappropriée, irrespectueuse et honteuse de Bil’am.

L’interdit de faire souffrir l’animal – אִסּוּר צַעַר בַּעֲלֵי-חַיִּים Yissour Tsa’ar Baaley-‘Hayim- constitue l’un des plus grands fondements de la Torah. Il prévaut même s’il s’agit de l’animal de celui qui nous hait :

ה כִּי-תִרְאֶה חֲמוֹר שֹׂנַאֲךָ רֹבֵץ תַּחַת מַשָּׂאוֹ וְחָדַלְתָּ מֵעֲזֹב לוֹ עָזֹב תַּעֲזֹב עִמּוֹ. (שמות כג: ה) 5 “Si tu vois l’âne de celui qui te hait succomber sous sa charge, garde-toi de l’abandonner ; aide-le au contraire à le décharger (Exode 23 : 5).

Moïse prend grand soin du bétail que Yithro lui confie, ce qui conduit l’Eternel, à la Parashah précédente, la Parashat ‘Houkat, à lui confier la tâche d’abreuver l’ensemble du peuple d’Israël sans omettre le bétail de ce dernier :

ח קַח אֶת-הַמַּטֶּה וְהַקְהֵל אֶת-הָעֵדָה אַתָּה וְאַהֲרֹן אָחִיךָ וְדִבַּרְתֶּם אֶל-הַסֶּלַע לְעֵינֵיהֶם וְנָתַן מֵימָיו וְהוֹצֵאתָ לָהֶם מַיִם מִן-הַסֶּלַע וְהִשְׁקִיתָ אֶת-הָעֵדָה וְאֶת-בְּעִירָם. (במדבר כ: ח)8 “Prends ton bâton et assemble la communauté, toi ainsi qu’Aaron ton frère, et dites au rocher, en leur présence, de donner ses eaux: tu feras couler, pour eux, de l’eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail.” (Nombres 20 : 8).

A cela s’ajoute l’obligation de nourrir l’animal en priorité avant même que nous ne satisfaisions nos propres besoins de consommation :

טו וְנָתַתִּי עֵשֶׂב בְּשָׂדְךָ לִבְהֶמְתֶּךָ וְאָכַלְתָּ וְשָׂבָעְתָּ. (דברים יא : טו) 15 Et Je [l’Eternel] donnerai l’herbe dans ton champ pour ton bétail puis tu mangeras et tu seras rassasié (Deutéronome 11 : 15).

L’animal selon la Torah doit comme son maître se reposer au Jour du Shabbat. L’égalité absolue entre l’Homme et l’animal est ici clairement établie :

יב שֵׁשֶׁת יָמִים תַּעֲשֶׂה מַעֲשֶׂיךָ וּבַיּוֹם הַשְּׁבִיעִי תִּשְׁבֹּת לְמַעַן יָנוּחַ שׁוֹרְךָ וַחֲמֹרֶךָ וְיִנָּפֵשׁ בֶּן-אֲמָתְךָ וְהַגֵּר. (שמות כז: יב)12 Six jours durant tu t’occuperas de tes travaux, mais au septième jour tu chômeras ; afin que ton bœuf et ton âne se reposent, que puissent respirer le fils de ton serviteur et l’étranger. (Exode 23 : 12).

Nos sociétés doivent dès aujourd’hui, au nom de la Compassion et de la Justice, mettre un terme aux cruelles souffrances inutiles que subissent les animaux d’élevage qui, généralement destinés à être abattus, ne deviennent que des produits utilitaristes et industriels prêts à satisfaire éphémèrement le besoin hédoniste de hommes. L’on estime à 70 milliards le nombre d’animaux abattus chaque année à travers le monde.

Si certes la Torah n’octroie point explicitement de droits à l’animal, elle place l’Homme devant ses devoirs et ses responsabilités. Accepter en fermant les yeux que des millions d’animaux doués de conscience puissent subir les plus grandes souffrances physiques et mentales dans les traversées maritimes fait-il de nous des hommes considérés comme étant « כֶּתֶר־הַבְּרִיאָה la couronne de la Création » ?  L’expérimentation sur l’animal est-elle encore nécessaire et légitime ? La production de millions d’œufs dans des batteries allumées jour et nuit au détriment des poules devenues des machines à pondre se justifie-t-elle encore aujourd’hui ? Accepter la protection d’animaux de compagnie – qui accepterait que son chien ou son chat soit violenté – et rejeter celle du gros et petit bétail ne relève-t-il point d’une lacune morale collective qu’il nous faut réparer ?

Extraire des millions de poissons de leur élément naturel et les voir mourir asphyxiés n’est-il point contraire au projet divin d’étendre la Vie partout sur notre si merveilleux Globe ?

ט  טוֹב-יְהוָה לַכֹּל  וְרַחֲמָיו עַל-כָּל-מַעֲשָׂיו… יז  צַדִּיק יְהוָה בְּכָל-דְּרָכָיו וְחָסִיד בְּכָל-מַעֲשָׂיו. (תהלים קמה: ט; יז)9 L’Eternel est bon pour tous, sa pitié s’étend à toutes ses créatures… 17 L’Eternel est juste en toutes ses voies, et généreux en tous ses actes.  (Psaume 145 : 9; 17).

N’est-il pas temps de prendre en compte l’animal comme un être à part entière qu’il nous incombe de respecter ? Même si la Déclaration universelle des droits de l’animal proclamée officiellement le 15 octobre 1978 à la Maison de l’UNESCO ne détient aucune valeur juridique contraignante, elle n’en constitue pas moins une prise de position significative d’ordre éthique visant à modifier durablement notre vision sur l’animal, créature qui, comme l’Homme, a été créée par l’Eternel. Le Préambule de cette Déclaration repose sur l’idée directrice selon laquelle « le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des hommes entre eux ».

Là où les hommes échoueront dans leur rapport à l’animal, ils en viendront à échouer dans leur rapport à autrui. L’exemple de Bil’am constitue un exemple éloquent de cet échec. C’est la raison pour laquelle l’Eternel introduit dans la bouche de Bil’am des paroles de bénédiction faisant allusion à de nombreux animaux symbolisant la puissance future du peuple d’Israël :

ח אֵל מוֹצִיאוֹ מִמִּצְרַיִם כְּתוֹעֲפֹת רְאֵם לוֹ יֹאכַל גּוֹיִם צָרָיו וְעַצְמֹתֵיהֶם יְגָרֵם וְחִצָּיו יִמְחָץ. (במדבר כד : ח)8 Quand le Seigneur le fit sortir de l’Egypte, son élan fut celui du réêm (oryx); il dévore les peuples qui l’attaquent, il brise leurs os, trempe ses flèches dans leur sang.(Nombres 24 : 8).

La Sagesse d’Israël enseigne :

י  יוֹדֵעַ צַדִּיק נֶפֶשׁ בְּהֶמְתּוֹ  וְרַחֲמֵי רְשָׁעִים אַכְזָרִי. (משלי יב: י).10 Le juste respecte la vie [a le souci du bien-être] de ses bêtes ; mais la commisération des méchants est cruelle. (Proverbes 12 : 10).

[1] Parashat Balak : Nombres 22 : 2-25 : 9.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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