L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat VaYikra, Méditation sur l’Appel divin

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Mont Sinaï, Aka Jebel Musa, 2285 mètres, Péninsule du Sinaï en Egypte

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La parashat VaYikra[1], la première péricope du livre du Lévitique dénommé aussi Torat HaCohanim (l’Enseignement des Serviteurs), débute par le verbe “וַיִּקְרָא/VaYikra, il appela” dont la racine verbale est ק.ר.א../Q.R.A. (Lévitique 1: 1):

א וַיִּקְרָא אֶל-מֹשֶׁה וַיְדַבֵּר יְהוָה אֵלָיו מֵאֹהֶל מוֹעֵד לֵאמֹר. (ויקרא א: א)1 Et l’Éternel appela Moïse, et lui parla, de la Tente d’assignation, en ces termes (Lévitique 1 : 1).

Quel peut être le sens de ce verbe ” וַיִּקְרָא VaYikra, il appela” placé au tout début du livre du Lévitique dont l’un des thèmes principaux concerne les sacrifices ?

A titre de comparaison, le Seigneur “appela” de la même manière la lumière et les ténèbres:

ה וַיִּקְרָא אֱלֹהִים לָאוֹר יוֹם וְלַחֹשֶׁךְ קָרָא לָיְלָה וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם אֶחָד. (בראשית א: ה)5 Et le Seigneur appela la lumière jour, et les ténèbres, il les appela Nuit. Il fut soir, il fut matin, un jour. (Genèse 1 : 5).

Le verbe ” וַיִּקְרָא VaYikra, il appela” dans le contexte de la Création du monde a le sens de “définir, donner un nom”. Autrement dit, le fait même de nommer l’essence des choses leur prodigue une réelle existence.

Aussi l’Eternel prodigue-t-il à l’Homme Son pouvoir de définir son environnement naturel :

כ וַיִּקְרָא הָאָדָם שֵׁמוֹת לְכָל-הַבְּהֵמָה וּלְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּלְכֹל חַיַּת הַשָּׂדֶה… (בראשית ב: כ). כ וַיִּקְרָא הָאָדָם שֵׁם אִשְׁתּוֹ חַוָּה:  כִּי הִוא הָיְתָה אֵם כָּל-חָי. (בראשית ג: כ)20 Et l’homme dénomma tous les animaux qui paissent, aux oiseaux du ciel, à toutes les bêtes sauvages… (Genèse 2 : 20).     20 L’homme donna pour nom à sa compagne “Ève” parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. (Genèse 3 : 20).

En quelque sorte, l’instant où le monde émerge du vide est celui-là même où nous décidons de traduire, d’interpréter en mots la réalité palpable créée par l’Eternel. Cette tâche de dénomination n’appartient qu’à l’Homme.

Mais ce verbe ” וַיִּקְרָא VaYikra, il appela”, au-delà du sens donné aux choses de la nature, donne également un sens à l’Histoire:

כ וַיֵּרֶד יְהוָה עַל-הַר סִינַי אֶל-רֹאשׁ הָהָר וַיִּקְרָא יְהוָה לְמֹשֶׁה אֶל-רֹאשׁ הָהָר וַיַּעַל מֹשֶׁה. (שמות יט: כ). ד וַיִּקְרָא יְהוָה אֶל-שְׁמוּאֵל וַיֹּאמֶר הִנֵּנִי. (שמואל א ג: ד)20 Et le Seigneur, étant descendu sur le mont Sinaï, sur la cime de cette montagne, y appela Moïse; Moïse monta (Exode 19 : 20).   4 Et l’Eternel appela Samuel, qui répondit: “Me voici!” (I Samuel 3: 4).

L’appel du Seigneur revêt toujours une dimension de portée historique. De profonds bouleversements doivent être attendus. L’appel transforme le personnage biblique qui à son tour va métamorphoser l’Histoire mondiale.  Moïse est appelé par l’Eternel pour accomplir la vocation de toute une vie, celle de libérer ses frères de l’esclavage, de la tyrannie pharaonique. N’y a-t-il point de vocation plus noble que celle de Moïse ?

ד וַיַּרְא יְהוָה, כִּי סָר לִרְאוֹת וַיִּקְרָא אֵלָיו אֱלֹהִים מִתּוֹךְ הַסְּנֶה וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה מֹשֶׁה וַיֹּאמֶר הִנֵּנִי. (שמת ג: ד)4 Et l’Éternel vit qu’il [Moïse] s’approchait pour regarder; alors le Seigneur l’appela du sein du buisson, disant: “Moïse! Moïse!” Et il répondit: “Me voici.” (Exode 3: 4).

Tous les grands évènements de l’Histoire d’Israël débutent par l’appel divin. 

L’Homme répondra-t-il à cet appel ? Moïse, comme la plupart des prophètes d’Israël, s’il répond d’emblée “הִנֵּנִי/Hinneni Me voici, je réponds présent”, s’efforce a posteriori de fuir cet appel, car il prend conscience qu’il est chargé d’une lourde responsabilité qui semble le dépasser. La réponse “הִנֵּנִי/Hinneni, Me voici présent, je suis totalement disposé à te servir” engage en retour l’Eternel :

י וַיָּבֹא יְהוָה וַיִּתְיַצַּב וַיִּקְרָא כְפַעַם-בְּפַעַם שְׁמוּאֵל שְׁמוּאֵל וַיֹּאמֶר שְׁמוּאֵל דַּבֵּר כִּי שֹׁמֵעַ עַבְדֶּךָ. (שמואל א, ג: י)10 Et le Seigneur vint, s’arrêta là et appela comme il avait fait chaque fois: “Samuel!…. Samuel!…” Et Samuel dit: “Parle, ton serviteur écoute.” (I Samuel 3: 10).

L’exemple du roi Shaül [Saül] est à ce propos éloquent :

כו וַיַּשְׁכִּמוּ וַיְהִי כַּעֲלוֹת הַשַּׁחַר וַיִּקְרָא שְׁמוּאֵל אֶל-שָׁאוּל הגג (הַגָּגָה) לֵאמֹר קוּמָה וַאֲשַׁלְּחֶךָּ וַיָּקָם שָׁאוּל וַיֵּצְאוּ שְׁנֵיהֶם הוּא וּשְׁמוּאֵל הַחוּצָה. (שמואל א, ט: כו)26 Et ils se levèrent de bonne heure, et, dès que parut le jour, Samuel appela Saül sur le toit et lui dit: “Apprête-toi, que je te reconduise.” Saül obéit, et ils sortirent tous deux ensemble. (I Samuel 9 : 26).

Samuel, juge-prophète, appelle Shaül afin de le préparer à sa future vocation de roi d’Israël, celle de préserver les fils d’Israël contre ses ennemis, en particulier contre Amaleq. Shaül échoue dans l’accomplissement de sa vocation, au sens qu’il ne répond pas à l’appel divin. Bien plus, il le révise à sa manière. L’oint du Seigneur ou le prophète n’a pas d’autre choix que de répondre à l’Appel divin et de réussir pleinement. La voix du Seigneur ouvre la voie à un meilleur monde. Réussir sa vocation pour le bien d’autrui ou du peuple, c’est avant tout être capable d’écouter, de comprendre et d’obéir à la Parole divine :

א וַיֹּאמֶר שְׁמוּאֵל אֶל-שָׁאוּל אֹתִי שָׁלַח יְהוָה לִמְשָׁחֳךָ לְמֶלֶךְ, עַל-עַמּוֹ עַל-יִשְׂרָאֵל וְעַתָּה שְׁמַע לְקוֹל דִּבְרֵי יְהוָה. (שמואל א, טו: א)1 Et Samuel dit un jour à Saül: “C’est moi que le Seigneur avait envoyé pour te sacrer roi de son peuple Israël; maintenant donc, écoute les Paroles du Seigneur. (I Samuel 15 : 1).

Après l’échec de Shaül épargnant le roi d’Amaleq, Agag, Samuel lui dit:

כב וַיֹּאמֶר שְׁמוּאֵל הַחֵפֶץ לַיהוָה בְּעֹלוֹת וּזְבָחִים כִּשְׁמֹעַ בְּקוֹל יְהוָה הִנֵּה שְׁמֹעַ מִזֶּבַח טוֹב לְהַקְשִׁיב מֵחֵלֶב אֵילִים. כג כִּי חַטַּאת-קֶסֶם מֶרִי וְאָוֶן וּתְרָפִים הַפְצַר יַעַן מָאַסְתָּ אֶת-דְּבַר יְהוָה וַיִּמְאָסְךָ מִמֶּלֶךְ. (שמואל א, טו: כב-כג)22 Et Samuel répondit “Des holocaustes, des sacrifices ont-ils autant de prix aux yeux de l’Eternel que l’obéissance à la voix divine? Ah! L’obéissance vaut mieux qu’un sacrifice, et la soumission que la graisse des béliers! 23 Mais la rébellion est coupable comme la magie, et l’insubordination comme le crime d’idolâtrie. Puisque tu as repoussé la parole de l’Eternel, il te repousse de la royauté.” (I Samuel 15: 22-23).

L’échec tragique de Shaül, échec qui le conduira à sa perte et à son déclin, permet de mieux comprendre le premier terme ” וַיִּקְרָא VaYikra, il appela” du livre du Lévitique. L’Eternel rappelle Moïse pour lui dire toute son empathie pour avoir toujours répondu à sa vocation et s’être sacrifié corps et âme pour le peuple d’Israël à la nuque raide.

Rashi commente :

“וַיִּקְרָא אֶל-מֹשֶׁה: לְכָל דִּבְּרוֹת וּלְכָל אֲמִירוֹת וּלְכָל צִוּוּיִם, קָדְמָה קְרִיאָה לְשׁוֹן חִבָּה” (רש”י על הפסוק ויקרא א: א).

Il appela Moïse: Toutes les fois que l’Eternel s’est adressé à Moïse en lui ‘parlant’, en lui ‘disant’ et en lui ‘ordonnant’, il a commencé par ‘l’appeler’, ce qui exprime l’affection” (Rashi sur le verset Lévitique 1: 1).

Cette notion d’amour, d’amitié profonde et d’affection sincère est directement liée au verbe “appeler”, comme nous l’apprend l’épisode au cours duquel Yehonathan (Jonathan) fit part à David de sa rencontre avec son père Shaül pour le préserver de la mort:

ז וַיִּקְרָא יְהוֹנָתָן לְדָוִד וַיַּגֶּד-לוֹ יְהוֹנָתָן אֵת כָּל-הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה וַיָּבֵא יְהוֹנָתָן אֶת-דָּוִד אֶל-שָׁאוּל וַיְהִי לְפָנָיו כְּאֶתְמוֹל שִׁלְשׁוֹם. (שמואל א, יט: ז)7 Alors Jonathan appela David et lui fit part de tout cet entretien; puis il l’introduisit auprès de Saül, et il se tint devant lui comme par le passé. (I Samuel 19 : 7).

Autrement dit, ce ne sont point les sacrifices énumérés dans le Lévitique qui importent le plus mais surtout la capacité pour chaque homme, sur le modèle de Moïse, de répondre à sa vocation, à sa voix intérieure, expression de la Volonté divine. Sommes-nous capables de répondre à notre vocation véritable? N’avons-nous pas manqué notre vocation par peur des lourdes responsabilités et du sacrifice personnel? 

Notre travail quotidien consiste à écouter sans cesse la voix de notre conscience et à nous préparer à sacrifier une part de nous-mêmes car toute consécration n’est rendue possible que par l’accomplissement de notre vocation qui ne va point sans une part de sacrifice.

L’ensemble du peuple d’Israël, dans le contexte de la guerre ‘Harvot Barzel (“Epées de Fer”) est disposé à se sacrifier pour la libération des otages restants et à mettre fin au terrorisme du Hamas. Israël répond, encore une fois, à sa vocation de défendre le principe fondamental de Justice pour les siens mais aussi pour le monde entier.

ו כִּי חֶסֶד חָפַצְתִּי וְלֹא-זָבַח וְדַעַת אֱלֹהִים מֵעֹלוֹת. (הושע ו: ו)6 C’est que Je [L’Eternel] prends plaisir à l’amour et non au sacrifice, Je préfère la connaissance du Seigneur aux holocaustes (Osée 6 : 6).

[1] Parashat VaYikra: Lévitique 1: 1-5: 26.

Shabbat shalom!

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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