A la lueur des derniers évènements sécuritaires en Israël – le tir de plus de 880 missiles[1] par le mouvement terroriste du Jihad islamique à partir de la Bande de Gaza, deux versets de la parashat BeHar[2] ont particulièrement retenu mon attention :
| יח וַעֲשִׂיתֶם אֶת-חֻקֹּתַי וְאֶת-מִשְׁפָּטַי תִּשְׁמְרוּ וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם וִישַׁבְתֶּם עַל-הָאָרֶץ לָבֶטַח. יט וְנָתְנָה הָאָרֶץ פִּרְיָהּ וַאֲכַלְתֶּם לָשֹׂבַע וִישַׁבְתֶּם לָבֶטַח עָלֶיהָ. (ויקרא כה: יח-יט) | 18 Et vous pratiquerez mes lois et vous garderez mes statuts et vous les pratiquerez, alors vous demeurerez dans le pays en sécurité. 19 La terre donnera ses fruits, dont vous vous nourrirez à satiété, et vous y résiderez en toute quiétude. (Lévitique 25 : 18-19). |
Dans ces deux versets, la Torah conditionne la paix et l’abondance en Erets Israël à la pratique des mitsvoth appelées d’une part ‘Houkotaï / חֻקֹּתַי (‘mes lois’) et d’autre part Mishpataï/ מִשְׁפָּטַי(‘mes jugements’).
Les premières lois ‘Houkot חֻקּוֹת sont d’ordre irrationnel. Il s’agit, entre autres, des règles de cashrout relatives à la consommation d’animaux dits purs. Seuls les mammifères possédant à la fois le sabot fendu et appartenant à la famille des ruminants sont autorisés à être consommés. Quant aux poissons, seuls ceux qui possèdent des nageoires et des écailles sont permis à la consommation. Si de nombreuses interprétations sont possibles, à aucun moment la Torah ne donne d’explication explicite de ces lois rigoureuses de cashrout.
Quant aux jugements מִשְׁפָּטִים Mishpatim énumérés dans la parashat Mishpatim (Exode 21 : 1-24 : 18), il s’agit de lois rationnelles couvrant à la fois les champs du civil et du pénal qui visent à préserver l’ordre public et le bien-être social. Une de ces lois, par exemple, impose à celui qui construit une maison d’édifier une rambarde sur le toit afin d’éviter toute chute susceptible d’être causée accidentellement :
| ח כִּי תִבְנֶה בַּיִת חָדָשׁ וְעָשִׂיתָ מַעֲקֶה לְגַגֶּךָ וְלֹא-תָשִׂים דָּמִים בְּבֵיתֶךָ כִּי-יִפֹּל הַנֹּפֵל מִמֶּנּוּ. (דברים כב: ח) | 8 Quand tu bâtiras une maison neuve, tu établiras un appui autour du toit, pour éviter que ta maison soit cause d’une mort, si quelqu’un venait à en tomber. (Deutéronome 22 : 8). |
Dans le livre du Deutéronome, il est fait mention d’un temps futur au cours duquel Israël accèdera à son indépendance et à la libération du joug coercitif et aliénant des nations :
| ט כִּי לֹא-בָאתֶם עַד-עָתָּה אֶל-הַמְּנוּחָה וְאֶל-הַנַּחֲלָה אֲשֶׁר-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ. י וַעֲבַרְתֶּם אֶת-הַיַּרְדֵּן וִישַׁבְתֶּם בָּאָרֶץ אֲשֶׁר-יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם מַנְחִיל אֶתְכֶם וְהֵנִיחַ לָכֶם מִכָּל-אֹיְבֵיכֶם מִסָּבִיב וִישַׁבְתֶּם-בֶּטַח. (דברים יב: ט-י) | 9 C’est que vous n’avez pas encore atteint la possession tranquille, l’héritage que l’Éternel, ton Seigneur, te réserve. 10 Mais quand, le Jourdain passé, vous serez fixés dans le pays que l’Éternel, votre Seigneur, vous donne en héritage ; quand il vous aura délivrés de tous vos ennemis d’alentour et que vous vivrez en sécurité… (Deutéronome 12 : 9-10). |
Le respect de toutes ces lois pratiquées en Erets Israël constitue le fondement de la sécurité d’Israël face à l’hostilité et à la vindicte des nations. Ce sont ces lois qui font d’Israël « un royaume de servants (cohanim) et une nation séparée (‘sainte’) » (Exode 19 : 6).
L’on peut donc affirmer que le retour du peuple d’Israël sur sa terre, depuis le mouvement des premiers pionniers jusqu’à la création historique de l’état hébreu en 1948 constitue la réalisation de la promesse divine, en ce sens que les fondateurs historiques[3] portaient dans leur cœur le souffle divin de l’expression nationale du joug divin même si tous n’en avaient point toujours conscience. Au joug de la pratique de la loi respectée par les pionniers de la première Alya (1882-1903) puis délaissée par la Seconde Alya dont faisait partie David ben Gourion, s’ajoute une forme mystique du joug du royaume des cieux dont la forme moderne recouvre l’amour passionné[4] et sans condition pour la terre-le sol d’Israël, amour qui va finalement conduire, après deux mille ans d’exil, à l’indépendance de l’état hébreu.
Alors que le joug des mitsvoth apparaît clairement dans les deux premiers versets de notre étude, pouvons-nous y trouver également la notion de ‘joug du royaume des cieux’ ?
Le terme « LaVeTa’H/ לָבֶטַח en sécurité » a pour racine hébraïque ב.ט.ח. qui signifie également « avoir confiance » en l’Eternel :
| יא וְיִבְטְחוּ בְךָ יוֹדְעֵי שְׁמֶךָ כִּי לֹא-עָזַבְתָּ דֹרְשֶׁיךָ יְהוָה. (תהלים ט: יא) | 11 Et ils se sont confiés en toi ceux qui connaissent ton nom ; car tu ne délaisses point, Eternel, ceux qui te recherchent. (Psaume 9 : 11). |
Ainsi de la même manière qu’Israël met toute sa confiance en l’Alliance l’unissant à l’Eternel, l’Eternel épanche sa lumière protectrice sur l’ensemble d’Israël ! La confiance en la Présence divine « génère », d’une certaine manière, la Providence divine.
Le fait même que le miracle permanent de l’état d’Israël soit devenu une réalité palpable démontre que le peuple d’Israël considéré dans son ensemble remplit en grande partie et de manière significative sa vocation spirituelle, celle de devenir une lumière pour les nations par le respect de ces lois et surtout par ce sentiment profond de confiance en la Présence divine quotidienne. Les expressions « בָּעֶזְרַת-הַשֵּׁםBeEzrat Hashem, Avec l’aide du Nom » ou « בָּרוך הַשֵּׁם Baroukh HaShem que le Nom soit béni » sont forme courante dans l’ensemble de la société israélienne et plus généralement dans le peuple d’Israël. N’oublions jamais que le peuple d’Israël, en dépit de sa grande diversité, reste néanmoins UN et indivisible. Cette unité qui découle de la Qedousha – Sainteté- n’est en rien individuelle mais toujours collective dans la source biblique :
| ב דַּבֵּר אֶל-כָּל-עֲדַת בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם קְדֹשִׁים תִּהְיוּ כִּי קָדוֹשׁ אֲנִי יְהוָה אֱלֹהֵיכֶם. (ויקרא יט: ב) | 2 “Parle [toi Moïse] à toute la communauté-témoin des enfants d’Israël et dis-leur : Soyez saints [séparés] ! Car Je suis Saint [Séparé], moi l’Éternel, votre Seigneur (Lévitique 19 : 2). |
Israël est un état qui n’est ni théocratique comme y aspiraient Samuel et Guid’on, ni laïc, terme qui, par ailleurs, n’existe nullement dans la Tradition hébraïque. Israël est un état qui, tout en reposant sur un système judiciaire moderne et démocratique, se fonde sur de nombreuses lois religieuses et sociales comme celle du Shabbat et de toutes les fêtes bibliques qui font l’unanimité au sein de la nation fière de sa Tradition. Autrement dit, Israël constitue le seul état démocratique au monde à respecter la journée du Shabbat comme l’ordonnent les Dix Paroles !
La Tradition hébraïque écrite et orale n’a jamais cessé d’inspirer et de nourrir de grands penseurs comme Martin Buber, de grands écrivains comme Shay Agnon, prix Nobel de Littérature (1966), de grands poètes comme Haïm Na’hman Bialik et de célèbres chansonniers israéliens comme Naomi Shemer et Yehoram Gaon. Comme l’annonce déjà le premier Grand Rabbin ashkénaze de la Palestine mandataire, Avraham Its’hak HaCohen Kook, au début du XXe siècle, une nouvelle culture hébraïque est appelée à naître dans le futur état hébraïque.
Nombreux sont les textes bibliques rappelant le lien existant entre l’abondance culturelle, le bien-être matériel, la paix et la confiance mise en l’Eternel :
| כז וְנָתַן עֵץ הַשָּׂדֶה אֶת-פִּרְיוֹ וְהָאָרֶץ תִּתֵּן יְבוּלָהּ וְהָיוּ עַל-אַדְמָתָם לָבֶטַח וְיָדְעוּ כִּי-אֲנִי יְהוָה בְּשִׁבְרִי אֶת-מֹטוֹת עֻלָּם וְהִצַּלְתִּים מִיַּד הָעֹבְדִים בָּהֶם. (יחזקאל לד: כז) | 27 Et l’arbre des champs donnera son fruit, la terre donnera son produit, ils seront sur leur sol en sécurité, et ils sauront que je suis l’Eternel, quand je briserai les barres de leur joug et les délivrerai de ceux qui les ont asservis. (Ezéchiel 34 : 27). |
| ה וַיֵּשֶׁב יְהוּדָה וְיִשְׂרָאֵל לָבֶטַח אִישׁ תַּחַת גַּפְנוֹ וְתַחַת תְּאֵנָתוֹ מִדָּן וְעַד-בְּאֵר שָׁבַע כֹּל יְמֵי שְׁלֹמֹה. (מלכים א, ה: ה) | 5 Et Juda et Israël, pendant toute la vie de Salomon, demeurèrent en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier, depuis Dan jusqu’à Beer Sheva. (I Rois 5 : 5). |
Cette confiance absolue en le Maître du monde est la source de la pérennité de la nation d’Israël. Les fondateurs de l’état d’Israël l’ont si bien compris qu’ils ont inclus, en guise de conclusion à la Déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, l’expression « בִּטָּחוֹן בְּצוּר יִשְׂרָאֵל, Confiance en le Rocher d’Israël » :
« מִתּוֹךְ בִּטָּחוֹן בְּצוּר יִשְׂרָאֵל הִנְנוּ חוֹתְמִים בַּחֲתִימַת יָדֵנוּ לְעֵדוּת עַל הַכְרָזָה זוֹ, בְּמוֹשַׁב מוֹעֶצֶת הַמְּדִינָה הַזְּמַנִּית, עַל אַדְמַת הַמּוֹלֶדֶת, בָּעִיר תֵּל-אָבִיב, הַיּוֹם הַזֶּה, עֶרֶב שַׁבָּת, ה’ אִיָּר תש”ח, 14 בְּמַאי 1948. »
« Confiants en le Rocher d’Israël[5], nous signons cette Déclaration en cette séance du Conseil provisoire de l’État, sur le sol de la Patrie dans la ville de Tel-Aviv, cette veille de Chabbat, 5 Iyar 5708, 14 mai 1948
[1] A l’heure où sont écrites ces lignes.
[2] Parashat Behar-BeHoukotay : Lévitique 25 : 1-27 : 34.
[3] Ces fondateurs, même ceux d’entre eux qui devinrent laïcs, furent éduqués dans la Tradition hébraïque. C’est tout naturellement que, pour fonder l’Etat d’Israël et se donner des institutions, ils puisèrent dans cette même Tradition millénaire.
[4] Cf. le mouvement sioniste ‘Hibat Tsion חִיבַּת צִיוֹן (‘l’amour de Sion’) ouחוֹבְבֵי צִיוֹן (‘les amants de Sion’) (fin du XIXe siècle).
[5] L’expression « צוּר יִשְׂרָאֵל Rocher d’Israël » fait référence à la Providence permanente de l’Eternel- Cf. Psaume 18 : 32.
Shabbat shalom !
Haïm Ouizemann
