L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Haftarat Shofetim, l’Eveil d’Israël, le Sionisme en marche

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

« A Bâle, j’ai créé l’Etat juif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, tout le monde se moquerait de moi. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante ans sûrement, tout le monde acquiescera. » (Théodore Herzl, 3 Septembre 1897)

Cette haftarah[1] se caractérise sur le plan rhétorique par ses nombreuses anaphores apparaissant sous forme de doubles répétitions :

יב אָנֹכִי אָנֹכִי הוּא מְנַחֶמְכֶם… יז הִתְעוֹרְרִי הִתְעוֹרְרִי קוּמִי יְרוּשָׁלִַם… (ישעיהו נא: יב; יז)12 C’est moi, c’est moi qui vous console ! … 17 Réveille-toi, réveille-toi ! Lève-toi, Jérusalem !… (Isaïe 51 : 12 ; 17).
א עוּרִי עוּרִי לִבְשִׁי עֻזֵּךְ צִיּוֹן… יא סוּרוּ סוּרוּ צְאוּ מִשָּׁם! (ישעיהו נב: א; יא)1 Réveille-toi, réveille-toi ! Pare-toi de ta force, ô Sion !… 11 Eloignez-vous, éloignez-vous, quittez ces lieux ! (Isaïe 52 : 1 ; 11).

Ces anaphores répétitives ont pour dessein de conduire le peuple d’Israël à prendre conscience que l’heure du grand Retour en Erets Israël est proche. Israël doit se préparer à abandonner la nuit de l’exil dans le dessein de construire un nouveau monde :

טז וָאָשִׂם דְּבָרַי בְּפִיךָ וּבְצֵל יָדִי כִּסִּיתִיךָ לִנְטֹעַ שָׁמַיִם וְלִיסֹד אָרֶץ וְלֵאמֹר לְצִיּוֹן עַמִּי-אָתָּה. (ישעיהו נא: טז)16 Et J’ai déposé mes paroles dans ta bouche, et Je t’ai abrité à l’ombre de ma main, voulant planter de [nouveaux] cieux et réédifier la terre, et dire à Sion : “Tu es mon peuple !” (Isaïe 51 : 16).

Isaïe est, comme nous l’avions déjà mentionné à la haftarat Devarim, le prophète du Tikkoun HaOlam, de la Réparation du monde, notion que nous retrouvons également chez le prophète Isaïe (65 : 17). Israël, en retournant sur sa terre, celle promise aux Patriarches, mettra fin à la souffrance humaine sur l’ensemble de la Terre.  

Outre ces anaphores, un autre effet de style se dégage tout au long de la lecture de la haftarah, en l’occurrence la répétition du terme AMI/ עַמִּי /Mon peuple. )Isaïe 51 : 16 ; 52 : 4-6). Ce terme exprimant l’intimité profonde régnant entre l’Eternel et Son peuple se retrouve très largement dans le livre de l’Exode (Exode 9 : 1), lors de la Sortie d’Egypte.

Pourquoi le prophète insiste tant sur cette notion d’éveil ?

ב הִתְנַעֲרִי מֵעָפָר קוּמִי שְּׁבִי יְרוּשָׁלִָם התפתחו (הִתְפַּתְּחִי) מוֹסְרֵי צַוָּארֵךְ שְׁבִיָּה בַּת-צִיּוֹן. (ישעיהו נב: ב) 2 Secoue ta poussière, lève-toi, assieds-toi, Jérusalem ! Débarrasse ton cou des liens qui l’enserrent, ô captive, fille de Sion ! (Isaïe 52 : 2).  

Israël, comparée à une femme endormie par le poison administré par l’Eternel en raison de sa turpitude, est rassuré par l’Eternel qui lui promet de mettre un terme à ce même poison, à savoir l’exil de l’aliénation :

כב כֹּה-אָמַר אֲדֹנַיִךְ יְהוָה וֵאלֹהַיִךְ יָרִיב עַמּוֹ הִנֵּה לָקַחְתִּי מִיָּדֵךְ אֶת-כּוֹס הַתַּרְעֵלָה, אֶת-קֻבַּעַת כּוֹס חֲמָתִי לֹא-תוֹסִיפִי לִשְׁתּוֹתָהּ עוֹד. (ישעיהו נא: כב)22 Ainsi parle ton Maître, l’Eternel et ton Seigneur, le champion de son peuple : “Vois, je prends de ta main le calice du vertige ; la lie de la coupe de ma colère, tu ne la boiras plus. (Isaïe 51 : 22).

Puis l’Eternel consolant Son peuple promet de renverser le sens de l’Histoire en faisant passer la coupe du poison aux Nations qui n’ont de cesse de maltraiter Israël :

כג וְשַׂמְתִּיהָ בְּיַד-מוֹגַיִךְ אֲשֶׁר-אָמְרוּ לְנַפְשֵׁךְ שְׁחִי וְנַעֲבֹרָה וַתָּשִׂימִי כָאָרֶץ גֵּוֵךְ וְכַחוּץ לַעֹבְרִים. (ישעיהו נא: כג)23 Et Je la mettrai dans la main de ceux qui t’ont contristée, de ceux qui disaient à ton âme : “Couche-toi à terre, que nous passions [sur toi] !” Et tu faisais de ton dos comme un sol qu’on foule, comme une rue pour les passants. (Isaïe 51 : 23).

La haftarat Shofetim constitue la source d’inspiration principale du poète et kabbaliste Shlomo ha-Levi Alkabetz lors de la rédaction du très beau piout[2] « Lecha Dodi לְכָה דוֹדִי » que l’ensemble des communautés juives séfarades entonnent le vendredi soir lors de la prière de Kabbalat Shabbat (la réception du Shabbat) dans les synagogues d’Israël et du monde entier. L’essentiel du chant réside sur la centralité de Jérusalem et de sa renaissance. Cette renaissance qui relève de l’ordre du miracle n’a pu être possible, deux mille ans après la destruction du Temple de Jérusalem par Titus, que parce que des visionnaires comme Benyamin Zeev Herzl se sont levés pour éveiller les consciences et trouver une solution à l’antisémitisme. Cette semaine, nous commémorons le cent-vingt cinquième anniversaire de la réunion du Premier Congrès Sioniste qui, initié et convoqué par Herzl, s’est tenu à Bâle du 29 au 31 août 1897. La principale caractéristique du Congrès de Bâle, expliquant sa réussite, réside dans la vision politique de Théodore Herzl qui comprend que le renforcement de la conscience nationale permettra d’ériger un état, Israël, vers lequel tous les Juifs du monde entier pourront trouver refuge. Le 14 mai 1948, soit à peine cinquante et un ans après ce premier Congrès historique, David ben Gourion déclare l’indépendance de l’Etat d’Israël face à toutes les Nations. Le rêve est devenu réalité ! Herzl écrit dans ses mémoires : « Si vous le voulez, ça ne sera pas un rêve ».

L’œuvre extraordinaire du grand dirigeant que fut Herzl vient démentir la parole du verset d’Isaïe :

יח אֵין-מְנַהֵל לָהּ מִכָּל-בָּנִים יָלָדָה וְאֵין מַחֲזִיק בְּיָדָהּ מִכָּל-בָּנִים גִּדֵּלָה. (ישעיהו נא: יח)18 Et pas un seul dirigeant ne la soutient [Jérusalem] de tous les fils qu’elle a enfantés ! Pas un ne saisit sa main de tous les enfants qu’elle a élevés ! (Isaïe 51 : 18).

La marche des fils d’Israël montant à Jérusalem, contrairement à la Sortie précipitée d’Egypte, s’effectue doucement à travers maintes vagues migratoires successives. Les noms de Jérusalem / יְרוּשָׁלִָם (Isaïe 51 : 17 ; 52 : 1 ; 9) et de Sion צִיּוֹן (Isaïe 51 : 16 ; 52 : 1-2 ; 7-8) apparaissent respectivement cinq fois, preuve de la centralité politique et spirituelle de la Capitale du peuple hébreu.  Le cœur de Jérusalem n’a jamais cessé de battre dans l’attente du Grand Retour de ses enfants.

Le miracle du Retour en Israël est permanent !

יב כִּי לֹא בְחִפָּזוֹן תֵּצֵאוּ וּבִמְנוּסָה לֹא תֵלֵכוּן כִּי-הֹלֵךְ לִפְנֵיכֶם יְהוָה וּמְאַסִּפְכֶם אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל. (ישעיהו נב: יב)12 Car ce n’est pas avec une hâte éperdue que vous sortirez, ce n’est pas dans une fuite précipitée que vous partirez ; car l’Eternel sera votre avant-garde, votre arrière-garde le Seigneur d’Israël. (Isaïe 52 : 12).

[1] Parashat Shoftim : Deutéronome 16 : 18-21 : 9 ; Haftarat Shoftim : Isaïe 51 : 12-52 : 12.

[2] Piout: chant liturgique synagogal.

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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