L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Haftarat VaEt’hannan, Isaïe, le prophète de la Consolation

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Le bonheur n’est pas dans le nombre des jours vécus ici-bas, il est dans les jours remplis par l’amour, par l’amitié, par toutes les consolations divines que Dieu nous accorde sur la terre“. (Alexandre Dumas, fils ; Antonine (1849)

A partir de ce shabbat[1] appelé «שַׁבָּת נַחֲמוּ  Shabbat Na’hamou » en raison des deux premiers mots de la haftarat VaEt’hannan : נַחֲמוּ נַחֲמוּ, sont lus sept passages bibliques, tous extraits du livre du prophète Isaïe. Ces sept haftaroth, lues après la journée du 9 av commémorant la destruction du Temple de Jérusalem, jusqu’au Jour de Rosh HaShana (Nouvel an hébraïque), sont dénommées « haftarot Sheva deNe’hamata », «שֶׁבַע דְנֶחָמָתָא  » autrement dit « sept haftarot de consolation ».

Le choix de ces passages bibliques, tous issus du prophète Isaïe, vise à consoler le peuple d’Israël en exil. Contrairement aux trois haftarot précédentes dénommées « Telatt DePour’anouta, תְּלַת דְּפּוּרְעָנוּתָא », les sept haftaroth de consolation ne rappellent ni remontrance ni faute d’Israël mais la mansuétude divine qui s’étend à l’ensemble du peuple d’Israël pris dans la tourmente de l’exil.  

La Haftarat VaEt’hannan se divise en quatre parties déclaratives auxquelles s’ajoute une partie consacrée à la beauté indicible de l’œuvre divine :

  • Déclaration de consolation envers Israël et Jérusalem,
  • Déclaration de préparation à la rédemption future,
  • Déclaration d’Israël reconnaissant la Parole consolatrice de l’Eternel comme éternelle
  • Une Voix se fait entendre à Jérusalem annonçant l’apparition de l’Eternel regroupant tous les exilés d’Israël,
  • Affirmation de la Grandeur incommensurable de l’Eternel.

La première partie de la haftarat VaEt’hannan s’ouvre sur la Déclaration de consolation envers Israël et Jérusalem :

א נַחֲמוּ נַחֲמוּ עַמִּי יֹאמַר אֱלֹהֵיכֶם. ב דַּבְּרוּ עַל-לֵב יְרוּשָׁלִַם וְקִרְאוּ אֵלֶיהָ כִּי מָלְאָה צְבָאָהּ כִּי נִרְצָה עֲוֺנָהּ כִּי לָקְחָה מִיַּד יְהוָה כִּפְלַיִם בְּכָל-חַטֹּאתֶיהָ. (ישעיהו מ: א-ב)1 Consolez, consolez mon peuple, dit votre Seigneur. 2 Parlez sur le cœur de Jérusalem, et appelez-la, car son temps d’épreuve est fini, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur double peine pour toutes ses fautes. (Isaïe 40 : 1-2).

L’Eternel exprime explicitement son amour pour Israël qu’il nomme «עַמִּי  ‘Ami, mon peuple », terme qui fait écho au lien intime, à l’Alliance indéfectible unissant l’Eternel à son peuple lors de la Sortie d’Egypte (Exode 5 : 1). Les fautes d’Israël sont effacées, en témoigne la voix de l’Eternel qui ouvre la deuxième partie de la haftarat VaEt’hannan annonçant le déclin de l’empire babylonien, l’ascension de Cyrus le Grand et le début du retour des exilés des rives de Babylone :

ג קוֹל קוֹרֵא, בַּמִּדְבָּר פַּנּוּ דֶּרֶךְ יְהוָה יַשְּׁרוּ בָּעֲרָבָה מְסִלָּה לֵאלֹהֵינוּ. ד כָּל-גֶּיא יִנָּשֵׂא וְכָל-הַר וְגִבְעָה יִשְׁפָּלוּ וְהָיָה הֶעָקֹב לְמִישׁוֹר וְהָרְכָסִים לְבִקְעָה. (ישעיהו מ: ג-ד)3 Une voix proclame : “Dans le désert, déblayez le chemin de l’Eternel ; rendez droite, dans la plaine aride, une chaussée pour notre Seigneur ! 4 Que toute vallée soit exhaussée, que toute montagne et colline s’abaissent, et que ce qui est tordu devienne une plaine, et les crêtes en vallée ! (Isaïe 40 : 3-4).

L’impact du retour des enfants d’Israël dans leur terre ancestrale, la terre promise Erets Israël, rappelant la Sortie d’Egypte, n’est point uniquement d’ordre national mais également universel et se traduit par la glorification du Nom divin par l’ensemble de l’Humanité libérée du joug totalitaire de puissances avides de pouvoir :

ה וְנִגְלָה כְּבוֹד יְהוָה וְרָאוּ כָל-בָּשָׂר יַחְדָּו כִּי פִּי יְהוָה דִּבֵּר. (ישעיהו מ: ה)5 La gloire du Seigneur va se révéler, et toutes les créatures, ensemble, le verront : c’est la bouche de l’Eternel qui parle.” ((Isaïe 40 : 5).

L’ampleur prophétique de ces versets est si puissante que le Pasteur Martin Luther King, grand defenseur des droits civiques, s’en inspire largement dans son célèbre discours « I Have a Dream » (Je fais un rêve) : « I have a dream that one day every valley shall be exalted, every hill and mountain shall be made low, the rough places plains, and the crooked places will be made straight, and before the Lord will be revealed, and all flesh shall see it together.»

« Je fais le rêve qu’un jour, chaque vallée soit relevée, chaque colline et chaque montagne aplanie, que les endroits escarpés soient aplanis, que les endroits tortueux soient rendus droits, et que devant l’Eternel ils soient révélés, et toute chair verra cela ensemble. »

L’Eternel se révèle à travers l’Histoire et plus particulièrement par le biais de son peuple Israël. Adviendra une nouvelle ère où les puissants seront rabaissés et les plus faibles relevés ! Grâce à la naissance du mouvement sioniste Bilou, à partir de 1881 s’opère un mouvement de retour des exilés qui, avec la création de l’Etat d’Israël, le 15 mai 1948, est la preuve éclatante de l’accomplissement de cette prophétie annonçant la victoire du plus faible (le tout petit reste d’Israël) sur le plus fort (les Nations).

La troisième partie de la haftarat VaEt’hannan s’ouvre, quant à elle, sur la Parole consolatrice de l’Eternel qui, contrairement aux Nations comparées à l’herbe qui se fane, doit être reconnue comme éternelle par Israël :

ז יָבֵשׁ חָצִיר נָבֵל צִיץ כִּי רוּחַ יְהוָה נָשְׁבָה בּוֹ אָכֵן חָצִיר הָעָם. ח יָבֵשׁ חָצִיר נָבֵל צִיץ וּדְבַר-אֱלֹהֵינוּ יָקוּם לְעוֹלָם. (ישעיהו מ: ז-ח)7 L’herbe se dessèche, la fleur se fane, quand l’haleine du Seigneur a soufflé sur elles. Or, le peuple est comme cette herbe. 8 L’herbe se dessèche, la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais.” (Isaïe 40 : 7-8).

Puis une voix mystérieuse de femme se fait entendre à Jérusalem annonçant l’apparition de l’Eternel qui, tel un berger, regroupe tous les exilés d’Israël avec compassion, n’oubliant aucun de ses agneaux :

ט עַל הַר-גָּבֹהַּ עֲלִי-לָךְ מְבַשֶּׂרֶת צִיּוֹן הָרִימִי בַכֹּחַ קוֹלֵךְ מְבַשֶּׂרֶת יְרוּשָׁלִָם הָרִימִי אַל-תִּירָאִי אִמְרִי לְעָרֵי יְהוּדָה הִנֵּה אֱלֹהֵיכֶם. יא כְּרֹעֶה עֶדְרוֹ יִרְעֶה בִּזְרֹעוֹ יְקַבֵּץ טְלָאִים וּבְחֵיקוֹ יִשָּׂא עָלוֹת יְנַהֵל. (ישעיהו מ: ט; יא)9 Monte sur une montagne élevée, messagère de bonnes nouvelles pour Sion, élève ta voix avec force, messagère de Jérusalem ! Elève-la sans crainte, annonce aux villes de Juda : “Voici votre Seigneur !”… 11 Tel un berger, menant paître son troupeau, recueille les agneaux dans ses bras, les porte dans son sein et conduit avec douceur les mères qui allaitent. (Isaïe 40 : 9 ; 11).

La cinquième partie de la haftarat VaEt’hannan est une ode rendant hommage à l’indescriptible Grandeur divine. Le prophète Isaïe exprime cette Grandeur par des questions rhétoriques. Qui serait capable d’y répondre ?

יב מִי-מָדַד בְּשָׁעֳלוֹ מַיִם וְשָׁמַיִם בַּזֶּרֶת תִּכֵּן וְכָל בַּשָּׁלִשׁ עֲפַר הָאָרֶץ וְשָׁקַל בַּפֶּלֶס הָרִים וּגְבָעוֹת בְּמֹאזְנָיִם. יג מִי-תִכֵּן אֶת-רוּחַ יְהוָה וְאִישׁ עֲצָתוֹ יוֹדִיעֶנּוּ. יד אֶת-מִי נוֹעָץ וַיְבִינֵהוּ וַיְלַמְּדֵהוּ בְּאֹרַח מִשְׁפָּט וַיְלַמְּדֵהוּ דַעַת וְדֶרֶךְ תְּבוּנוֹת יוֹדִיעֶנּוּ. יח וְאֶל-מִי תְּדַמְּיוּן אֵל וּמַה-דְּמוּת תַּעַרְכוּ לוֹ. (ישעיהו מ: יב-יד… יח)12 Qui a mesuré les eaux dans le creux de sa main, pris les dimensions du ciel à l’empan ? Qui a jaugé la poussière de la terre, pesé au crochet les montagnes, et les coteaux avec une balance ? 13 Qui a embrassé l’esprit de l’Eternel ? Qui a été le conseiller de sa pensée ? 14 Avec qui a-t-il délibéré pour s’éclairer, pour apprendre la voie de la justice ? Qui lui a donné des leçons de sagesse et indiqué le chemin de l’intelligence ? … 18 À qui donc pourriez-vous comparer le Seigneur et quelle image lui donneriez-vous comme pendant ? (Isaïe 40 : 12-14 ; 18).

L’Eternel est le Maître unique et absolue de la Création et de l’Histoire.

La haftarat VaEt’hannan s’achève sur l’injonction de contempler et méditer la beauté incomparable de la Création qui cache la Grandeur divine :

כו שְׂאוּ-מָרוֹם עֵינֵיכֶם וּרְאוּ מִי-בָרָא אֵלֶּה הַמּוֹצִיא בְמִסְפָּר צְבָאָם לְכֻלָּם בְּשֵׁם יִקְרָא מֵרֹב אוֹנִים וְאַמִּיץ כֹּחַ אִישׁ לֹא נֶעְדָּר. (ישעיהו מ: כו)26 Levez les regards vers les cieux et voyez ! Qui les a créés ? Qui fait défiler leur armée en bon ordre ? Tous, il les appelle par leur nom, et telle est sa puissance et son autorité souveraine que pas un ne fait défaut. (Isaïe 40 : 26).

Ce dernier verset contient deux allusions.

La première allusion concerne Israël à qui il incombe de s’attacher sans cesse à l’Eternel. Les trois premiers mots שְׂאוּ-מָרוֹם עֵינֵיכֶם – Sé’ou MaRoM EyiNeyKheM ont pour consonnes respectives ש. מ. ע. / Sh. M. ‘ (Ayin) constituant la racine verbale qui, mentionnée à la parashat VaEt’hannan, constitue le fondement de toute la foi juive :

ד שְׁמַע יִשְׂרָאֵל  יְהוָה אֱלֹהֵינוּ יְהוָה אֶחָד. (דברים ו: ד)4 Ecoute, Israël : l’Éternel est notre Seigneur, l’Éternel est un ! (Deutéronome 6 : 4).

La haftarat VaEt’hannan prolonge la parashah du même nom en rappelant l’Unicité exclusive de l’Eternel (Isaïe 40 : 13 ; 18 ; 25). A cela s’ajoute la moquerie du prophète Isaïe envers les idoles (40 : 19-20) qui fait écho à l’interdiction catégorique mentionnée comme préambule des Dix Paroles dans la parashat VaEt’hannan (Deutéronome 5 : 7-8).

La seconde allusion se trouve dans la question « מִי-בָרָא אֵלֶּה- Qui les a créés (les cieux) » ? Or, l’association du pronom démonstratif « אֵלֶּה Eleh-ceux-ci (les cieux) » au pronom interrogatif par inversion des lettres « מִי Mi, Qui ? » révèle le Nom divin de la Création : « אֱלֹהִים, le Seigneur ».

Si les séfarades et les ashkénazes achèvent la lecture de la haftarat VaEt’hannan au verset 26, les Yéménites poursuivent jusqu’au verset 27 en y rajoutant le verset 17 du chapitre 41 :

יז הָעֲנִיִּים וְהָאֶבְיוֹנִים מְבַקְשִׁים מַיִם וָאַיִן לְשׁוֹנָם בַּצָּמָא נָשָׁתָּה אֲנִי יְהוָה אֶעֱנֵם אֱלֹהֵי יִשְׂרָאֵל לֹא אֶעֶזְבֵם. (ישעיהו מא: יז)17 Les affligés et les malheureux réclament de l’eau et n’en trouvent pas ; leur langue est desséchée par la soif. Eh bien ! Moi, l’Eternel, je les exaucerai ; le Seigneur d’Israël, je ne les abandonnerai pas. (Isaïe 41 : 17).

Les plus démunis trouvent de nouvelles forces dans leur croyance inébranlable en l’Eternel, croyance qui les habite et les porte :

לא וְקוֹיֵ יְהוָה יַחֲלִיפוּ כֹחַ יַעֲלוּ אֵבֶר כַּנְּשָׁרִים יָרוּצוּ וְלֹא יִיגָעוּ יֵלְכוּ וְלֹא יִיעָפוּ. (ישעיהו מ: לא)31 Et ceux qui mettent leur espoir en l’Eternel acquièrent de nouvelles forces, ils prennent le rapide essor des aigles ; ils courent et ne sont pas fatigués, ils vont et ne se lassent point. (Isaïe 40 : 31).

[1] Parashat Vaet’hanan: Deutéronome 3 : 23-7 : 11; Haftarat Vaet’hanan: Isaïe 40 : 1-26.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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