L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat BeShala’h, Méditation sur le bâton de Moïse

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La parashat BeShala’h[1] est probablement l’une des plus célèbres péricopes en raison du Cantique de la Mer entonné par Moïse, Myriam et tous les enfants d’Israël.

Le texte biblique explique que Moïse réussit à fendre les eaux de la Mer des Joncs par le seul fait de lever la main :

כא וַיֵּט מֹשֶׁה אֶת-יָדוֹ עַל-הַיָּם, וַיּוֹלֶךְ יְהוָה אֶת-הַיָּם בְּרוּחַ קָדִים עַזָּה כָּל-הַלַּיְלָה וַיָּשֶׂם אֶת-הַיָּם לֶחָרָבָה וַיִּבָּקְעוּ הַמָּיִם. (שמות יד: א)21 Et Moïse étendit sa main sur la mer et l’Éternel fit reculer la mer, toute la nuit, par un vent d’est impétueux et il mit la mer à sec et les eaux furent divisées. (Exode 14 : 21).

La lecture de ce verset interroge.

 Premièrement, comment comprendre que l’Eternel fasse appel à un homme, Moïse, afin d’écarter les eaux ? l’Eternel Tout-Puissant n’aurait-il pas pouvoir d’ouvrir par Lui-Même la Mer des Joncs?

טז וְאַתָּה הָרֵם אֶת-מַטְּךָ וּנְטֵה אֶת-יָדְךָ עַל-הַיָּם וּבְקָעֵהוּ וְיָבֹאוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל בְּתוֹךְ הַיָּם בַּיַּבָּשָׁה. (שמות יד: טז)16 Et toi, lève ton bâton, dirige ta main vers la mer et divise-la; et les enfants d’Israël entreront au milieu de la mer à pied sec.” (Exode 14 : 16).

Secondement, il semble ressortir du verset que l’Eternel n’agit qu’après avoir ordonné à Moïse d’étendre sa main. Comment donc expliquer que l’intervention divine succède à l’acte de Moïse ?

Il nous faut noter que lorsque le Seigneur donne l’ordre à Moïse, on note l’utilisation d’un « bâton » ou « sceptre מַטֶּה/ Matté », terme absent lorsque Moïse accomplit l’ordre du Seigneur.

Le mot « bâton, מַטֶּה/ Matté » apparaît pas moins de deux cent cinquante-deux fois dans l’ensemble du TaNaKh. Il revêt de multiples sens. Le bâton qui signifie « branche » (Jérémie 48: 17; Ezéchiel 19: 11) représente la puissance politique (Genèse 38: 18; Jérémie 48: 17) et spirituelle (Nombres 17 : 23; I Chroniques 6 : 46-48). Le bâton signifie également « tribu » car sur la branche ou sceptre est inscrit chacun des noms des princes d’Israël. Dans le cas de Moïse, le bâton n’est autre que celui du berger chargé de conduire et de guider son troupeau, celui de son beau-père Yitro.  Autrement dit, Moïse, devenu simple berger après l’abandon de toute forme d’honneurs et de pouvoir en Egypte, après avoir tué l’Egyptien, reçoit un pouvoir quasi illimité par l’Eternel dont le bâton constitue l’expression. Car ce bâton ne détient aucun pouvoir magique.

Le bâton chez Moïse constitue le signe témoin de la Puissance divine :

כה וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה הָשֵׁב אֶת-מַטֵּה אַהֲרֹן לִפְנֵי הָעֵדוּת לְמִשְׁמֶרֶת לְאוֹת לִבְנֵי-מֶרִי וּתְכַל תְּלוּנֹּתָם מֵעָלַי וְלֹא יָמֻתוּ. (במדבר יז:כג)25 Et l’Éternel dit à Moïse: “Replace le bâton d’Aaron devant le statut, comme signe durable à l’encontre des rebelles; tu feras cesser par là leurs murmures contre moi, et ils ne mourront point.” (Nombres 17 : 23).  

Cela sous-entend que Moïse ne peut faire usage du bâton comme bon lui semble. Le bâton, prolongement de la Parole divine, constitue l’instrument de la Volonté divine et uniquement de celle-ci. Ainsi, comment expliquer que Moïse ait été châtié après avoir frappé le rocher dans le livre des Nombres, alors même que lorsqu’il frappa la première fois ce même rocher, il fut préservé de la vindicte divine ?

ה וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה עֲבֹר לִפְנֵי הָעָם וְקַח אִתְּךָ מִזִּקְנֵי יִשְׂרָאֵל וּמַטְּךָ אֲשֶׁר הִכִּיתָ בּוֹ אֶת-הַיְאֹר קַח בְּיָדְךָ וְהָלָכְתָּ. ו הִנְנִי עֹמֵד לְפָנֶיךָ שָּׁם עַל-הַצּוּר, בְּחֹרֵב וְהִכִּיתָ בַצּוּר וְיָצְאוּ מִמֶּנּוּ מַיִם וְשָׁתָה הָעָם וַיַּעַשׂ כֵּן מֹשֶׁה לְעֵינֵי זִקְנֵי יִשְׂרָאֵל. (שמות יז: ה-ו)5 Et le Seigneur répondit à Moïse: “Avance-toi à la tête du peuple, accompagné de quelques-uns des anciens d’Israël; ce bâton, dont tu as frappé le fleuve [le Nil], prends-la en main et marche. 6 Me voici [l’Eternel] apparaître là-bas sur le rocher, au mont Horeb; tu frapperas ce rocher et il en jaillira de l’eau et le peuple boira.” Ainsi fit Moïse, à la vue des anciens d’Israël. (Exode 17: 5-6).

Or, les textes du livre de l’Exode et des Nombres semblent être identiques:

יא וַיָּרֶם מֹשֶׁה אֶת-יָדוֹ וַיַּךְ אֶת-הַסֶּלַע בְּמַטֵּהוּ פַּעֲמָיִם וַיֵּצְאוּ מַיִם רַבִּים וַתֵּשְׁתְּ הָעֵדָה וּבְעִירָם. (במדבר כ: יא)11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de son bâton par deux fois; il en sortit de l’eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent. (Nombres 20 : 11).  

Cependant, il nous faut remarquer qu’au livre de l’Exode, l’Eternel ordonne à Moïse de frapper le rocher, contrairement à la seconde fois. Là se trouve toute la différence! la faute de Moïse est donc d’avoir abusé du bâton à mauvais escient, sans faire référence à la Puissance de l’Eternel, ce qui donnerait faussement à penser que Moïse en soi est un dieu, possédant la capacité de faire de tels miracles par lui-même. Il aurait donc entraîné les Hébreux dans un culte idolâtre, ce qui explique la gravité du châtiment et l’impossibilité de le supprimer. 

C’est l’humilité du berger Moïse qui octroie à la Parole divine toute sa force dans ce monde.  

Mais pourquoi l’Eternel dans notre parashah semble attendre que Moïse lève la main pour exécuter sa Volonté en fendant les eaux de la Mer des Joncs?

Le Divin a besoin d’être couronné par l’Homme comme un roi de chair et de sang qui appellerait ses fidèles sujets à lui vouer toute leur reconnaissance, témoignant ainsi de sa Présence.  C’est l’Homme qui révèle la Grandeur divine.

La racine hébraïque du mot « bâton, מַטֶּה/Matté » estה] ]נ.ט.י. – N.T.Y[H] qui signifie « incliner, pencher, étendre ». Le substantif lui-même, מַטֶּה/Matté, identique à la racine ה]]נ.ט.י. – N.T.Y מַטֶּה /Matté conjuguée au hifh’il [forme factitive] au temps du participe présent, signifie « j’incline, je fléchis, je fais retourner ». Le mot מַקֵּל/Makkel qui signifie également « bâton » (Jérémie 48: 17) a pour racine ק.ל.ל./ K.L.L. signifiant « alléger, diminuer, dédaigner, mépriser » (Jérémie 6 : 14). 

 Ainsi, le combat d’Israël depuis toujours, et plus encore de nos jours, consécutivement aux atroces massacres perpétrés le 7 octobre dernier en Israël par les terroristes du Hamas, ne doit en aucune manière se limiter au combat armé de Tsahal mais à celui de toute la société israélienne également qui, occupant le champ des idées, a dès aujourd’hui le devoir de fléchir et infléchir les idéologies génocidaires pro-Hamas des ennemis d’Israël d’une part et l’orgueil de nations (Ovadiah 1-3) de l’autre. Israël doit peser de tout son poids moral sur ces nations indifférentes et le leur dire sans à avoir à se justifier d’être devenu une nation libre et souveraine sur la terre de ses ancêtres. Il ne s’agit plus de porter notre témoignage de victimes parmi les nations, mais essentiellement de comprendre la racine du mal qui conduit les peuples et les nations en Europe et aux Etats-Unis à tant haïr Israël, les uns par haine viscérale, les autres par ignorance totale de l’Histoire d’Israël de ce petit peuple qui, avec à ses débuts son simple bâton de berger, est devenu l’une des plus grandes puissances scientifique, économique et culturelle du monde.

Alors même qu’une grande partie des nations et des peuples comme l’Islande, l’Irlande, la Belgique, l’Espagne, nous accusent de « crimes contre l’Humanité » et de « génocide », suivant en cela l’Afrique du Sud, Israël est tenu, par la puissance de sa langue, d’avaler celle de ses adversaires en s’appuyant sur la Puissance divine, sur le modèle du bâton d’Aaron avalant les serpents des devins égyptiens :

יב וַיַּשְׁלִיכוּ אִישׁ מַטֵּהוּ וַיִּהְיוּ לְתַנִּינִם וַיִּבְלַע מַטֵּה-אַהֲרֹן אֶת-מַטֹּתָם. (שמות ז: יב)12 Et ils jetèrent chacun leurs bâtons et ils se transformèrent en serpent, mais le bâton d’Aaron engloutit leurs bâtons. (Exode 7: 12).

En effet, déjà au tout début de la sortie d’Egypte, la source biblique établit un lien explicite entre le pouvoir de la parole et la transformation du bâton en serpent qui, par sa parole, fit échouer Hava (Eve) et Adam:

ב וַיֹּאמֶר אֵלָיו יְהוָה מזה (מַה-זֶּה) בְיָדֶךָ וַיֹּאמֶר מַטֶּה. ג וַיֹּאמֶר הַשְׁלִיכֵהוּ אַרְצָה וַיַּשְׁלִכֵהוּ אַרְצָה וַיְהִי לְנָחָשׁ וַיָּנָס מֹשֶׁה מִפָּנָיו. ד וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה שְׁלַח יָדְךָ וֶאֱחֹז בִּזְנָבוֹ וַיִּשְׁלַח יָדוֹ וַיַּחֲזֶק בּוֹ וַיְהִי לְמַטֶּה בְּכַפּוֹ. (שמות ד: ב-ד)2 Et le Seigneur lui dit [Moïse]: “Qu’as-tu là à la main?” Il répondit: “Un bâton.” 3 Il reprit: “Jette-le à terre!” Et il le jeta à terre et il devint un serpent. Moïse s’enfuit à cette vue. 4 Le Seigneur dit à Moïse: “Avance la main et saisis sa queue!” Il avança la main et le saisit et il redevint bâton dans sa main. (Exode 4 : 2-4).

L’on dit en hébreu moderne « הִטָּה אֶת הַדִּין / Hita ett HaDin, déformer le jugement »:

יט לֹא-תַטֶּה מִשְׁפָּט לֹא תַכִּיר פָּנִים וְלֹא-תִקַּח שֹׁחַד כִּי הַשֹּׁחַד יְעַוֵּר עֵינֵי חֲכָמִים וִיסַלֵּף דִּבְרֵי צַדִּיקִם. כ צֶדֶק צֶדֶק תִּרְדֹּף לְמַעַן תִּחְיֶה וְיָרַשְׁתָּ אֶת-הָאָרֶץ אֲשֶׁר-יְהוָה אֱלֹהֶיךָ נֹתֵן לָךְ.  (דברים טז: יט-כ)19 Tu ne feras point fléchir le droit, n’aie pas égard à la personne, et n’accepte point de présent corrupteur, car la corruption aveugle les yeux des sages et fausse la parole des justes. 20 C’est la justice, oui la justice seule que tu dois rechercher, si tu veux te maintenir en possession du pays que l’Éternel, ton Seigneur, te destine (Deutéronome 16: 19-20).

La réussite d’Israël est assurée lorsqu’il accepte pleinement la vocation qui lui sied d’accomplir, à savoir être le gardien et l’ambassadeur de la Parole divine:

ו  רוֹמְמוֹת אֵל בִּגְרוֹנָם וְחֶרֶב פִּיפִיּוֹת בְּיָדָם. (תהלים קמט: ו)6 Des hymnes louangeurs du Seigneur sur les lèvres, une épée à deux tranchants dans leur main (Psaume 149 : 6).

[1] Parashat BeShala’h: Exode 13: 17-17: 16.

Shabbat shalom!

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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