L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat MiKets, Méditation sur la solidarité

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Le ruban jaune symbole du retour des otages (crédit photo : Ben Mizrahi).

Cet article est dédié tout particulièrement aux otages, femmes, hommes et enfants capturés par le mouvement terroriste du Hamas et aux parents attendant le retour des leurs.

La parashat MiKets[1] révèle les voies complexes de la Providence divine (שְׁכִינָה Shekhinah) dans le monde.

Les frères de Yoseph, ceux-là mêmes qui l’ont profondément jalousé pour ses rêves (Genèse 37 : 5-11), vont finalement, sous la menace d’une grande sécheresse en Erets Israël, descendre en Egypte pour s’y ravitailler en céréales (Genèse 42 : 1-3), richesse abondante en Egypte, grâce aux précautions prises par Yoseph à la suite de son interprétation positive du rêve de Pharaon. Cette descente permet alors à Joseph, dont la véritable identité reste encore inconnue de ses frères (Genèse 42 : 8), de tout mettre en œuvre par le biais du subterfuge de la coupe « volée » (Genèse 44 : 12) pour exaucer la promesse faite à son père Ya’akov qui l’envoya « voir comment se portaient ses frères », à vrai dire « רְאֵה אֶת-שְׁלוֹם אַחֶיךָ, Reeh et shlom A’heikha, faire la paix, se réconcilier avec ses frères » :

יד וַיֹּאמֶר לוֹ לֶךְ-נָא רְאֵה אֶת-שְׁלוֹם אַחֶיךָ וְאֶת-שְׁלוֹם הַצֹּאן וַהֲשִׁבֵנִי דָּבָר וַיִּשְׁלָחֵהוּ מֵעֵמֶק חֶבְרוֹן וַיָּבֹא  שְׁכֶמָה (בראשית לז :יד)14 Et il [Ya’akov] reprit : Va [Yoseph]voir, je te prie, comment se portent tes frères [la paix de tes frères], comment se porte le bétail et rapporte-m’en des nouvelles. Il l’envoya ainsi de la vallée d’Hébron et Joseph se rendit à Sche’hem. (Genèse 37 : 14).

Yoseph, afin de réussir son plan, agit en trois étapes. Premièrement, faire admettre à ses frères l’existence d’un autre frère, Benyamin [Benjamin] ; secondement, les contraindre à faire venir ce dernier en Egypte, preuve de leur bonne foi et troisièmement, garder en gage l’un de ses frères

יג וַיֹּאמְרוּ, שְׁנֵים עָשָׂר עֲבָדֶיךָ אַחִים אֲנַחְנוּ בְּנֵי אִישׁ-אֶחָד בְּאֶרֶץ כְּנָעַן; וְהִנֵּה הַקָּטֹן אֶת-אָבִינוּ הַיּוֹם, וְהָאֶחָד אֵינֶנּוּ. טז שִׁלְחוּ מִכֶּם אֶחָד וְיִקַּח אֶת-אֲחִיכֶם וְאַתֶּם הֵאָסְרוּ וְיִבָּחֲנוּ דִּבְרֵיכֶם הַאֱמֶת אִתְּכֶם וְאִם-לֹא חֵי פַרְעֹה כִּי מְרַגְּלִים אַתֶּם. (בראשית מב: יג; טז)13 Et ils répondirent : “Nous, tes serviteurs, sommes douze frères, nés d’un même père, habitants du pays de Canaan ; le plus jeune est auprès de notre père en ce moment et l’autre n’est plus.”… 16 Envoyez l’un d’entre vous pour qu’il aille quérir votre frère et vous, restez prisonniers : on appréciera alors la sincérité de vos paroles. Autrement, par Pharaon ! vous êtes des espions.” (Genèse 42 : 13 ; 16).

Quelle est donc l’intention profonde de Yoseph, alors qu’il use du subterfuge de la coupe « volée » ?

La réponse que Yoseph attendait tant lui est donnée, vingt-deux ans après la rencontre dramatique entre Yoseph et ses frères qui, saisis par la jalousie, le jettent dans le puits après avoir pensé le tuer :

ט אָנֹכִי, אֶעֶרְבֶנּוּ מִיָּדִי תְּבַקְשֶׁנּוּ אִם-לֹא הֲבִיאֹתִיו אֵלֶיךָ וְהִצַּגְתִּיו  לְפָנֶיךָ וְחָטָאתִי לְךָ כָּל-הַיָּמִים (בארשית מג : ט)9 Moi, je [Yehoudah] me porte garant de lui [de Benyamin], c’est à moi que tu le redemanderas : si je ne te le ramène et ne le remets en ta présence, je me déclare coupable à jamais envers toi. (Genèse 43 : 9).

Le mot-clé de cette parashah « אֶעֶרְבֶנּוּ / E‘eRVeNou/je [Yehoudah] me porte garant de lui » dont la racine «ע.ר.ב. / Ayin.R.B.[V] » signifie « se porter solidaire, garant d’autrui ». Autrement dit, Yehoudah est disposé à répondre personnellement de la vie de Benyamin, frère de Yoseph, tous deux fils de l’épouse préférée de Ya’akov Ra’hel, en cela, son frère préféré. Cette phrase, témoignant de l’humilité de Yehoudah, bouleverse toute l’histoire du livre de Bereshit [la Genèse]. Elle est dite par Yehoudah et fait écho aux paroles de Yoseph à l’homme mystérieux, alors qu’il erre dans les champs :

טז וַיֹּאמֶר אֶת-אַחַי אָנֹכִי מְבַקֵּשׁ הַגִּידָה-נָּא לִי אֵיפֹה הֵם רֹעִים. (בראשית לז: טז)16 Et il [Joseph] répondit : “Ce sont mes frères que je cherche. Veuille me dire où ils font paître leur bétail.” (Genèse 37 :16).

Quant à cette réponse de Yoseph, elle fait écho à Caïn qui, ayant tué son seul et unique frère Abel, n’est point disposé à en assumer la pleine et entière responsabilité. D’une certaine manière, Yehoudah, en se portant garant et solidaire de son frère Benyamin, répare non seulement la faute contre Yoseph mais aussi celle de Caïn qui fit preuve de manque d’empathie et de solidarité, voire même d’indifférence, à l’égard de son frère HeVeL [Abel].

ט וַיֹּאמֶר יְהוָה אֶל-קַיִן אֵי הֶבֶל אָחִיךָ וַיֹּאמֶר לֹא יָדַעְתִּי הֲשֹׁמֵר אָחִי אָנֹכִי. (בראשית ד: ט) 9 Et l’Éternel dit à Caïn : “Où est Abel ton frère ?” et il répondit : “Je ne sais ; suis-je le gardien de mon frère ?” (Genèse 4 : 9).

Après les massacres du 7 octobre, le peuple juif en Israël et en Diaspora a tout de suite témoigné de sa présence, de sa pleine et entière solidarité envers les morts, les blessés et tous les otages, qu’ils soient israéliens ou de nationalité étrangère. La mobilisation est à son comble et ce, dans tous les domaines de la vie courante. Les différends politiques ne sont plus à l’ordre du jour. Nous sommes tous frères ! Les centres médicaux ne cessent d’appeler leurs malades, s’inquiétant de la santé de leurs patients, s’il ne leur manque pas de médicaments, auquel cas ceux-ci leur seront envoyés gratuitement jusqu’à la porte de leur maison. Tous se dévouent corps et âme à répondre aux besoins matériels, psychologiques et spirituels de leurs frères. Plus rien ne nous distingue. Toutes et tous ouvrent généreusement leur cœur, la צְדָקָה Tsedaka (charité de justice) est distribuée partout et pour tous sans discrimination aucune. Les agriculteurs en grande détresse et en peine de récolter leurs produits menacés de pourrir par manque de main d’œuvre – les hommes ayant été appelés au combat – sont épaulés volontairement par la population. Des repas faits maison sont distribués par milliers aux soldats qui ne sont pas oubliés et qui, en pause dans la guerre, sont logés dans de grands hôtels. La liste, loin d’être exhaustive, témoigne de la noblesse d’esprit du peuple d’Israël, de Am Israël- עַם יִשְׂרָאֵל qui, révélant sa qualité principale, à savoir une totale abnégation l’un pour l’autre, s’avère être le fidèle héritier de Joseph et de Yehoudah.

Quant aux otages, semblables à Yoseph impuissant et vulnérable au fond du puits, l’on apprendra après la libération partielle d’entre eux, que bon nombre, malgré les conditions cruelles et inhumaines dans lesquelles ils étaient retenus par le Hamas, refuseront d’être rendus sans les leurs, prêts même à rester dans les tunnels de la mort en échange du retour des leurs, de leurs proches, de leurs amis, des habitants des localités de l’Ouest du Neguev, avec lesquels ils vivaient en bonne entente, rentrer chez eux sains et saufs.

לג וְעַתָּה יֵשֶׁב-נָא עַבְדְּךָ תַּחַת הַנַּעַר עֶבֶד לַאדֹנִי וְהַנַּעַר יַעַל עִם-אֶחָיו. לד כִּי-אֵיךְ אֶעֱלֶה אֶל-אָבִי וְהַנַּעַר אֵינֶנּוּ אִתִּי פֶּן אֶרְאֶה בָרָע אֲשֶׁר יִמְצָא אֶת-אָבִי. (בראשית מד: לג-לד)33 Donc, de grâce, que ton serviteur, à la place du jeune homme, reste esclave de mon seigneur et que le jeune homme reparte avec ses frères. 34 Car comment retournerais-je [Yehoudah] près de mon père sans ramener son enfant ? Pourrais-je voir la douleur qui accablerait mon père ?” (Genèse 44 : 33-34).

Israël souffre de ne pas voir ses enfants rentrer à la maison. Toutefois, le trésor et le réconfort d’Israël, c’est sa « solidarité, עַרְבוּת AReVout ».

ש « יִשְׂרָאֵל נִקְרָא גּוֹי אֶחָד וְנֶפֶשׁ אֶחָד … שֶׁהוּא … אַחְדּוּת שְׁלֵמָה וְעַל כֵּן יִשְׂרָאֵל עֲרֵבִים זֶה לָזֶה » (תורת משה – אלשיך, דברים כ״ט:ט׳:ד׳).

« Israël est appelé une “nation” [sens littéral, II Samuel 7 : 23] et “une âme” une ou unie… car il… forme une unité parfaite et c’est pourquoi les fils d’Israël sont solidaires les uns des autres » (Torat Moshe- Alsheikh, Deutéronome 29, 9, 4).

La meilleure défense des enfants d’Israël, leur arme secrète, a été, est et sera à tout jamais les liens qui les unissent les uns aux autres. En effet, dans les circonstances dramatiques frappant Israël, le substantif « עַרְבוּת AReVout, gage, solidarité » dont la racine est ע.ר.ב.   n’est point sans rappeler le mot « ARouBah עֲרֻבָּה pris en gage » (Néhémie 5 : 3) ou « otages  בְּנֵי-עֲרֻבָּה Bnei ARouBah ». La lumière de la solidarité et de la fraternité repoussera l’obscurité du Hamas et du Jihad détenant nos otages. A la folie génocidaire du Hamas répond l’altruisme d’Israël.

C’est souvent la souffrance – dans la parashat Mikets, la famine, רָעָב Ra’Av [B] – qui contribue à l’unité, au renforcement de la fraternité et de la solidarité, עָרַב AReV (Genèse 44 : 32). Le premier terme « רָעָב / Ra’AV [B], famine » est l’anagramme exact du verbe « ARaV [B] עָרַב être responsable d’autrui ». Répondre « הִנְנִי Hinneni, me voici » à l’Eternel c’est avant tout répondre d’autrui. Il ne saurait y avoir d’Alliance avec le Divin sans alliance avec notre frère :

לב כִּי עַבְדְּךָ עָרַב אֶת-הַנַּעַר מֵעִם אָבִי לֵאמֹר אִם-לֹא אֲבִיאֶנּוּ אֵלֶיךָ וְחָטָאתִי לְאָבִי כָּל-הַיָּמִים 32 Car ton serviteur est garant de cet enfant à son père, en disant : ‘Si je ne te le ramène, je serai coupable à jamais envers mon père.’ (Genèse 44 : 32).

[1] Parashat MiKets : Genèse 41 : 1-44 : 17.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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