L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashat Térouma, partager pour construire!

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

Cette parasha qui décrit le plan de construction de la Tente du Rendez-vous débute par une offrande:

ב דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה  מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי. (שמות כה: ב).ש

2 “Dix aux enfants d’Israël  de prendre pour Moi une offrande de la part de quiconque y sera porté par son cœur, vous prendrez mon offrande. (Exode 25: 2).[1]

Comment expliquer cette introduction alors qu’il eût été, a priori, plus logique de décrire les divers instruments de culte?

Parmi les commentateurs comme Rabbi Avraham ben Ezra (1089-1164 ou 1092-1167), nombreux sont ceux qui notent que la racine ל.ק.ח./ L.K.’H. comporte deux significations: «re-prendre» et «donner». Le verset extrait du livre des Proverbes confirme cette dernière notion:

ב  כִּי לֶקַח טוֹב נָתַתִּי לָכֶם  תּוֹרָתִי אַל-תַּעֲזֹבוּ. (משלי ד: ב).ש

2 Car je vous donne un bon Enseignement: n’abandonnez pas mon enseignement. (Proverbes 4: 2)

Il est donc possible, par le biais de cette double signification, d’en déduire que l’usufruit de ce monde – ce dont l’homme est capable d’extraire pour en tirer profit- doit être redistribué à autrui sans être à aucun instant jalousement conservé car le véritable propriétaire de toutes les ressources est l’Eternel. Le MaLBiM[2] rappelle deux sources à ce propos:

יד וְכִי מִי אֲנִי וּמִי עַמִּי כִּי-נַעְצֹר כֹּחַ לְהִתְנַדֵּב כָּזֹאת כִּי-מִמְּךָ הַכֹּל וּמִיָּדְךָ נָתַנּוּ לָךְ. טו כִּי-גֵרִים אֲנַחְנוּ לְפָנֶיךָ וְתוֹשָׁבִים כְּכָל-אֲבֹתֵינוּ כַּצֵּל יָמֵינוּ עַל-הָאָרֶץ וְאֵין מִקְוֶה. (דברי הימים א, כט: יד-טו).ש

14 Car qui suis-je et qui est mon peuple, pour que nous puissions te faire volontairement ces offrandes? Tout vient de toi, et nous recevons de ta main ce que nous t’offrons. 15 Comme tous nos ancêtres, nous sommes devant toi des étrangers, de simples hôtes; nos jours, sur la terre, ne sont qu’une ombre, sans nul espoir [de durée]. (I Chroniques 29: 14-15).

ח לִי הַכֶּסֶף וְלִי הַזָּהָב נְאֻם יְהוָה צְבָאוֹת. (חגי ב: ח).ש

8 A Moi [l’Eternel] appartient l’argent, à moi l’or, dit l’Eternel Tsévaot. (Haggaï 2: 8).

Comment un homme peut-il prétendre extraire l’une des ressources de l’Eternel pour finalement la lui offrir en retour? Quel peut être, donc,  le sens d’une telle offrande?

Ce terme de «offrande, don» peut être, également, traduit par «prélèvement». Deux raisons peuvent justifier une telle traduction. Tout d’abord, si l’on se réfère à Onkelos, le célèbre traducteur et interprète du texte biblique, il nous apparaît que ce dernier établit dans son commentaire une étroite corrélation entre la racine verbale hébraïque ל.ק.ח. וְיִקְחוּ)- תִּקְחוּ) et la racine araméenne/פ.ר.ש.  P. R. Sh (וְיַפְרְשׁוּן… אַפְרָשׁוּתָא)

ש«מַלֵיל עִם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְיַפְרְשׁוּן קֳדָמַי אַפְרָשׁוּתָא מִן כָּל גְבַר דִי יִתִּרְעֵי לִבֵּהּ תִּסְבוּן יָת אַפְרָשׁוּתִיש

Ce don constituant en soi une «mise à part», doit être considéré, à ce titre, comme «QaDoSh», autrement dit «consacré à l’Eternel», l’unique et exclusive Source de l’ensemble des ressources emplissant le Monde.

Notons qu’André Chouraqui adopte dans sa traduction l’interprétation d’Onkelos:

ב דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וְיִקְחוּ-לִי תְּרוּמָה  מֵאֵת כָּל-אִישׁ אֲשֶׁר יִדְּבֶנּוּ לִבּוֹ תִּקְחוּ אֶת-תְּרוּמָתִי. (שמות כה: ב).ש

2 “Parle aux Benéi Israël, qu’ils prennent pour moi un prélèvement. Vous prendrez mon prélèvement de tout homme au cœur gratificateur. (Exode 25: 2).

Le passage suivant confirme le bien-fondé de la traduction d’André Chouraqui:

ה קְחוּ מֵאִתְּכֶם תְּרוּמָה לַיהוָה כֹּל נְדִיב לִבּוֹ יְבִיאֶהָ אֵת תְּרוּמַת יְהוָה:  זָהָב וָכֶסֶף וּנְחֹשֶׁת. ש

5 ‘Prélevez [littéralement: ‘donnez de vous’] sur vos biens une offrande pour l’Éternel; que tout homme de bonne volonté l’apporte, ce tribut du Seigneur: de l’or, de l’argent et du cuivre;

La seconde raison réside dans l’explication de la racine du terme TéROuMaH, ר.ו.מ / R.Ou.M signifiant «élever, relever, faire grandir». Onkelos use du terme araméen קֳדָמַי / KoDaMaY pour traduire le terme TéROuMaH. Or ce terme araméen dont la racine est ק.ד.מ. K.D.M signifie «aller de l’avant, progresser» (Psaume 89: 15). L’Homme détient donc le pouvoir, en offrant une part de lui-même, de s’élever spirituellement et de soulever la Planète en sauvant celle-ci de son égoïsme destructeur[3]. Le prélèvement ou le don, loin de constituer l’amoindrissement d’un Tout, devient, dès lors qu’il est pratiqué avec un cœur joyeux et une bonne volonté, une source inépuisable de bénédictions pour soi, pour Israël et pour l’Humanité. Si l’Humanité, au contraire de Caïn, décidait d’emprunter enfin cette voie de partage, les guerres et les effusions de sang ne seraient plus que l’ombre d’un passé révolu.

La réception de la Bénédiction divine qui emplit l’univers résulte du partage des hommes, de l’altruisme de ces derniers les uns envers les autres. Le Patriarche AVRaHaM, en quête de paix permanente, se montre sincèrement disposé à partager la terre promise avec son neveu qu’il dénomme «frère»:

ח וַיֹּאמֶר אַבְרָם אֶל-לוֹט אַל-נָא תְהִי מְרִיבָה בֵּינִי וּבֵינֶךָ וּבֵין רֹעַי וּבֵין רֹעֶיךָ  כִּי-אֲנָשִׁים אַחִים אֲנָחְנוּט הֲלֹא כָל-הָאָרֶץ לְפָנֶיךָ הִפָּרֶד נָא מֵעָלָי אִם-הַשְּׂמֹאל וְאֵימִנָה וְאִם-הַיָּמִין וְאַשְׂמְאִילָה. (בראשית יג: ח-ט).ש

8 Abram dit à Loth: “Qu’il n’y ait donc point de querelles entre moi et toi, entre mes pasteurs et les tiens; car nous sommes des hommes, des frères. 9 Toute la contrée n’est-elle pas devant toi? De grâce, sépare-toi de moi: si tu vas à gauche, j’irai à droite; si tu vas à droite, je prendrai la gauche.” (Genèse 13: 8-9).

C’est probablement la raison pour laquelle la planification de l’édification de la Tente du Rendez-Vous et la description des instruments qui l’accompagnent sont placées sous le signe de la Bénédiction car le secret de celle-ci réside, avant tout, dans le cœur des hommes, de tous les hommes sans aucune distinction sociale, de sexe ou même d’origine. Alors:

ח … וְשָׁכַנְתִּי בְּתוֹכָם. (שמות כה: ח). ש

8 …Je résiderai au milieu d’eux (Exode 25: 8)

 

[1] Parashat Térouma, Exodem 25: 1- 27: 19

[2] Rabbi Meïr Leibush ben Jehiel Michel Weiser (1809-1879).

[3] Cf, RaM’HaL, «Le Sentier de Rectitude» Chap. I.

 

L’étude biblique vous passionne. Je vous invite à rejoindre notre Campus biblique: https://www.campusbiblique.com/

Shabbat shalom !

[email protected]

Avec toutes mes amitiés,

Haïm Ouizemann

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Une réponse

  1. Shalom, pardon pour la longueur…
    simple réflexe de base : j’ai récupéré le sens des racines
    à commencer par le nom de la Parasha Térouma :ת.ר.ך. milieu (l’Eternel au milieu de la Tente)
    quelle condition première pour y entrer ?
    J’ai été interpellé par le mot offrande avec le verbe prendre : simple contradiction apparente.
    racines ל.ק.ח.p 327 du Sander et Trenel en regardant l’ordre des divers sens , nous voyons que offrir est avant recevoir et il y a aussi se révolter !
    Se révolter se retrouve en Bereshit 3.22. Très tôt, l’être humain a désobéi en PRENANT un fruit de l’arbre de vie. A pris AVANT d’offrir….!
    Il a désobéi à une injonction de l’Eternel : l’Etre suprême (parfaitement bon TOV) qui l’a créé.
    Comme si Elokim pouvait être un mauvais conseiller..!
    Dans le milieu laîc, avant toute inauguration, il est fait mention du NOM et l’on découvre une stèle puis est fait une offrande de fleurs (couronne par ex.) et seulement après nous pouvons entrer pour les réjouissances de partage.
    Pour construire la Tente du Rendez-vous (avec l’Eternel), Moshe transmet la Parole d’Elokim, très pédagogue dans la demande de cet acte de “prendre pour offrir”.
    Avec cette offrande préliminaire, nous reconnaissons et honorons notre Créateur à qui tout appartient. Nous transmettons une part de ce bien (avec un coeur gratificateur”)
    Poser un acte montre notre reconnaissance envers l’Amour de l’Eternel.
    Donner sa dîme, les premiers fruits d’une récolte.. sont des actes de construction pour l’être humain qui lui permettent d’être en lien avec l’Eternel et ne jamais oublier.
    Que donne-t-on au XXIe siècle, que partageons-nous, comment témoignons-nous de ce que l’on a à transmettre ?
    Ainsi on se met à part pour étudier, la Parasha notamment, le Jour du Shabbat, mêmes racines
    פ.ר.שׁ. séparer en araméen.
    Ne dit-on pas : “il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir” aussi le partage des biens (qui ne nous appartiennent pas !) devraient paraître NORMAL !

    Il y a un monde entre les politiciens, les économistes de tout bord qui sont loin de la Torah et ceux (mis à part) qui la lisent…

    Shabbat Shalom

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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