L'hébreu biblique
Le blog de Haïm Ouizemann

Parashot Tazria- Metsora, En quête de pureté

וַיִּקְחוּ בְנֵי-אַהֲרֹן נָדָב וַאֲבִיהוּא אִישׁ מַחְתָּתוֹ וַיִּ

En ce shabbat nous lirons deux parashot Tazria-Metsora[1], dont le thème essentiel se concentrera sur la maladie de la lèpre – Tsara’at – צָרַעַת.

Toutefois, à la fin de la parashat Metsora, il est fait mention d’un autre thème que celui de la lèpre, à savoir celui de l’impureté de l’homme et de la femme qui, contractée à la suite de pertes séminales chez le premier et au flux du sang menstruel chez la seconde, oblige ces derniers à se mettre à l’écart du monde.

L’homme, s’il contracte la maladie de la gonorrhée ou est l’objet d’une perte séminale naturelle indépendamment de sa volonté, est déclaré impur par le Cohen :

א וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר. ב דַּבְּרוּ אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל וַאֲמַרְתֶּם אֲלֵהֶם אִישׁ אִישׁ כִּי יִהְיֶה זָב מִבְּשָׂרוֹ זוֹבוֹ טָמֵא הוּא… טז וְאִישׁ כִּי-תֵצֵא מִמֶּנּוּ שִׁכְבַת-זָרַע וְרָחַץ בַּמַּיִם אֶת-כָּל-בְּשָׂרוֹ וְטָמֵא עַד-הָעָרֶב. (ויקרא טו: א-ב; טז)1 Et l’Éternel parla ainsi à Moïse et à Aaron : 2 “Parlez aux enfants d’Israël et dites-leur : Quiconque serait affligé de gonorrhée, son écoulement est impur… 16 Et un homme qui aura laissé échapper de la matière séminale baignera dans l’eau tout son corps, et sera impur jusqu’au soir. (Lévitique 15 : 1-2 ; 16).

Quant à la femme, qu’elle vienne à perdre du sang lors de sa période menstruelle ou en-dehors, le Cohen la déclare impure.

יט וְאִשָּׁה כִּי-תִהְיֶה זָבָה דָּם יִהְיֶה זֹבָהּ בִּבְשָׂרָהּ שִׁבְעַת יָמִים תִּהְיֶה בְנִדָּתָהּ וְכָל-הַנֹּגֵעַ בָּהּ יִטְמָא עַד-הָעָרֶב… כה וְאִשָּׁה כִּי-יָזוּב זוֹב דָּמָהּ יָמִים רַבִּים בְּלֹא עֶת-נִדָּתָהּ אוֹ כִי-תָזוּב עַל-נִדָּתָהּ כָּל-יְמֵי זוֹב טֻמְאָתָהּ כִּימֵי נִדָּתָהּ תִּהְיֶה טְמֵאָה הִוא. (ויקרא טו: יט; כה)19 Et lorsqu’une femme éprouvera le flux (son flux, c’est le sang qui s’échappe de son corps), elle restera sept jours dans son isolement, et quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir… 25 Et si le flux sanguin d’une femme a lieu pendant plusieurs jours, hors de l’époque de son isolement, ou s’il se prolonge au-delà de son isolement ordinaire, tout le temps que coulera son impureté, elle sera comme à l’époque de son isolement : elle est impure. (Lévitique 15 : 19 ; 25).
 

Le terme נִדָּה Nidda évoqué dans ces deux versets vient de trois racines hébraïques possibles : נ.ד.ד. /N.D.D.,  נ.ו.ד./N.Ou.D. ou נ.ד.י. – N.D.Y. et signifie respectivement « errer, fuir » ou « isoler, éloigner, écarter ».

Quant au verbe זָבָה – ZaVaH cité à maintes reprises et dont la racine est,ז.ב.י.  sa signification est « écouler, couler ».

Dans le cas d’impureté chez l’homme comme chez la femme, toute personne ou toute chose qui viendrait en leur contact serait, à son tour, rendue impure. En somme, l’impureté évoquée par le texte biblique est susceptible d’être transmissible à l’environnement direct.

Immédiatement, ces versets suscitent l’interrogation suivante pour les hommes et les femmes que nous sommes au XXIe siècle pour lesquels de telles règles paraissent non seulement incompréhensibles mais aussi discriminantes, en ce sens que la mise à l’écart de la société peut être saisie comme une punition.

En quoi ces pertes séminales chez l’homme et de sang chez la femme font de ceux-ci des êtres impurs écartés pour un temps provisoire de la vie sociale ?

Cette interrogation complexe nous oblige à porter notre réflexion sur l’origine et le sens de l’impureté et son contraire la pureté.

Selon la Torah, la notion d’impureté est toujours apparentée à la mort, au contraire de celle de pureté qui est identifiée au Principe de Vie !

La perte séminale chez l’homme, même involontaire, doit être comprise comme une potentialité manquée d’apporter la Vie. Chez la femme, la période de menstruation entraînant la perte de l’endomètre signifie que le processus de fécondation de l’ovocyte nécessaire pour amener la Vie a été absent ou empêché. Dans les deux cas, dès lors que le processus de rencontre entre les gamètes mâle et femelle n’a pas lieu, la Torah considère cela comme « une mort ». L’idée sous-jacente à cette notion de mort réside dans le principe sacré d’union et non de division. La Vie est le fruit de l’union, la mort de la division.

Cette impossibilité ou impasse à amener la Vie conduit, donc selon la Torah, à l’état d’impureté synonyme de mort dont il faut absolument s’éloigner.  Même la femme mettant au monde est considérée comme impure ! N’a-t-elle point pourtant amené la Vie au monde ?  Les Sages d’Israël expliquent de deux manières différentes cette impureté de la femme (Toum’at HaYoledet –טֻמְאַת יוֹלֶדֶת (Lévitique 12 : 1-5) venant d’accoucher. D’une part, il existe toujours une menace possible de mort pour la femme en voie d’accouchement et d’autre part, cette dernière se détache de l’être vivant qui était encore rattaché à elle par le cordon ombilical. Est-il nécessaire de rappeler qu’une naissance s’accompagne toujours d’une grande perte de sang, à la suite de l’évacuation des autres parties qui ont aidé au développement du fœtus et qui sont devenues inutiles dorénavant, comme le placenta, la cavité amniotique, le cordon ombilical…  C’est pourquoi l’on peut considérer que la séparation de la mère et du nouveau-né s’apparente à une forme de « petite mort », quand le nouveau-né lui-même est pur.

Ces ordonnances visant à élever l’Homme vers la pureté paraissent pour certains appartenir à un passé lointain et semblent si difficiles à saisir pour l’entendement cartésien de l’homme occidental. Elles ont néanmoins permis à Israël durant des générations jusqu’à nos jours de traverser les affres et les épreuves du Temps. Le dessein biblique est de faire d’Israël dans son ensemble une « מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים וְגוֹי קָדוֹשׁ Nation sainte (‘séparée’) et un royaume de Cohanim (‘servants du Seigneur’) » (Exode 19 : 6) sur l’exemple des Cohanim qui ne devaient à aucun instant de leur vie être en contact avec la mort sous peine de ne plus pouvoir rendre le culte dans la Tente du Rendez-Vous ou dans le Temple de Jérusalem.

Les Sages d’Israël en quête incessante de pureté concernant le peuple d’Israël, mettent en exergue la notion de « טַהֲרַת הַמִּשְׁפָּחָה pureté familiale-Ta’harat HaMishpa’hah » fondamentale dans la vie conjugale intime du couple. Le Principe de Vie dans notre quotidien doit l’emporter sur le principe de mort. Ces mêmes Sages vont même jusqu’à dire que la véritable pureté ne peut en aucun cas se limiter à la dimension rituelle des lois concernant la pureté familiale mais se concentre avant tout dans le cœur et l’esprit de l’homme et de la femme !  

Comme le reconnaît Bil’am, prophète des nations et pourtant ennemi d’Israël, les tentes symbolisant le foyer d’Israël restent pures à jamais ![2]

ה מַה-טֹּבוּ אֹהָלֶיךָ יַעֲקֹב מִשְׁכְּנֹתֶיךָ יִשְׂרָאֵל. (במדבר כד: ה)5 Qu’elles sont belles tes tentes, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël ! (Nombres 24 : 5).

[1] Parashat Tazria-Metsora :  Lévitique 12 : 1-15 : 33.

[2] Cf. commentaire de Rashi : Nombres 24 : 5. Ce verset est souvent présent à l’intérieur des synagogues. 

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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J’ai plus de 30 ans d’expérience dans l’étude et l’enseignement de la Bible. Il n’y a pas de limite à ce que la Bible prodigue comme connaissance et inspiration pour la vie.
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